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 [Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité

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Jade Highwind
Jade Highwind
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MessageSujet: [Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité   [Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité ClockMer 25 Juil 2018 - 23:19
Citation :
Si Gilean avait été en face de moi ce matin là, je lui aurais dit volontiers à quel point je regrettais le temps où je voyageais avec lui, et tous ces autres héros au bord de notre merveilleux vaisseau. Toi, Coeur de Fer, toi qui battait la chamade au rythme de nos aventures hors du temps et hors norme... Te voici maintenant aux mains de cette demoiselle... Oh, je n'ai rien contre elle, mais nous le savions tous : avec elle à notre tête, moi et l'équipage ne vivrions plus de telles aventures. Et ce cher bon vieux vaisseau vivait sa retraite, n'effectuant que de simples emplettes : Jadis nous domptions les astres et le temps et nous voici simples coursiers...

Je dois avouer avoir trouver ça reposant dans un premier temps... et touchant. Jade Highwind constituait une liste d'objets ridicules. Une trentaine, un par année qu'elle avait passé loin de ce cher Higginbotham.

Le premier avait été une peluche en forme de lapin. Parce qu'elle avait dit qu'il n'y avait pas de lapin sur Métamol.
Le second, une harpe lamantine, un instrument de musique kanasien.
Le troisième, un livre, L'univers illustré. Une édition pour enfants, bien entendu.
Le quatrième, une boite de bonbon d'un artisan Dösatzien non loin de Tropicaland

Un cadeau par année que son fils avait passé loin d'elle. Un peu comme rattraper le temps perdu.. Un peu pour qu'elle arrive à réaliser qu'elle était maman, et je suspecte aussi qu'elle trouvait cela simplement hilarant d'offrir des jouets à un grand gamin de 30 ans.

Le quinzième, une veste portant le blason d'un groupe de musique terrienne, Vero Sans
Le seizième, une bière de Magma, la Ercus ambrée.

Et puis chaque objet lui permettrait de partager un peu sa vie à elle avec Gilean. Ce qu’elle voulait lui faire découvrir, ce qu’elle avait aimé au cour de ses voyages. Nous avions appris un peu sur elle ainsi, mais la jeune femme refusait de nous parler d'elle en dehors de cela.

Vingt-sept, une montre, apparemment fabriquée par elle-même.
Vingt-huit, un échantillon de ce qu'elle avait décrit comme le meilleur café, créé par un certain Rapabienski.
Vingt-neuf, une place pour un opéra galactique, celui qui avait remporté de nombreux prix.

Quoiqu'il en était, avec la complicité du personnel de la Stinger Industry au bord du Coeur de Fer, elle allait enfin envoyer tous ces paquets, sans doute un par semaine. Trente anniversaires de retard... Elle nous avait interdit d'utiliser l'épice, et même fait éliminer toute trace de ce dernier à notre bord, mais elle avait sa propre façon à elle de faire la nique au passé, et voyager dans le temps. Je trouvais ça fort amusant oui... Mais au fond j'obéissais sans joie : plus d'épice à bord, plus de saut dans l'adversité, dans l'imprévu, nous étions privés de l'essence même du Coeur de Fer, nous le privions d'adrénaline et je vais être franc avec vous : j'ai ressenti dès ce premier ordre de vider les réserves d'épices que le Cœur de Fer ne battrait plus jamais comme avant, qu'il ne battrait pas pour elle.

Je savais que Jade ne resterait pas longtemps parmi nous. Que très vite elle nous donnerait l'ordre de la laisser quelque-part et de vivre notre vie, de prendre notre retraite. C'était couru d'avance... Et nous l'avions tous compris. Nous avions déjà fini l'aventure et il m'arrivait parfois, au détour d'un couloir, de voir un mirage et que mes sens me trompent, désireux de voir à notre bord Sir Ellias, Sir Raneas, Dame Catleia, Le Comédien... Si ce n'était Higginbotham, Gilean, lui-même. Alors comme tous les matins je m'efforçais de la motiver, de lui montrer les possibilités de l'univers à travers les récits de nos exploits passés, les fluctuations de nos actes boursiers gonflées par les ressources découvertes dans d'autres mondes, les vies sauvées, les échanges culturels. Nous prenions des itinéraires plus longs pour lui montrer les nébuleuses et les géantes pour réveiller l'exploratrice en elle... Mais jamais cela ne marchait. Jade passait le plus clair de son temps à écouter, une flasque à la main, un sourire passif aux lèvres. J'ai appris à tolérer ce sourire, et étrangement il était le même que celui de Gilean... Pourquoi donc ne voulait-elle pas voyager avec nous ? De quoi avait-elle peur ? Pourquoi avoir interdit l'utilisation de l’Épice ? Pourquoi nous avoir coupé nos ailes ?

Je pensais que le temps s'était arrêté quand le Coeur de Fer avait été vidé de notre or, de ce carburant qui nous avait tant donné et placé au dessus de ce que nous étions tous... Mais le temps allait vraiment s'arrêter ce matin là... Je voulais plus que tout goûter à nouveau à l'épice et à l'ivresse de glisser d'une réalité à une autre. Gravir une nouvelle marche pour m'élever au dessus de moi-même. Je voulais une nouvelle secousse.
L'univers a un drôle de sens de l'ironie.



Jade fit tomber sa flasque au sol : la secousse avait été énorme. Elle regarda les pilotes sur la passerelle qui devant leurs moniteurs paraissaient pris de court. Capeldi demanda ce qui se passait : ils n'étaient autour d'aucune planète et rien ne devait provoquer de turbulences... Rien à signaler.
"Rien sur les radars."
"Et RAS de la part de l'équipe technique."
Deuxième secousse. Jade fut rattrapée par Capeldi, cet alien grisonnant qui était son second et qui dirigeait à sa place cet immense vaisseau. Les moniteurs clignotèrent, et toutes les autres lumières avec eux. La petite mécano regarda les employées :
"C'est déjà arrivé ?"
Capeldi fronça les sourcils et se mit aux commandes, à la place où siégeait Higginbotham auparavant. Il avait cru pendant un instant qu'un visage l'avait nargué dans le moniteur, entre deux alertes logiciels.
"Un hack ?" fit un employé.
"Surchauffe du système ?" demanda une autre.

Puis tout devint noir. Le vaisseau s'éteignit complément. Plus de bruit de moteur. Et comme si tout l'équipage et tous les autres appareils l'imitait, plus aucun mot ne fut prononcé. Plusieurs longues secondes passèrent, immobiles, avant que le générateur de secours ne s'enclenche.

"Contactez immédiatement la maison mère." Avait alors tonné Capeldi.
Jade restait au milieu, et se décalait quand elle gênait le passage d'un employé qui courait. Spectatrice elle constata avec les autres que la communication avec la Stinger Industry étaient coupées. La Flèche d'Argent ne répondait pas. Jade ne paniqua pas, ne se rendant pas compte que jamais JAMAIS le matériel de la firme n'avait montré de défauts : Capeldi lui avalait sa salive difficilement.
"Scannez la dernière position connue de la Flèche d'Argent. Les télescopes des planètes voisines, les radars des vaisseaux alentours, détournez les sondes et réorientaient les vers l'endroit où nos frères devraient être. Je veux un visuel !"
La petite métamole commença à sentir la peur. Une peur nouvelle, instinctive, lourde. Celle d'une maman. Sa main se posa sur sa jambe : elle savait comment contacter Gilean... mais elle voulait attendre de ne pas avoir le choix. Ne pas tricher.
"Ils étaient dans l'orbite d'Héra, nous avons les données satellites de la planète."
"Les médias aussi..." Tous se tournèrent vers le commis qui venait de projeter les informations locales de la planète dorée. Ils montraient le vaisseau qui menaçait de s'écraser.
Il y eu comme le temps d'une inspiration un flottement : tous se demandèrent comment en quelques secondes cette situation avaient pu arriver.
"Ils ne répondent toujours pas !"
"Que diable se passe...." jura Capeldi alors que Jade avait pâlit instantanément envoyant le vaisseau de son fils en mauvaise posture.
Maladroitement, dans la hâte la pierre fut sortie.
"Robert ! Robert !!" s'égosilla Jade sur un ton mi-autoritaire mi-inquiet. Tous les employés sur la passerelle du Cœur de Fer se tournèrent vers elle : appelait-elle feu le troisième Boss ? Quelle folie s'emparait d'elle dans un tel moment ?
Et puis le miracle eut lieu. Stinger était apparut derrière l'épaule de Jade, comme s'il avait toujours été là. Le vieux Boss pourrait donc voir autour de lui le personnel aux ordres de la Métamole, aussi blême qu'elle.
"Hum... Triste époque que nous vivons aujourd'hui."
Défiant l'improbabilité de la situation, il s'allume un cigare. L'épaisse fumée envahit la passerelle. tandis que Robert ne faisait pas attention au personnel de son ancienne entreprise. Jade frissonna une seconde quand il apparut et que sa voix retentit : ce fantôme était bien encore à ses côtés, comme promis... La magie de cet instant ne suffit cependant pas à la détourner de cette question qui lui lacérait les tripes :
"Où est Gilean ?! Gilean !" répéta-t-elle comme pour parler à l'héritier à travers Robert, sachant que l'épice avait lié le père au fils. Et derrière sa mine choquée, un écran projetait une retranscription des médias de Héra, les captations d'un titanesque vaisseau se brûlant les ailes dans l'atmosphère pour s'écraser sur le continent.
Stinger avança, comme si personne ne pouvait l’arrêter, vers l'écran diffusant la désintégration de la flèche d'Argent. Quel sublime création, pensait-il, quel moment qui aurait mérité d'être vécu en personne. Les anciens employés de son entreprise étaient muets comme des tombes face a cette scène. Robert avait un sourire sur le visage.
"La Stinger Industry part en fumée comme elle est apparu : en un instant, par un crash sur une planète lointaine"
Il prit un moment, savourant chaque millimètre de son cigare cubain, bien réel.
Le fidèle Capeldi s'avança, ses deux sourcils grisonnant semblant prêts à bondir sur son ancien patron.
"Vous... Vous êtes vivant ?" le ton était plus accusateur que soulagé.
Jade fit un geste du bras pour interrompre le capitaine.
"Robert, où / est / Gilean ?" répéta t-elle, excédée par le visage satisfait du Boss qui semblait prendre plaisir au spectacle.
Stinger se retourna, vit Capeldi, prit un air doux, épousseta le costume du vieil homme tout en parlant doucement.
"Ah, Capeldi, ce n'est pas pour rien que je ne vous ai jamais donné de poste important de mon vivant, pas plus utile qu'une femme de ménage dans ce vaisseau, pas capable d'aligner deux et deux même si il y a marqué quatre au tableau."
Un ton cruel, un regard qui incitait au silence immédiat, celui qu'il avait exercé tant d'années, la menace du chômage pesant alors plus que jamais sur tous. Puis il retourna à l'écran, observant les immenses blocs de la Flèche d'Argent former des hautes montagnes dans un désert de sable qui allait se transformer en zone dévastée pour un très long moment.
"Gilean... Disons que lui et moi avons brisé le temps et l'espace pour le sauver."
Le coeur de Jade sembla battre à nouveau, le temps d'un espoir.
Derrière eux, l'impact imminent menaçait des milliers de vies à bord du plus grand vaisseau de la firme. Les flammes colorées par l'atmosphère de la planète d'or vinrent comme une alarme visuelle rappeler à tous l'urgence du moment.
"Cesse de répondre à côté..." Les employés étaient toujours vainement en train de tenter de prendre contact avec Leto ou la Flèche d'Argent. "Que se passe-t-il à la fin ?"
Capeldi fit un effort pour reprendre vie lui aussi après le coup donné à son égo par la mort elle-même : il regarda Jade qui pour la première fois semblait plus assurée que lui dans cette pièce et sentit un monde s'effondrer : pas le sien, pas seulement... le Boss avait parlé de crash, de chute de l'empire Stinger. Était-ce réellement comme ça que tout finissait ?
"Dis-moi qu'il n'y a plus personne à bord, que Gilean et toi vous avez réussi." Le personnel n'osa pas interrompre leurs tâches et restèrent face à leurs moniteurs respectifs : mais ils ne trompèrent personne. Plus personne ne tapait de commandes, plus aucun opérateur ne bougeait : toutes les oreilles guettaient attentives la prochaine parole de cette impossible apparition.
En observant toujours les écrans, Stinger savait que le Cœur de Fer avait eu une chance monstre en passant inaperçue dans les communications envoyés à la Flèche d'Argent. Tous les coins de la galaxie appelait le vaisseau mère, cherchant à comprendre ce qui se passait. Robert savait, Robert l'avait vu, tout comme Catleia à son époque, tout comme Nate au moment de la fracture du temps. Gilean le savait aussi aussi, l'épice lui ayant révélé la route finale. Sobek, le robot capable de détruire des galaxies, capable de prendre contrôle de tout ce qui existait dans cet univers, le robot parfait en tout point, incapable de supporter l'immonde vérité de ce monde. Il n'y avait qu'une possibilité de l'arrêter, en lui donnant un véritable ennemi, un ennemi dont il serait satisfait après l'avoir détruit, un ennemi après lequel il arrêterait tout massacre. Le seul ennemi qui pouvait assurer ce travail était la Stinger Industry tout entière. Elle avait engendré ce monstre, elle devait l’arrêter. Tout cela passait dans l'esprit de Stinger alors qu'il était à une époque bien plus simple, où Ajito devenait le guide de métamol, où Stinger Industry était encore à son âge d'or.
"J'ai dit que Gilean et moi l'avons sauvé lui, pas le reste de l'entreprise. Des millions d'âmes s'envolent minute après minute Jade, et tu ne pourras rien y faire." Stinger se retourna pour la première fois vers sa femme, le regard puissant. "Ne t'en mêle pas ou tu mourras aussi et il ne restera plus un seul être capable de raconter notre histoire." Il tira une fois de plus sur son immense cigare : "Crois moi quand je te dis que tout ça te dépasse. Tout ceci me dépasse aussi tant il y a d’événements qui se passent en même temps. Cette galaxie est devenue folle."
"... Moi raconter notre histoire ? Mais j'en ai rien à foutre d'avoir une histoire à raconter !" Le vaisseau sur l'image continua sa funeste course vers le désert d'Héra et bientôt tout le monde s'immobilisa pour assister aux derniers instants du plus bel édifice jamais construit, de la dernière étincelle de cet astre sculpté dans l'acier, et de tous ses habitants. Tous les regards avaient quitté Robert pour se concentrer sur la flèche d'argent. "Je suis celle qui en sait le moins de toute façon, sur notre histoire..." lâcha-t-elle lui reprochant toujours les secrets du passé qu'il lui avait fait oublié ou ce genre de réponse au compte goutte. Cette tragique diversion leur offrait leur premier mot en aparté et elle resta à côté de lui, alors que devant eux se déroulait, pour une nouvelle fois, comme toujours, une vision de l'apocalypse.

Stinger soupira.
"Ce qui se passe devant toi n'est que le résultat d'une suite de décisions improbables et pourtant justifiées au moment où elles ont été prises, le résultat de la furie d'amours impossibles, de passions infernales et du pouvoir infini du temps et de l'espace. En m'ayant devant toi, Jade, tu devrais être plus que consciente que la mort est une chose passée de mode aujourd'hui."
Stinger enfila une bague particulière, le vaisseau entrant alors à son service comme si il l'avait toujours été. Sur sa barque spatiale de luxe, il désactiva toute communication avec les bases de Stinger, évacua tout code d'identification, nettoya toute les bases de données du nom de Stinger Industry. A cet instant précis, plus rien ne rattachait le Coeur de Fer à la feue entreprise interplanétaire. En cet instant, le Cœur de Fer était un vaisseau sans nom. "Je te révèlerais notre histoire en temps voulu, joyau de mon cœur, quand tu seras prête."
Observant par l'immense vitre de transparacier, il évacua d'un geste tout le personnel de Jade, comme si ils étaient encore à ses ordres. Et en un geste, même si il n'était plus la, ils s'exécutèrent tous. Il garda le silence, le bip des commandes et l'aération du vaisseau étaient les seules sons qui s'entendaient.
"Maintenant, repose moi tes questions Jade. Repose moi n'importe quelle question et j'y répondrais. Ne me demande pas ton passé, je t'en prie, mais le présent te sera révélé autant que tu le souhaites." dit-il, la voix lointaine, presque étouffé.
Elle regarda la porte qui venait de se refermer derrière l'équipage. La pièce avait beau être vide à présent, l'air était toujours aussi lourd. Des centaines de milliers d'âmes venaient de périr sous leurs yeux. Jade ferma les yeux un instant, connaissant les lois de l'univers, ayant déjà assisté à d'autres massacres. Le monde était fait de massacres et de pertes. Elle semblait à chaque fois moins ébranlée, mais pourtant à chaque fois plus fatiguée. Robert les avait isolé et regardant l'anneau bien connu à son doigt, elle regretta de l'avoir fait venir, un instant.
"C'est un super Capitaine." Lâcha-t-elle. "Tu as vu à travers le temps mais tu ne vois pas tout Robert. Capeldi ne méritait pas d'encaisser ça, pas dans un tel moment." Elle éteignit l'écran qui montrait toujours la poussière soulevée sur la moitié de la pauvre Héra. La petite mécano, le "joyau de son cœur", se tourna alors vers Robert. "Ok, alors je vais faire comme si la mort était un concept qui m'échappe... surtout après ça... " Elle gonfla sa poitrine. "Alors voilà une question :  Gilean a été sauvé... façon classique ou façon famille Stinger, du genre on est pas mort mais on vit dans un caillou éternellement après avoir invité nos proches à nos funérailles ? ... Où est réellement notre fils ?"
Stinger ne put s’empêcher de rire à la dernière remarque de la femme, un rire cependant emprunt d'une certaine tristesse.
"Je l'ai sauvé, comme tu dis, façon classique, le tirant du destin funeste qui était le sien en le ramenant à une époque antérieure, lointaine dans le temps, une époque où il n'avait même pas encore été conçu."
Stinger se retourna vers Jade, écrasant le bout rougeoyant de son cigare sur sa superbe chaussure de cuir noir. Acrobatie que Jade n'aurait jamais cru possible vu la corpulence du personnage. "Mais tu imagines bien que ce n'est pas si simple, qu'il ne va pas réapparaitre derrière une porte, tout sourire, s’excusant bêtement. Tu pense que nous sommes où ? Dans une nouvelle écrite par un enfant de douze ans ?" Il était rude mais il l'avait toujours été. Elle souhaitait la vérité sans détour, il allait lui donner : Jade qui avait dans un premier temps été soulagée sentit que le sol qu'elle foulait était en train de craquer. Non, Robert devait arrêter là l'histoire, plus de détails seraient mauvais signe... "Gilean est parti récupérer la seule chose qu'il ne pourrait jamais réellement récupérer. La seule façon pour y arriver a été pour lui de briser le temps et l'espace... Aujourd'hui, Gilean est sur Métamol, aux coordonnées suivantes." Il écrivit sur un morceau de papier les dites informations. Jade attrapa le message sans le regarder : elle se préparait à entendre ce qu'elle ne voulait pas. "Il a décidé de vivre éternellement dans un caillou Jade, je suis désolé. Et si moi je parle, lui n'a pas eu le choix."
Un moment, le regard de Stinger n'était plus illuminé de la même force qu'il avait toujours pu montrer. Jade échappa une sorte de rire étouffée, remua sur place, comme pour exorcisée la mauvaise blague, la réalité qu'elle avait pressentie, celle-la même qu'elle avait décrite plus tôt.  "Notre fils est mort, emporté par la passion d'un amour qui l'a changé à jamais." ajoutait-il alors que Jade se tint la tête, un sourire de dégout absurde aux lèvres, à deux doigts de céder à la colère, et au désespoir. Gilean était sur Métamol, un monument d'un temps passé, une étreinte de la vie avec la mort, du jour et de la nuit. L’éclipse, Gilean et Kym enlacés, Stinger avait eu l'image en tête.
"Évidemment... ÉVIDEMMENT ! Mais bien sûr je ne dois pas essayer de comprendre, moi la petite mortelle pour qui la mort est encore un fait scientifique et tangible... Moi que tout dépasse ! Moi qui connement va être en deuil après la disparition de son fils ! AH ! Quelle mère has-been ! PASSÉE DE MODE ! La mort ! Vient dire ça aux employés que tu viens de faire sortir de la pièce qui comptaient parmi les disparus de la Flèche d'Argent des amis, de la famille ! Quels bande de ploucs nous sommes !" Ce quelle avait en main paya le prix de sa rage : la pierre d'Ajito, le coeur de Métamol, réceptacle de la projection infinie du Boss vint s'écraser dans un recoin de la carlingue. "Putain ! Mais je le savais, je le savais !" Répétait-elle vainement : depuis les premières paroles de son soit-disant bien-aimé elle avait pressenti que s'il était évasif s'était pour camoufler un temps une nouvelle pirouette typique des White, nouveau pied de nez aux lois de l'univers, et surtout coup de massue dans sa tronche à elle, qui se retrouvait à nouveau seule à terre, à compter la putain d'histoire où elle semblait avoir un rôle principal mais avait autant de libre-arbitre qu'un PNJ. "MERDE !" Dit-elle frustrée de ne pas être d'un naturel plus violent pour passer ses nerfs. Un souvenir lui vint, alors qu'elle repensait aux peu de moments que son fils et elle avaient partagé. "Il l'a mentionné..." Ce murmure lui fit relevé la tête vers Robert qu'elle interrogea du regard avant de reprendre un air sévère : "C'est qui cette personne ?... Qui lui a brisé le coeur ?"

Stinger se dirigea dans un coin de la pièce, ramassa la pierre enfermant la projection holographique dont il était fait. Entre ses mains, la pierre brillait doucement.
"Kym, une moojuu léopard perdue elle aussi dans le temps. Elle a disparu avec lui, partant ensemble dans un autre monde" Stinger savait que rien n'apaiserait la rage dont était animé Jade, mais il reprit. "Évidemment que tout le monde avait quelqu'un sur la flèche d'argent, tu pense que tout les membres de l'équipage sont derrière la porte, sagement assis à attendre notre retour ? Non, ils sont partis dans leurs cabines respectives, pleurer leur mort. Je ne vais pas aller jusqu’à dire que j'ai voulu leur bien, mais les avoir congédier leur laisse le temps de faire un deuil, au moins pendant quelques heures tout au plus. Et toi aussi tu as besoin de parler, tu as besoin de me parler. Je sais que c'est dur, je sais que ça fait mal, mais Gilean a choisi sa voie et il faut l'accepter ainsi, même si ce chemin l'a conduit vers la mort."
Alors Jade ne bougeait plus : elle était dos à lui, sa rage toujours tangible mais friable, altérée par les paroles de cet homme. Même dans sa maladresse, malgré qu'il savait la blesser mieux que quiconque, il savait mieux qu'elle qu'elle avait besoin de délier sa langue, exprimer ses blessures, elle qui avait un potentiel infini pour se refermer et vivre seule, seule dans l'univers. Elle était dos à lui et l'entendre dire que tout ceci était douloureux, difficile, qu'elle devait se reposer sur quelqu'un, lui en l’occurrence. Elle sentit instantanément le poids de cette réalité sur elle et sentit ses forces diminuer :
"L'accepter... tu parles." soupira-t-elle. "J'ai tout encaissé et de toute notre histoire je n'ai reçu que les coups, Robert. J'ai accepté que j'avais un passé avec toi sans avoir droit de le connaître. J'ai accepté ton baiser sans savoir qui tu étais réellement. J'ai accepté de considérer Ajito comme un proche sans le connaître et j'ai accepté sa mort qui m’ôtait tout espoir d'évoquer cela avec lui. J'ai accepté d'avoir un fils que je n'ai pas élevé, j'ai accepté de l'aimer, comme tu m'as demandé, sans condition. J'ai accepté d'embrasser tous les rôles que tu m'as donné, Stinger, amante, mère, amie, et à chaque fois tu me les as donné quand leur temps était sur le point d'être révolu, quand mes actions n'avait déjà plus d'importance, juste avant l'apocalypse. Tu m'as mis sur un piédestal, tu m'as fais me sentir comme la femme la plus importante de l'univers et voilà qu'à présent je règne sur un tas de cendres encore chaudes, seule." Elle ne pouvait plus empêcher sa voix de trembler. "Si j'avais vu le temps, j'aurai choisi de ne jamais savoir..." Est-ce vrai ? Aurait-elle fait le choix de nier son rôle de mère, de fuir son passé par confort ? Elle qui avait renoncé à son statue de fille en quittant sa famille et qui courrait vers la première occasion de récupérer un foyer ? Vraiment ? Elle choisirait d'abandonner son fils, même pour les quelques heures où elle avait été sa mère ? Non, elle savait que face au choix elle aurait dit merde à son cœur et choisit de s'empaler pour une seconde du sourire de Gilean. Parce qu’elle était trop conne pour se préserver elle et trop orgueilleuse pour passer à côté de ce jour où elle s'était sentie si fière de son sang.
Alors elle s'assit, abdiquant, et pleura à chaude larme. Gilean... Son fils... Ce grand gamin de 30 ans... Elle aurait voulu l'aimer bien plus encore.
Stinger resta debout près de Jade, silencieux. Pendant un moment, un long moment, il resta a observer les écrans diffusant le nuage de fumée qui se dissipait petit à petit, révélant les immenses débris de la Flèche d'Argent sur Héra. D'ici, il était impossible de le voir, mais l'idée même que des millions d'hommes et de femmes broyés se trouvaient a l’intérieur des immenses montagnes d'électronique et de technologies avancé. Sur le sol, même depuis l'espace, des millions de petits points noirs marquaient le blanc du désert, des millions de corps étendus sur des milliers de kilomètres.
"Tu as été femme, mère, veuve puis seule. Aujourd'hui, il ne te reste plus rien que des sentiments, des émotions, des souvenirs. Mais la vie est ainsi, Jade, une série de sentiments et d'émotions lointains et tant qu'on ne voit pas nos proches, ils restent des souvenirs. Tu dois pleurer Gilean comme tu dois pleurer Ajito, mais ne pense jamais être seule. Je t'accompagne dans mes derniers instants, les fait durer à l'infini pour pouvoir te parler quand tu le souhaite. Pour nous, il n'est pas trop tard, il ne sera jamais trop tard. Gilean est éternellement avec Kym, je suis éternellement lié a toi. Les White ont toujours été lié à l'apocalypse mais aussi la pureté des sentiments."
Stinger enleva sa veste de costume, révélant des bretelles sur une chemise d'un blanc divin. Il s'assit en tailleurs en face de Jade, la regardant, sur le sol du dernier vestige d'un empire qu'il avait aidé a fonder.
"Un empire s'effondre, deux montent, mon joyau. Le monde est un éternel recommencement, mais notre fin n'est pas encore arrivée pour toi et moi. Demain sera un jour meilleur, après demain sera encore plus beau."
Elle parvint enfin à lever ses yeux vers lui : il était presque touchant, avec son gros bide assis par terre. En fait, dans cette posture pour la première fois elle voyait au delà de son statue de business man, elle voyait un homme, simplement. Et si Jade avait une faiblesse, c'était cette envie quasiment maladive et permanente de se glisser dans les bras d'un protecteur... Elle hésita à se laisser aller contre lui, à venir éponger ses pleurs contre sa chemise, et le laisser l'envelopper un instant. Mais... Robert était un de ses hommes qui lui avait fait tant de mal et elle était fatiguée d'aimer ceux qui lui avait apporté le pire : si elle commençait à se blottir contre lui, et à jouer ce rôle avec lui, elle ne pourrait plus nier cet amant dans sa poche, elle commencerait à lui parler régulièrement, à commencer une histoire après sa fin, à enfermer elle aussi son coeur et son âme dans un caillou. ... Elle ne put prendre de décision et quand elle voulu agir c'est lui qui avait bougé le premier : Stinger tendit à nouveau le Coeur de Métamol.
"Je suis à jamais avec toi, appelle moi et je serais là."
"C'est bien ce qui m'effraie."
Au moment où Jade récupéra la pierre, Stinger disparut. Cette pierre était une malédiction autant qu'un miracle. Aujourd'hui elle l'avait utilisé pour contacter son fils en vain. C'était un jouet dangereux qui lui déchirait le coeur et lui laissait en bonus des effets indésirable à base de sentiments compliqué envers un mort-vivant.
"Passé de mode... Mais va te faire foutre Robert." lui dit-elle à travers la pierre, presque affectueusement. Elle commençait à s'habituer qu'après leurs rendez-vous elle se retrouve seule assise par terre... Cela devenait presque ridicule.

Alors les minutes qui suivirent, le vaisseau sans nom fut le plus silencieux qu'il n'avait jamais été. L'ancien navire conquérant était une barque drapeau en berne, et ses habitants presque déjà éteints sous le poids du choc. Ce n'était pas eux qui avaient littéralement plongé en enfer en s'écrasant dans les flammes, mais ils avaient l'impression d'avoir eux-même vécu une déchéance jusqu'à six pied sous la surface.

Le Coeur de Fer lui-même vivait ses derniers instants en tant que tel, et comme dans un sanglot mécanique, il accusa une nouvelle secousse, différente à présent. Jade s'effondra au sol sous la violence de la turbulence et lâcha la pierre pour se rattraper à une rambarde. La pierre roula devant elle, et elle imagina Robert secoué à l'intérieur. Une nouvelle secousse suivit la première, la plaquant à nouveau sur le sol. Tout le monde se réveilla, rappelés à leur poste en urgence, et tentant d'avancer tant bien que mal, extirpés de leur repos par ces contractions régulières : Capeldi fut le premier à revenir dans la salle de commande et se précipita sur son poste pour effectuer des manœuvres informatiques et relancer les stabilisateurs.

"Encore ?" demanda Jade, pas du tout prête à voir un autre empire s'effondrer.
"Non, c'est différent. Le Coeur de Fer semble lui-même se débattre..."
Les aiguilles virtuelles montaient et descendaient sous les décharges d'énergie que pompait d'édifices, allumant tous les moteurs de force. Les oscilloscopes dessinaient des ondulations records, digne des plus belles crises d'angoisse de Jade.
Puis un souffle surprit tout l'équipage : ils avaient effectué un saut.

"Que fait-il ?" demanda Capeldi au vaisseau en voyant les coordonnées de la nouvelle position. L'apparition de Robert avait-elle secoué le vaisseau qui avait dompté les lois du temps ?
"Où sommes..."
"Au milieu nulle-part... Il calcule une nouvelle destination tout seul." déclara Capeldi, même pas décidé à empêcher le vaisseau d'agir pour comprendre. "Prochain saut dans 4, 3, 2, 1."
Jade vit l'univers changer d'apparence et à nouveau le vaisseau apparut de façon aléatoire dans l'univers, ce coup-ci à côté d'une planète naine.
"Prochain saut dans 8, 7..."

Sans que personne ne puisse rien faire, malgré les tentatives de tous dans les différentes salles de commandes, la salle des machines, ou même les générateurs, l'ex-Coeur de Fer disparaissait, réapparaissait, se cherchant lui-même à travers des bonds, des à-coups, des battements d'agonie ou de tristesse.

Pouvez-vous l'entendre ? Pouvez vous entendre ce battement de cœur ?




"Encore un saut dans 4, 3, ..."
"Tous les moteurs sont coupés, le Cœur de Fer les rallument seul."
"Coupez les générateurs secondaires, coupez tout ! Désactivez les serticlefs des Pierre du Chaos. Il ne peut pas trouver de l'énergie sans elles."
"Il n'utilise pas l'énergie des pierres..." fit Capeldi. "Il... utilise l'épice."
Jade lui lança un regard scandalisé.
"Je vous avais demandé de nous débarrasser de cette merde !!" Hurla-t-elle, hors d'elle.
"Et nous nous sommes exécuté, mais je n'explique pas..."
"Nouveau saut effectué. Nouvelles coordonnées 658445 ATDA 65 X 41."
"La source de son carburant vient en effet de l'ancienne réserve..."
"Elle est vide."
"Il... Il était encore chargé. Il doit lui rester dans les tuyaux de quoi faire quelques sauts... L'épice est insaisissable, littéralement. Le Coeur de Fer a tellement utilisé ses pouvoirs qu'il semble ne faire qu'un avec... "
"Saloperie..." Jade tremblota devant les trois employés qui avec elles parcouraient les données du regard et des doigts. "On a changé d'époque ?"
"Non. C'est une certitude. Tous nos sauts étaient de simple changements de coordonnées dans l'espace."
Jade reprit un peu vie.
"Il nous suffit d'attendre qu'il s'épuise... Il ne pourra pas sauter éternellement." conclut un officier pour la rassurer.
"Sauf que le vaisseau est incontrôlable en attendant, on pourrait apparaître en zone ennemi, et nos boucliers sont instables."
Une énorme secousse conclut le nouveau saut. Des alarmes d'urgences s'allumèrent. Ils étaient apparut sur un astéroïde... Enfin, DANS un astéroïde serait plus correct.
"Ouais ou ça aussi."


156 battements par minute. C'est impressionnant pour vous mais tout à fait normal pour lui. Rassurez-vous.


"Capitaine !! 48% des réacteurs sont endommagés : tout le pont arrière a été pulvérisé par l'impact."
"Nouvelles coordonnées 179823 LDPZ 251 V 3."
Les sourcils ébouriffés de Capeldi n'avaient pas été aussi sérieux depuis des années.
"Prochain saut dans 5, 4..."
"Mademoiselle Highwind !" demanda un officier pour réveiller la jeune femme qui comme tout le monde avait assisté passive à ce rebondissement.
"Ça craint !!" Fit Jade qui en jurant accourut vers le transglisseur le plus proche pour se rendre en personne au niveau des moteurs constater les dégâts. "Combien de temps nous allons nous balader comme ça, il a quoi ce putain de vaisseau ?!!" Jura-t-elle à Capeldi qui resta alors seul avec ses sourcils, et quelques hommes et femmes dans la salle de commande principale.
"Capitaine..."
"Rétablissez l'énergie. Les boucliers supplémentaires doivent être déployés."
"Fin du nouveau saut. Nouvelles coordonnées ..."
"Je vais y aller." Fit Capeldi. "La salle de l'épice. Peut-être que je pourrais..."
"Seuls les White y avaient accès."
Capeldi tourna l'écran où il tapotait depuis quelques secondes et montra à ses collègues son constat : le Coeur de Fer n'était plus le Coeur de Fer. Les Whites, la Stinger Industry, tout ceci était un souvenir pour eux, mais pour l'ordinateur principal, cela ne signifiait plus rien : si les vaisseaux pouvaient rêver, peut-être que celui-là aurait eu des visions de sa gloire passé, du regard flamboyants de ses anciens propriétaires... Mais aujourd'hui seul demeurait le regard gris et fatigué de Capeldi sur le siège du capitaine. Et les accès privés n'étaient plus.

Ainsi Jade courrait vers le fond du vaisseau sans nom tandis que le capitaine Capeldi pénétrait la salle qui se situait la plus à l'avant. Le vieil homme et la jeune femme chacun à une extrémité du géant de métal comptait faire de leur mieux.

"Prochain saut dans 26, 25..."

"Il est... pulvérisé !" Lâcha Jade en regardant les robots qui s'affairaient à réparer les dégâts récupérables sur les machineries, alors qu'un chant de force de secours remplaçait la coque qui avait été arrachée contre l'astéroïde du saut précédent. "Bon... je vais pas rester à rien foutre..." ajouta-t-elle déjà rampant sous les tubes à plasma.
"Mademoiselle Highwind ?" Le visage de Capeldi apparut sur la projection holographique de communication de la salle.
"Je suis là." Fit Jade sans prendre la peine de sortir la tête, ne laissant que son postérieur dépasser de sous les moteurs.
"Je suis dans la salle de l'épice. Je crois que le prochain saut sera le dernier. Notre seul moyen de locomotion seront les moteurs traditionnels ensuite, les dommage nous empêchent d'exploiter les pierres du chaos pour des sauts."
"Eh bien j'espère que le vaisseau nous laissera dans un endroit calme et dégagé parce que nous ne pourrons pas semer grands ennemis dans notre état."
"Les moteurs restants sont largement suffisants pour changer de cap. Combien de temps pour réparer le reste ?"
"... Deux jours je pense si on le fait nous-même. Rien de bien méchant."
L'image de Capeldi sembla être perturbée d'un coup par des interférences : Jade soupira, écoutant la voix d'un opérateur qui annonçait qu'un nouveau saut avait eu lieu. Le dernier.

Capeldi regarda l'extérieur. L'espace semblait si vide autour d'eux. Ils n'avaient pas touché d'autres objets spatiaux ce coup-ci. Il était au centre de la salle de l'épice, fatigué. Le coeur de Fer semblait ne plus vouloir agir de lui-même, il avait finit de se débattre, finit de se rebeller et avait fini par s'oublier lui-même. Il n'était plus qu'un vaisseau sans âme, une boite de métal majestueuse et vierge, habitée par des gens nostalgiques et parlant d'une mythologie qui n'avait plus de sens, d'un empire qui peut-être même n'avait jamais existé que dans leurs rêves.
Tout était incroyablement reposant en fait, et Capeldi après un temps de recueillement tourna à nouveau le visage vers l'écran pour parler à la machinerie et à mademoiselle Highwind. Étrangement l'image s'était interrompue, arrêtée. Jade et les autres étaient figés dans leur position.
"Le Coeur de Fer a cessé de battre..." Dit-il sur le canal audio toujours ouvert. Sans réponse, il tenta de communiquer avec les employés toujours au poste de pilotage. "Quelle est notre position ?" demanda-t-il alors qu'il cherchait lui-même également l'information sur son propre terminal. Alors que personne ici ne lui répondait il vit alors où le dernier chant du cygne du vaisseau les avait conduit. Ses sourcils fous se arquèrent dans une grimace d'effroi. Il regarda en bas de son écran la vignette qui montrait Jade et les opérateurs machinistes toujours immobiles.


"Il ne nous parle plus le Capeldi ?"
Fit Jade en tambourinant l'électronique des communicateurs. "Oh eh ?" De temps à autres des sons étaient perçus, mais ne ressemblait qu'à des artefacts courts.
"Nous n'avons pas encore l’information de notre position : l'ordinateur principal semble avoir des difficultés de communications."
"Un champ magnétique qui nous perturbe ?" tenta un mécanicien.
"Non, notre vaisseau est blindé. Aucune perturbation quel qu’elle soit ne peut nous parasiter." répondit l'opératrice, presque agacée d'énoncer une telle banalité. "Oh, voilà."
Le plan galactique fut projeté en hologramme dans la salle. Jade et les autres s'arrêtèrent un instant, incertain. "C'est ce que je crois ?" fit le mécanicien.
Jade tourna le regard vers l'écran où le visage grave de Capeldi avait soit disant bugué : malgré des tressautements d'image accélérée il avait fait apparaître un texte par dessus la vidéotransmission, sous son menton.
-- Il faut vite que vous relanciez les moteurs au complet --
Jade le regardait, lui et ses sourcils qui semblaient inquiets et résignés, un brin sévère. Sérieux en fait. Il n'y avait pas de sauts d'images, non. Ce n'étaient pas des sauts d'images...
"Putain de merde."
"C'est un trou noir ?"
"Nous sommes à sa lisière, juste au bord de l'horizon. Par chance nous sommes dans le bon sens pour nous éloigner, il nous suffit de relancer les moteurs."
On ralluma les moteurs encore fonctionnels. Le vaisseau trembla, mais ne bougea pas. Les réacteurs restants n'étaient pas assez nombreux pour propulser le vaisseau hors du champ gravitationnel de la singularité. Les regards inquiets firent place à de la peur.
-- Ne paniquez pas. Nous sommes bien loin du point de non retour : même si nous nous rapprochons doucement, vous avez encore 8 jours avant que nous soyons piégés --
"On aura largement réparé."
"Il a dit "vous", pas nous." fit remarqué l'opératrice.
Jade qui refusait de comprendre continuait de fixer les expressions accélérées du Capitaine.
"Il est à l'opposé de nous dans le vaisseau. Nous à la queue, lui à la tête. Nous sommes plus proches du centre du trou noir que lui."
"Alors nous sommes plus en danger !"
"Non,  au contraire...Nous sommes plus proches du centre, le temps est ralenti pour nous... Plus nous nous rapprochons du cœur du trou noir, plus le temps est compressé. Le cœur de Fer est un vaisseau de 1400mètres de long... Depuis le début de notre échange le Capitaine n'est pas autant affecté que nous par le ralentissement du temps."
Capeldi n'arrivait pas à les entendre, le son étiré était trop pénible à décoder : mais nul besoin de deviner où leurs conclusions en étaient. Il tapa un nouveau texte :
-- 1/2 --
"Notre temps passe deux fois moins vite."
"Nos deux jours alors seront quatre jours pour lui."
"Non, pas exactement...." Fit l'opératrice qui tapotait avec énergie sur l'hologramme à son poignet. "Nous dérivons toujours, lentement. Plus nous nous rapprochons du centre, plus la courbure du temps est importante, creusant l'écart entre l'avant et l'arrière du vaisseau."
Le sourire crispé de Capeldi apparaissait brièvement de temps à autre, parmi toutes les expressions qui défilaient à vitesse augmentée. Le texte changea.
-- 1/3 --
"TOUS A VOS POSTES PUTAIN !" Hurla Jade, d'un coup fébrile.

Jade porta par réflexe sa main sur son genoux, prête à ouvrir sa prothèse et interroger Robert pour lui demander de l'aide ou un soutien : elle se figea et fut traversée par un frisson, une révélation : Elle avait fait tomber la pierre lors de la première secousse. Elle ne l'avait pas ramassé dans la salle des commandes. Quelle... conne. Elle était livrée à elle-même dans cette galère. Elle devrait faire face et garder la face sans aide. Elle allait devoir être à la hauteur de l'héritage de son fils aujourd'hui, et demain, pendant les deux jours qui allaient venir.


Capeldi avait vu le regard de Jade enfin changer, et sa grimace ralenti lui donnait un air grotesque. Elle avait peur pour lui. Plus le temps passait, plus le décalage temporel se creusait entre eux, de plus en plus proche de l'épi-centre du trou noir. L'équipage n'était pas en danger, seulement ceux qui était à l'extrémité avant du vaisseau allaient devoir attendre plus longtemps. Capeldi avait déjà donné à ses voisins l'ordre de se diriger vers l'arrière du vaisseau : la courbure du temps rendrait le voyage presque infini, mais cela valait le coup de tenter de leur faire gagner même un peu de temps.
Il était toujours dans la salle de l'épice. Cette salle qui sentait cette odeur sucrée et entêtante... Cette salle où il avait pu entrer en contact avec le vaisseau lui-même. Il était fasciné par les prouesses que le moteur temporel avaient permises et savait qu'il devait à cette salle la survie actuelle de tout l'édifice.

"Tu as du avoir si peur..." Fit Capeldi en caressant un montant. "Ellias a toujours considéré que toi et la Flèche d'Argent, vous étiez vivants. Je pense que je ne peux qu'y croire maintenant." Il avait lancé un chrono : il était ici depuis 4 heures à présent. "Tu as tout perdu. même ton identité. Tu dois tenir bon encore un peu. Jade te sortira de là..." Capeldi avait prononcé ces mots aussi bien pour le vaisseau que pour lui : La différence de temporalité entre Jade et eux était exponentielle et il ignorait combien de temps il resterait ici. En réalité il pourrait sortir de la salle, et tenter de se rapprocher un peu du centre du trou noir en allant vers l'arrière du vaisseau lui aussi mais un impératif le retenait.
Le Sans Nom risquait à chaque instant de se déchirer, sous la pression du temps lui-même qui se courbait. Le Sans nom déviait les lois de la physique et un miracle le maintenait entier : ce miracle, était sa capacité à maîtriser le temps, c'était ce qui lui restait de son héritage d'utilisateur de l'épice, c'était cette salle et son lien avec les White.
Capeldi, à ce poste, succédait à Gilean, Elias et Robert, et comme eux il était sondé par les capteurs de la pièce pour ne faire qu'un avec le vaisseau. Ce qui maintenait en vie l'équipage, ce qui permettait au vaisseau de se rappeler qu'il pouvait résister aux courbures du temps, c'était la mémoire de ce vieux capitaine. Celui qui se rappelait avoir servi à travers le temps et l'espace les White et leurs héros. Celui pour qui le Sans Nom était encore le Coeur de Fer, le plus bel édifice encore existant, celui qui avait dompté l'épice et qui pouvait encore aujourd'hui résisté à un trou noir.
Tant que Capeldi en son sein lui rappelait tout ceci, le Sans Nom était encore le Coeur de Fer. Tant que Capeldi était là, dans cette salle, à vivre dans le passé, à ne pas oublier, le Sans Nom savait comment affronter cette situation et maintenir en un seul morceau sa coque. Tant que Capeldi restait nostalgique, la survie de tous était assurée.


Tout est parfait... Les échanges sont fluides. Magnifique.


H + 4
Désynchronisation temporelle 1 / 10


Les drones, et bras robotiques indépendants s’affairaient autour des réacteurs, réparant les plus minutieuses parties endommagées. Jade, parmi les robots et les autres mécaniciens, œuvrait également pour faire ce qu'elle appelait "le colmatage", réparant de façon grossière mais rapide les moteurs, avec le plus d'efficacité possible. Improviser des dérivations de flux, des recyclages de cuves, étanchéifier avec les moyens du bord, et son système D, bien que controversé par les ingénieurs semblait porter ses fruits. Elle était si concentrée qu'elle ne parlait plus que pour donner des directives ou pour jurer un bon coup sur un outil trop lent à démarrer.
Il était clair que Jade était un génie de l'improvisation : d'ailleurs elle n'avait toujours fait que ça. Elle n'avait jamais fait d'école, jamais de longues préparations théoriques et historiques et suivait son instinct pratique pour innover, et chambouler les méthodes classiques. Ce genre de crise était le genre de challenge parfait pour elle mais elle ne s'amusait pas du tout : elle ne souriait pas, et c'était assez rare que Jade ne sourit pas à la tâche. Aujourd'hui elle se battait contre la montre et savait que chaque seconde perdue était dramatique pour le Capitaine.

H + 11
Désynchronisation temporelle 1 / 100


Capaldi avait passé plus d'un mois ici. Heureusement les synthétiseurs de nourritures le comblait sans soucis dans ses besoins vitaux. Il avait organisé sa vie autour de la salle, avait même à l'aide de droïdes fait aménagé des commodités.
La vue dehors était ennuyeuse en réalité : peu d'étoiles dehors, et ce noir si profond qui aspirait toute lumière occupait une bonne partie du paysage. De l'autre côté, des raies de lumières distendues avaient perdue de leur charme et ressemblait à des néons industriels. Capeldi n'avait jamais été un aventurier, et c'est sans doute ce que lui avait reproché Robert.
Il but son café en silence. Il avait songé pour se distraire à revoir dans la base de donnée toutes les archives des épopées du Comédien, d'Elias, de Gilean, de Ranéas et de Dame Catleia... Mais il n'y avait plus trace de tout ceci. Capeldi était emprisonné dans le présent, rêvant le passé.
"D6" Dit-il alors qu'une IA continuait avec lui une partie de jeu de bataille navale.

H + 16
(...)


"On en est où ?"
"1 pour 500."
"Putain on en est où sur le propulseur A23 !" Corrigea-t-elle, se refusant de compter le temps que Capeldi avait perdu. Elle ne voulait pas être distraite par ces informations car à chaque fois elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer le regard triste de Capeldi, et se sentait à deux doigts de fondre en larme. Et fondre en larme prenait du temps. Chaque petite émotion la ralentissait. Chaque minute était pour lui bientôt 8h, et bientôt à chaque fois qu'elle hésitait sur le sens d'un boulon il perdrait une journée, une semaine, un mois...
Capeldi avait coupé sa vidéo : de toute manière, peu de gens avait encore le courage de le regarder, en accélérer, vivre seul dans sa cellule et à présent le temps passait si vite que ses mouvements étaient devenus des formes fantomatiques sur la moitié de l'écran.
Lui par contre regardait régulièrement sa sitcom en différé. Bien qu'il angoissait en constatant que le chantier n'était pas du tout terminé, il était captivé de plus en plus par le comportement de Jade. Durant les premières heures, la bordélique marginale qui avait évité toute responsabilité sur le vaisseau les dernières semaines s'était révélé autoritaire, méthodique et concentrée. Il voyait ses actions au ralenti et chaque mouvement était précis, déterminé et dévoué à l'efficacité. Il souriait parfois, quand pendant une heure il pouvait lire un regard figé, un regard inquiet qui regardait vers la caméra. Quand il la surprenait et échangeait pendant une heure un regard avec elle, un regard bref qu'elle n'assumait pas, qu'elle savait infini pour lui.

H + 20
Désynchronisation temporelle 1 / 1000


Elle n'avait pas pris une seconde de pause, et aucun autre ingénieur non plus. Certains devenaient un peu distraits, maladroits, et leur perte de performance entachait leur concentration, leur moral. La course était difficile mais ils étaient l'élite. Ils assuraient avec brio et avaient gagné un peu de temps sur les estimations : c'était une bonne chose car ils n'étaient pas dupes et savaient que plus le temps passait, plus ils accumulaient les heures consécutives plus ils allaient faire d'erreurs, moins ils seraient efficaces, et ils risquerait de perdre cette avance.
Jade qui était un peu l'inconnue de l'équipe surprenaient les mécaniciens et experts : elle les devançaient, parfois, sur des initiatives, sans pour autant gêner. Elle travaillait mieux seule mais tout ce qu'elle faisait était utile pour tous : et notamment elle avait partagé le café qu'elle avait fais emballé pour Gilean plus tôt. : le café de Rapabienski, le meilleur qu'elle ait jamais gouté, pour remotiver la team. Il le ne boirait jamais, Gilean, et ne recevrait jamais ses cadeaux débiles... Mais elle n'avait pas le temps pour penser à ça.

H + 23
Désynchronisation temporelle 1 / 5000


Elle imaginait parfois que ce cher Rapabienki et Nate pourraient être là, à l'aider. Elle avait besoin d'imaginer un doyen comme Kurusawu qui l'observait pour booster ses performances : comment réagirait-il face à ce que je fais ? Utiliserait-il le même procédé ? Serait-il impressionné ? La petite métamole n'avait de cesse de trouver des interlocuteurs imaginaires pendant qu'elle réfléchissait sur son ouvrage... Une habitude qu'elle tenait de ses années enfermée avec Enolc. Une habitude qui lui faisait énormément penser au petit magma scientifique à présent, puisqu'il avait remplacé dans son esprit le terrien fou qui avait été son maître, et c'était pour le mieux.

H + 25
Désynchronisation temporelle 1 / 10000


"Mise en marche des moteurs !"
Jade et les autres s'écartèrent à peine, prêt à retourner au turbin dès la fin du test. Elle avait entendu un commis murmurer que Capaldi avait du passer 5 ans seul à présent.
"20% !"
"Le gaz n'est pas encore rechargé complétement dans les turbines."
"Il faut encore relancer le booster R57, on montera jamais au dessus de 43% sans lui."
"Il faut plus de puissance pour contrer l'attraction du trou noir."
"Je persiste à penser qu'en poussant au max les deux TZ principaux pour remplacer les 8 minis qui sont HS on va prendre le risque de les exploser."
"Ils tiendront le temps de la sortie."
"On avait dit qu'à 112% y'avait pas de risque."
"Qui avait dit ça ?"
"L'équipe qui est sur le Turbo de l'IMT. Ils ont déjà fait ça."
"Retournez tous bosser avant que je vous botte le cul." Fit Jade d'une voix lasse et sêche, le regard cerné si noir que même avec sa carrure de gamine elle su distiller un peu d'autorité.
"Mademoiselle Highwind, vous avez bien avancé, et je ne remets pas en cause vos bricolages mais on est déjà en train de faire confiance aveuglément à vos réparations qui ont l'air, excusez-moi, plutôt rustiques, alors assurer nos arrières avec un TZ en plus me semble..."
Jade toujours assise derrière un moteur tapa du poing sur un conduit : le coup n'avait pas fait autant de bruit qu'elle l'aurait voulu mais l'effet de surprise avait suffit.
"Je suis sûre que les milliers d'âmes plus haut dans le vaisseau seront ravis de savoir que le nombre de TZ allumés était optimisé quand ils ont fêté leur 10 ans passés à attendre que vous les sortiez de ce putain de trou noir !" Grogna Jade. "Vous critiquerez mon travail quand chaque minute ne coûteront plus une semaine à votre capitaine ! VOUS NOUS FAITES PERDRE DU TEMPS alors vous reprenez le travail maintenant ou vous venez me casser les membres maintenant parce que dans 5 secondes je botte le cul de tous ceux qui ralentissent l'opération !"

H + 29
Désynchronisation temporelle 1 / 75000


Les moteurs allumés ronronnaient, et bien que le son ne soit pas aussi clair que d'habitude leur chant sembla porter le vaisseau sans nom.
"Propulsion confirmée : nous nous éloignons de la singularité."
Tous les visages se détendirent : les exténués, les nerveux, les hâtifs, les inquiets. Le schéma holographiques montrait le coeur de fer qui reprenait enfin chemin inverse et bientôt ils pourront sortir du champ gravitationnel et calmement ré-apprivoiser le vaisseau.
"Désynchronisation temporelle à 1 pour 20000, 5000, 300, 15... Nous venons de sortir de la zone d'attraction. Le temps est à nouveau le même pour tout le monde. Félicitations à tous !"
Jade avait déjà pris la direction des trans-glisseurs pour rejoindre la salle de l'épice avec d'autres : Le reste du compte rendu résonnait à travers une voix dans les hauts parleurs sur leur route. Les quelques minutes de trajet paraissaient aussi longues que s'ils avaient été vécues par Capeldi à l'orée du trou noir. Capeldi était vivant selon les capteurs : elle prit une grande inspiration et toqua à la porte de la salle de l'épice.
"Capeldi ?" prononça la petite voix de Jade, teintée d’appréhension. L'homme avait vécu seul enfermé pendant des années, elle ignorait qu'elle pourrait être sa réaction.
"Une minute !"
Jade, émue, éclata de rire, et ses nerfs lâchèrent un peu. Une minute... Quelle réponse inattendue, drôle et absurde après tout ça. Mais presque immédiatement la porte s'ouvrit. Jade sentait toujours une boule au ventre. Apparut devant elle un homme assis, souriant. Il était sur une couche douillette aménagée, et toute la salle était devenue un intérieur confortable... Une cage dorée. Les sourcils fous de Capeldi étaient plus apaisés, moins rebelles, plus éparses... Presque inexistants.
Jade sentit son coeur s'arrêter à la vue de cet homme devenu vieillard. Sur un écran un chrono continuait de tourner : 48 ans 105 jours 2 heures et 8 minutes.
"Vous avez été plus rapides que prévu. Je viens bêtement de commencer la lecture de l'épopée Baelfire en 12 tomes, si j'avais su..." Jade était sous le choc : hier encore il était vaillant, dynamique, tenait sur ses jambes et la toisait d'un regard supérieur... Il s'était transformé, tel le carrosse après minuit, son corps rigide reposait maintenant sur un fauteuil usé. Sa peau était si fine, ses muscles frêles... Son regard dur était paradoxalement plus enfantin et il émanait de lui l'aura que partagent les anciens, les sages, les aînés, tendres et distants, humains mais déjà au delà. De l'autre côté un autre écran faisait face au compteur : Les employés qui avaient accompagné Jade s'affairaient à y afficher des moniteurs médicaux et les infirmiers s'attroupèrent pour faire un bilan.
Jade n'avait pas bougé, paralysée par cette rencontre, restant conne face à ce qu'elle n'avait pas pu empêcher.
"Vous avez été remarquables." Reprit-il, avant de tendre son bras maigre et lui attrapa la main. Jade était tétanisée : elle n'assurait pas du tout ! Elle voulait le rassurer, blaguer elle-aussi. Le remercier, le féliciter, être ce contact humain qu'il n'avait pas eu depuis.... putain presque 50 ans. Mais elle était là, comme une enfant effrayée, muette, intimidée, ridicule. "Personne n'aurait mieux fait. N'ayez aucun regret..." Insistait-il pour contrer son mutisme. Elle acquiesça timidement, pour lui montrer qu'elle allait bien. "Je rêvais d'une dernière aventure à travers les étoiles, le temps... à bord de ce vaisseau avant qu'il ne perde son identité. J'ai été exaucé." Sourit-il à nouveau.
Sa main tremblotait, fatiguée. Jade n'arrivait pas à admettre que cette poigne molle et froide était la sienne. Quelle horrible maladie, celle du temps : l'affronter tous ensemble rend la chose invisible mais pour lui le développement avait été d'une violence asymétrique. Cette main froide était triste, et Jade se rendit compte qu'il n'avait pas touché d'autres mains depuis un demi-siècle. Depuis hier.
Elle la serra un peu alors, apeurée à l'idée de la briser. Cette main qui avait 105 ans.

C'était con. C'était con parce qu'il avait sans doute envie de plus d'interactions et elle, et elle aurait adoré un câlin de ce vieux bougon quand il était encore apte à entretenir une rivalité avec elle. Leur relation ne pouvait plus être la même, Capeldi n'était plus ce rabat-joie sérieux qui s'exaspérait d'avoir hérité de Jade la loque humaine comme Commandant... C'était peut-être ça le plus triste. C'était peut-être pour ça qu'elle se retenait de le prendre dans ses bras, de lui dire un truc gentil. Leur relation était basée sur leurs différents et les mettre de côté serait avouer que le Capeldi qu'elle avait connu était ... mort, ou presque.

Le vaisseau fut déconnecté de Capeldi et redevint le vaisseau sans nom quand le brancard sortie le vieil homme de sa prison dorée, ou plutôt teintée d'ocre et de cannelle.
Plus de capitaine à bord : il était plus qu'évident que Capeldi, à présent en chambre aux soins intensifs, allait mériter sa retraite. Jade se retrouva seule dans la salle de commandes, et tous les regards se posèrent sur elle.
Toute la flotte de la Stinger Industry avait péri lors de l'incident. Leto avait été gracié par le fléau, quant au Coeur de Fer, sa survit était sans doute un oubli, à moins que son destin de vaisseau sans identité ni passé l'ait sauvé du courroux de cette mystérieuse faucheuse qui avait propulsé dans l'enfer la flèche d'argent, et tous les autres.
Jade ordonna donc logiquement que l'on mette le cap sur Leto.


Dernière édition par Jade Highwind le Jeu 26 Juil 2018 - 20:53, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité   [Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité ClockMer 25 Juil 2018 - 23:41
Le personnel rapidement débarqué accusait encore le coup des deux derniers épisodes subis : le trou noir certes mais surtout la fin de la firme et le massacre qui avait eut lieu.
Sur l'astéroïde, l'ambiance était étrange, comme au sortir d'un cauchemar, une étrange sensation de vide, de ne pas être entièrement réveillé. Ce qui n'était pas mort était chamboulé, changé, transformé. Les femmes et les hommes avaient un regard nouveau, l'incertitude de demain, le deuil à porter : tous avaient vécus dans une utopie d'innovations et d'ordre établi. Le chaos était à la porte de chacun : Et en l’occurrence, le chaos prenait la forme d'une métamole alcoolique et irresponsable qui était la dernière survivante d'une dynastie de glorieux dirigeants.

"Nous... Attendons vos ordres. Le vaisseau est toujours votre, et nous travaillons toujours pour vous." rappela l'opératrice en chef à Jade.
La mécano voyait dehors, sur la base de lancement les familles qui attendaient les survivants qui descendaient du vaisseau sans nom. Des larmes de soulagements, des larmes de réconforts... Mais si peu à côté de toutes ses familles qui avaient été détruites.
Jade elle-même avait perdu la sienne. Elle se sentait alourdie de ce même poids et entendre qu'elle était en charge ici de ces gens qui avaient vu leurs pairs mourir pour l'entreprise dont elle portait le blason la dépassait complétement.
"Si j'étais morte aussi, vous feriez quoi ?" demanda Jade.
"J'imagine que nous réunirions un comité pour prendre une décision sur l'avenir du vaisseau en attendant que Leto retrouve un gouvernement."
"Bah faites ça, c'est bien." Fit Jade en faisant volte-face poru fuir à nouveau cette salle de commandement qu'elle n'avait jamais occupé, qu'elle azvait toujours laissé au Capitaine.
Et à ce propos, en faisant demi-tour, elle tomba sur la silhouette tassé d'un vieillard, secondé par un drone médical. Il était en civil, et peinait à tenir debout. Jade, devant cette apparition, resta immobile, comme si un mouvement d'air pouvait le faire tomber.

"Je suis venu vous dire au revoir." Dit-il. Depuis sa bouche plissé par l'âge, cela ressemblait à un adieu. Jade eut un sourire discret : Il avait retrouvé son air dur et elle le préférait ainsi.
"Capeldi... Ce fut un honneur et une chance de vous avoir ici pour m'aider."
"Madame Highwind, laissez moi vous dire que vous êtes une idiote. Une marginale, insoumise, asociale, une lâche et une faignante. Et que dès votre arrivée à bord j'ai su que vous n'aviez pas l’étoffe d'un commandant."
Jade aurait sourit autrefois devant un sarcasme du capitaine mais venant du regard sage et touchant d'un homme à au crépuscule de sa vie, cette même vie qu'il a donné pour la vôtre, sous votre commandement, elle ne sut quoi répondre.
"Et j'espère vraiment qu'il ne vous faudra pas comme moi 50 ans pour comprendre, en vous observant, en quoi cela fait de vous la femme la plus respectable qu'il m'a été donné de rencontrer. Vous êtes une idiote qui prend des risques inconsidérés pour sauver le plus grand nombre. Vous êtes une marginale qui guide les esprits formatés vers des horizons nouveaux. Une insoumise qui obéit à son cœur. Une asociale qui admire tous ceux qu'elle croise. Une lâche devant la peur d'être médaillée et adoptée. Une feignante qui trouvera toujours le chemin le plus court. Vous être un paradoxe sur patte. Alors, répondez à votre équipage, au moins une fois. Vous avez été, sur mon écran, pendant 50 ans, la prodige et je comprend maintenant, pourquoi Robert White vous admirait. Ne laissez pas un comité de vieux cons comme moi prendre une décision classique et ennuyeuse : le Coeur de Fer mérite que sa fin soit celle que lui a donné celle dont le nom a été le mot de passe."
Jade eut les larmes aux yeux. Regardant ailleurs, elle tenta de ne pas craquer complétement avant d'avoir au moins répondu un sarcasme...
"Vous... avez préparé ce discours pendant combien d'années, hein ?"
"J'avais du temps à perdre." Répondit Capeldi, amusé.
Jade jura et lui donna son câlin, à ce vieux manipulateur.
"Bien, maintenant veuillez m'excuser, c'est que n'ai plus toute ma vie devant moi... Et un mari à retrouver." Fit Capeldi en quittant la pièce, porté par le drone.
Jade encore larmoyante craqua pour de bon, en voyant dehors un homme de 40 ans découvrir que son aimé avait vieilli sans lui. Un moment intime et douloureux que Jade ne voulut regarder par le hublot.


Elle prit alors une décision et quelques jours plus tard elle réuni ceux qui avait voyagé avec elle sur le vaisseau.
"L'empire Stinger Industry n'est plus et je deviens, par la même, une simple civile. Je n'ai pas de quoi vous payer, et encore moins de quoi faire voler ce géant alors je crois que s'arrête ici notre aventure." Elle décréta que le vaisseau sans nom était la propriété de l'équipage qui y avait travaillé. Chaque membre y avait une part égale, qu'il y ait travaillé un jour ou 10 ans, parce que "le temps, au sein de ce bâtiment, franchement, c'est relatif." Elle demanda que l'équipage vende le vaisseau et partage le fruit de la vente : Tous savaient que s'ils trouvaient preneurs ils seraient tous millionnaires. "Vous êtes la dernière page de l'histoire de la plus bordélique et folle entreprise qui a existé. Je ne crois pas connaître quelque-chose dans le monde qui n'est pas été vendu par la firme. Vous avez survécu à un trou noir, à un fléau, à une malédiction mais surtout au commandement de Robert et même au mien. Je ne m'inquiète pas pour votre suite." fit-elle en souriant avant de quitter le micro. Elle n'était pas un orateur, un dirigeant, une cheffe ou autre et franchement c'était déjà pas mal.

Elle quitta la cérémonie qui avait été organisée seule, enfin, autant qu'on puisse l'être avec un homme immortel dans une pierre dans votre poche. Encore une fois, elle devait faire le deuil d'une époque, d'une entité... De proches. Stinger Industry avait été une part importante de sa vie, bien qu'elle n'en sache pas grand chose. Elle essaya de ne pas trop y penser, ayant bien trop d'émotions à gérer comme ça... Au fond d'elle, au delà du voyage dans le temps, de la romance perdue, du savoir acquis, des rencontres, des Ajitos, des batailles, de l'aménagement de sa planète natale... La Stinger Industry lui avait donner et reprit un fils : ce cadeau et cette cicatrice étaient un sentiment étrange, une sorte de colère et fierté, de peine et de bonheur, un truc quasi spirituel qu'elle ne savait pas comment aborder. Gilean aurait été le seul apte à définir pour elle ce que tout ça pouvait représenter et sa disparition était un choc trop violent pour qu'elle veuille même y penser. Alors elle laissa la pierre dans sa poche, elle laissa cette pensée dans un coin de sa tête, et si un jour, au détour d'une beuverie, d'un bad trip, d'une révélation, d'un moment moins bordélique elle se sentait apte à en parler peut-être qu'elle s'avouera à nouveau avoir été, même un court instant, maman. Décidément, la famille, ce n'était un truc à sa portée. Il était l'heure de fermer le livre de Stinger Industry, toutes ses ages collées qu'elle n'avait pas pu lire, et de penser au futur...

"Robert White a promis un nouveau gestionnaire pour Leto : il a choisi et nommé son héritier. Son identité nous est encore inconnu alors tant qu'il ne se sera pas manifesté nous garderont notre gouvernement temporaire." Avait déclaré un annonceur. Jade se demanda qui serait ce nouveau visage et se promis de rester alerte à ce propos... Peut-être que tout n'était pas encore fini, peut-être que la Stinger Industry, à titre posthume, lui réservait encore des aventures : ce ne serait pas la première fois.

Alors, maintenant que vous êtes rassurés et que tout va bien, voulez vous connaître le sexe du bébé ?
 
[Coeur de Fer] La première seconde de l'éternité
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