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 Une légère attente

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Echo
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockSam 6 Fév 2021 - 14:50

UNE LÉGÈRE ATTENTE

Vous qui n’avez pas été convié en ce lieu, je vous prierai de rester courtois envers nos convives, si vous ne pouvez vous empêcher d’être condescendant à leur égard.

— Oh, je vois que vous avez changé de piste musicale ! Je ne connais pas du tout ce morceau, ça fait une sacrée atmosphère ...

Suite à ça, le Baron a passé quelques instants à observer ce que j’avais laissé sur la table basse. Son regard s’est posé sur le journal de bord que j’avais laissé là un jour avant et à mon plus grand étonnement, il l’a saisi et s’est permis d’ajouter quelque chose à l’intérieur. Je l’ai regardé faire sans protester, puis j’ai versé un peu de Montagne Bleue dans nos tasses. Puis il a eu cette idée absurde de mettre la masse sombre entre ses dents d’ivoire : je n’ai même pas eu le temps de l’avertir qu’il l’avait déjà reposé.

— Vous pouvez quand même pas dévorer de l’antimatière comme ça, monsieur le Baron ! Servez-vous plutôt,
je l’ai sermonné en l’incitant à prendre ce qui lui plairait parmi les en-cas sur le guéridon.

Ses doigts virent donner une pichenette sur— ah, mais c’était donc là qu’il était ! Ce machin n’a de cesse de disparaitre depuis que je l’ai ramené de là d’où il vient : c’est après quelques mois que j’ai fini par comprendre que ce n’était pas moi qui était étourdi mais bien lui qui changeait sans cesse de formes, de couleurs, d’emplacements et de sens. Cette-fois ci on aurait dit ce genre de petites figurines placées à l’avant des véhicules personnels qui roulaient à l’époque avant ma naissance. La tête démesurée du bonhomme a dodeliné d’avant en arrière selon le bon vouloir de l’Archidémon, jusqu’à ce que ce dernier cesse enfin de s’amuser avec pour reprendre la parole :

— Joli bobblehead. Et, jolie sélection de même.

Ce qui l’entourait semblait le satisfaire et je ne réclamais pas plus. J’avais pas spécialement envie que l’ennui lui revienne d’un seul coup, ce serait quand même dommage après toute la discussion qu’on a entretenu jusqu’à maintenant. Mais bon, s’il avait accepté mon invitation je pouvais en conclure qu’il était là de son propre gré, peut-être qu’il m’avait pris en pitié ou qu’il n’avait pas plus à faire ailleurs : mais je ne voulais pas trop délirer là-dessus, je préférai rester dans le flou et me laisser envahir par une sensation douce sans penser à rien d’autre que l’instant présent, autour d’une bonne tasse de café, échangeant des petites anecdotes en même temps que des biscuits.

— J’aime bien, déclara-t-il après s’être délecté du Montagne Bleue que je lui avait servi plus tôt.

J’ai su que le bon moment était venu pour reprendre la discussion là où nous l’avions laissé et c’est ce que j’ai fait sans plus attendre. Je n’ai pas su dire si ma déclaration lui convenait mais il s’est mis un peu plus confortablement dans le fauteuil et m’a répondu aussitôt :

— Je suis venu à la conclusion que ce que tu nies être caché l’est véritablement. Mais ça l’est aussi de toi. Peut-être que tu connais des bribes de ta propre histoire, mais non pas son entièreté. Tu caches des choses comme tout le monde le fait. Rien ne plaît plus à un amateur de vies mortelles que de découvrir toutes celles qui apparaissent près de moi. Tenter de deviner à l’avance les passés, les façons de réfléchir, les êtres de ces gens est une de mes activités favorites. Rien ne m’excite plus que la possibilité d’avoir tort.

Ses paroles se sont répercutées un moment dans l’arrière de mes pensées. Ça m’a laissé un peu surpris, puis je me suis rappelé qu’en tant que créature primordiale sa vision était beaucoup plus omnisciente et métaphysique que la mienne. Je ne sais pas si j’avais envie de connaitre à l’avance la fin de mon histoire à moi. Déjà que j’avais dû tourner la page de l’une, je voulais pas avoir à penser à ce qu’il allait advenir de moi. Pas tout de suite. Il ne me restait plus qu’à espérer qu’il le comprenne avant que je n’ai à le lui dire.

— Ça me rappelle…

L’une de ses mains s’est rapprochée de son buste avant de se faufiler sous son manteau. Je l’ai regardé faire avec curiosité, mais aussi avec appréhension.

— Tu ne m’as pas vraiment dit si j’avais tort ou raison, tout à l’heure. Je vais assumer que je me suis complètement gouré… Tiens.

Un revolver est apparu sur la table comme s’il avait toujours fait partie de mon entourage. A cet instant précis j’ai eu très peur, je crois que tout mon corps a commencé à trembler et j’ai senti mon cerveau partir dans des délires morbides, un plongeon épouvantable dans le lac sombre et glacé d’une possible conclusion que je connaissais déjà, c’était toujours le même et toutes mes angoisses sont revenues au passage : la peur, la séparation, la trahison, l’inévitable, le désespoir, la mort, une de ces affreuses remises en perspectives comme il en arrive de temps en temps… J’ai fait un effort terrible pour me pencher et saisir un biscuit histoire de me distraire de tout ça et je me suis alors répété "j’ai joué mon rôle", "j’ai joué mon rôle", "j’ai joué mon rôle", "J’AI JOUÉ MON RÔLE", "je n’ai plus rien à voir avec tout ça".

Et comme toutes les autres fois, ça m’a suffi pour me convaincre que même hors d’une histoire, j’avais le droit à une vie paisible. Je suis remonté à la surface, pendant le Baron poursuivait sa tirade sans trop s’occuper de mes problèmes.

— C’est un Chekhov. Oui, le nom n’est pas très imaginatif, mais je l’aime bien. C’est un revolver qui t’appartient, maintenant. Il est destiné à tirer, un jour ou l’autre, et ce sera en rapport à ton histoire. Normalement, il devrait s’y trouver six balles. Évite de vérifier. Si une chambre se trouve vide, c’est qu’il a déjà été utilisé. Tu découvrirais peut-être des choses que tu ne souhaites pas savoir tout de suite.

Mais moi, je le savais déjà. Le revolver n’avait qu’une seule chambre, et celle-ci était destinée à être vidée sur le Créateur en même temps que l’histoire touchait à sa fin, sans que personne ne puisse faire quoi que ce soit. Même les protagonistes. Même moi.

— Oui, vous aviez tort du début jusqu’à la fin, j’ai murmuré, plus par didactique que par envie de cacher ce que je savais et que lui ne savait pas encore. Mais vous pouviez pas vous en douter…

Dans ce jeu d’hypothèses et de révélations, de choix et de décisions, le Destin ne peut être fouillé. La Fin ne peut être modifiée. Mais, et si l'être qui maitrisait tout était imparfait ?

— Je ne suis pas venu dans un lieu comme celui-ci depuis un sacré moment. Je pense voir les traces du passage de quelqu’un que je connais, cependant. Peut-être que ce n’est qu’un effet de l’endroit. Peut-être que je confonds plusieurs cycles. Je ne sais pas. Mais quelque chose me dit que si ce sont bien tes rêves que je reconnais là-bas... alors un fragment de mes frères ou soeurs t’es déjà apparu…

Les estampes suspendues à la balustrade supérieure de ma chambre avaient attiré son intérêt. Ces œuvres étaient un peu personnelles mais je n’avais pas honte à l’idée d’en discuter, chacun ses problèmes et ses façons de travailler dessus après tout. Pour moi, la calligraphie et l’art en général étaient tout ce que j’avais trouvé pour exprimer ce que je voyais et ce que je ressentais. Sans ça, je pense que j’aurai été interné depuis belle lurette et je ne serais même pas là pour vous en parler.

— Ou peut-être que je me trompe catégoriquement !

Et le revoilà parti.

— Qu’est-ce qui vous fait penser à ça ? je l’ai questionné avec curiosité.

Parce que oui, ça m’intéressait de comprendre ce qu’il avait pu entrevoir dans les méandres de mes péripéties cognitives ou oniriques. Du coup je me suis levé et j’ai entrainé la glissière derrière moi pour amener toutes les toiles un peu plus près de nous. J’ai pas osé les sortir de l’ombre de peur qu’elles perdent leur substance, mais ça, le Baron l’avait entendu.



"Circonvolution Onirique n°3" :
Un véritable dédale, tracé à l’encre noire, sur un fond plus sombre encore. Un jeu de profondeurs et de matières aussi angoissant que le cauchemar dont il a été inspiré.

"Paranoia n°54" :
Amalgame de pupilles blanches peintes sur fond noir. Elles vous regardent partout où vous allez, quoi que vous fassiez.

"La Passagère du Silence" :
Des séries vertigineuses de dian, de heng et de shu selon la méthode traditionnelle chinoise et les enseignements d’une vénérable calligraphe.

"Fin du Monde n°19" :
Mais le monde a continué de tourner. Il n’en reste que des lignes de construction au fusain, comme les fondations d’un paradigme qui viendrait de s’effondrer.

"Sursaut de Lucidité n°6" :
Cette estampe demeure inachevée, tout comme le rêve interrompu qu’elle dépeint.



— Vous êtes le premier à les voir, vous savez ? D’habitude, les gens entrent par l’autre côté, du coup personne ne fait attention, j’ai révélé en pointant du doigt la porte opposée à celle que nous avions emprunté pour revenir, la plus proche du comptoir en ébène.

Toute remarque était bon à prendre sur mes productions, qu’il s’agisse de la technique ou de la méthode, mais s’il avait à redire sur le fond je ne pourrais pas faire grand-chose de plus que de hausser les épaules, je n’en suis pas encore à maitriser ce qui me passe par l’esprit. Parfois ça me surgit d’un coup d’un seul en pleine figure, si bien que l’inspiration me reste pour plusieurs jours. Dans ces moments-là il fallait que j’en profite, peu importe ce que la spontanéité de mon imaginaire me suggérait. Je pouvais pas prétendre immortaliser ma trace dans ce monde, alors je préférai immortaliser la trace que le monde avait sur moi. J’espérais avoir un tout petit peu plus qu’une vie pour le faire. Qui sait où est-ce que ça aller me mener ?

Au moment où je me suis apprêté à écouter son commentaire, mes yeux se sont dirigés sur mon carnet de bord, dans lequel le Baron avait laissé une note. Le fusil de Chekov régnait juste à côté. Ah, faudra tôt ou tard que je regarde ce qu’il avait marqué dedans, quand même…



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Baron Mars Babel
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockLun 8 Fév 2021 - 22:51
Idiot ! Le Baron pouvait dévorer de l’antimatière si cela lui plaisait ! Il décidait tout simplement de ne pas la croquer afin d’éviter une rupture dans l’espace-temps dont les atroces conséquences n’étaient descriptibles qu’en aztec. Ce n’était que par divine bienveillance qu’il évitait de déchirer la réalité de ton atelier excentrique, pitoyable mortel !

”De l’antimatière ? Je ne savais pas que ça existait.”

… Euh… Bien, bon. Il avait prononcé cela avec son habituel sourire. Une bonne humeur qui pouvait se propager aussi loin que sa colossale ombre. Son misérable compagnon n’était pas du genre à s’amuser, cependant. Aussi maussade que sa conscience sale l’indiquait, il osa maugréer au Baron que cet omniscient dernier avait tort du début à la fin après le cadeau de ce dernier. Le geste que sa majesté fit fut de serrer le poing avec assez de puissance pour le faire trembler, couvrant de ses nocturnes paupières une partie de ses étoiles oculaires, écrasant ses pommettes de son sourire magistral, fidèle à lui même, heureux de voir ses limitations fonctionner et lui éviter l’omnipotence qu’il trouve barbante. Une autre splendide démonstration de sa capacité à s’adapter au rôle qu’il se donne ! L’incroyable échec dignement désiré ! Même en se trompant, il avait l’avantage !

”Ouiiiiii....”

passa entre les dents superbe de l’Archidémon de la Tour, dont chaque pichenette démantelait le destin et qui par sa main paternelle montrait la voie du libre-arbitre. Ce fut ensuite accompagné d’un discours déjà lu - car, par respect du Baron et de son interlocuteur, vous lisez sans faute chaque écrit de cette scène. Davantage présentement, Faraday posa une question : “qu’est-ce qui donc vous fait penser à ça ?”

”Qu’est-ce qui me fait penser que je me trompe catégoriquement ? Le fait que ce fut le cas il y a quelques secondes, enfin !”

Il se pencha alors en avant, joignant les doigts et pénétrant avec voracité le regard d’Echo de ses comètes de jade, retenant avec férocité un sourire avant d’au final éclater de rire. Il venait de subtilement et intelligemment jouer sur les mots avant de patienter pour voir une réaction de la part du mortel. L’Archidémon de l’action attendant la conséquence manifestait son être dans un habile piège servant de blague.

”Ouh ouh ouh ouh ouuuhouhouhouhouuuuuuh !...”

Il, euh, mit un peu de temps à s’en remettre...

”Ouh… Oh. Ne t’inquiète pas, j’ai compris ce que tu me demandais. Aaaah… Alors...”

Il passa ses doigts contre ses iris afin d’en enlever ses larmes cramoisies. Le fluide qui trahissait sa joie était de même couleur que notre sang.

”Si je puis m’exprimer avec respect, ces toiles sont cachées par tellement d’ombre que je ne les aurait pas vu non plus si tu m’avais demandé de ne pas y porter d’attention. Bien !”

Il frappa ses mains l’une contre l’autre avant de les frotter, avant d’en pointer une en particulier.

”D’abord, la “Paranoïa numéro cinquante-quatre”. Je n’ai pas vraiment grand chose à dire dessus, je m’attriste simplement de te savoir si hanté par ce genre de peur au point de l'extérioriser à travers cinquante-quatre ébauches… Quand bien même je suis un fin appréciateur des effets de la peur sur mes mortels favoris, je n’apprécie guère la souffrance stagnante en ce genre. Si tu veux, je peux t’en débarrasser."

Il était rare de voir la forme convexe de son sourire être remplacé par un simple rictus rectangulaire. Se pourrait-il qu’il offre véritablement à ce pitoyable et remplaçable imbécile une chance de se débarrasser d’un fardeau amplement mérité ?

”Malheureusement, je n’ai aucune idée de si cette “Passagère du Silence” est en mandarin ou traditionnel. Je ne saurais m’exprimer sur ce qu’elle veut dire. Cependant..."

Il se leva tout en attrapant le bobblehead, contournant le sofa avant de se placer devant les œuvres prétentieuses d’un être en pleine tragédie onanique qui ne méritait aucunement son intérêt. Levant ses mains vers la passagère du silence, il s’arrêta avant de tourner la tête vers l’artiste.

”Puis-je ?"

Bien entendu, on ne pouvait rien refuser au Baron. Avec des efforts qu’il n’aurait dû en aucun cas faire pour son hôte, il changea de place la toile susnommée afin de la superposer - avec quelques décimètres de distance, bien sûr, il n’est pas un monstre ! - en face du sursaut de lucidité numéro six. Il plaça alors le bobblehead prêt d’Echo, qui pouvait donc observer le visage de la figurine si proche avec la figure qui se manifestait grâce à un zest de lumière traversant les deux toiles en un seul moment précis.

”L’Archidémone du Fou, Zanni Nasreddine Selah, Bourgeon de l’Innocence, Architecte du nouveau… Je crois en avoir déjà parlé. C’est l’une de ceux que j’apprécie le plus croiser. C’est tout naturel après tout : un changement enclenche un début. La fin de quelque chose et le début d’autre chose."

Il pointa de la figurine les autres toiles.

”Mais je ne vois pas d’influence de fin. La moitié de ton carnet était vide quand je l’ai feuilleté. À en juger de tes réactions, ce n’est pas le cas de ta perception de ton passé. Tu déclenches un début sans passer par une fin. Comme… un papillon qui vole mollement en traînant avec lui le gras de son corps de chenille."

Il se frotta les mains.

”Tu portes un certain fardeau. Ca, nous l’avons déjà établi. Et pourtant c’est maintenant que ton histoire commence… pas vraiment avec ton gré, si j’en crois ton journal. Tu n’as pas l’air de t’être rendu compte de ce nouveau chapitre dans ton histoire."

Il leva une main, puis une autre.

”Moi, apparition du changement, suis là. Elle, apparition du début, est aussi passée par là. Mais il n’y a pas d’apparition de la fin. Il n’y a pas de destruction avant la création. On recycle l’acier sans lui avoir enlever sa forme initiale. Quand bien même ta nouvelle aventure commence, tu portes le poids de décisions précédentes. Ce n’est pas tant un début qu’une continuation d’évènements que les lecteurs de ton journal ne pourront prendre qu’en cours… si ce dernier évite de s’effacer à nouveau."

Il se retourna avant d’insérer son menton entre son index replié et son puissant pouce.

”Cela me rappelle ton poème… Un nouveau départ et une tentative de s’en souvenir… Mais peut-être que ce serait interrompre les plans d’un autre que de tout dire tout de suite..."

De nouveau, les pointes de ses pieds changèrent de cible, pointant la direction à laquelle ses talons faisaient précédemment face. Un poignet derrière la colonne vertébrale, l’autre dans sa position initiale, il embrocha le regard d’Echo avec un intense intérêt.

”Je m’excuse profondément. Je ne suis pas un puissant critique capable d’apporter une riche méthodologie à tes œuvres. La seule âme d’artiste que je possède se trouve… ici..."

Il pointa en direction de son cœur.

”Ou là… ou… là ? Peut-être que… non, ça doit être là..."

Il venait d’indiquer de l’indexe plusieurs emplacements de son manteau. C’est alors qu’avec le tonnerre qui accompagnait une personne de son importance il frappa des mains.

”Tout ça pour dire que tu me rappelles une personne que j’apprécie particulièrement."

Il reprit en main le jouet - précédemment posé sur un meuble inintéressant. Je tiens à m’excuser pour ce pitoyable oublia qui invita l’objet à disparaître de la scène sans explication. Le bobblehead représentait donc cette Zanni. Une auguste et incroyable personnalité, sans aucun doute, de la trempe du Baron lui-même ! Quel malheur de ne pouvoir assister à la présence de deux archidémons dans une même scène !

”Zanni - c’est le nom qu’elle adoptait la dernière fois que je la croisais, tout comme j’aime me pavaner en “Mars Babel” - Zanni est assez atypique. Mes frères, sœurs et moi-même n’avons aucune conscience de notre origine. En fait, nous ne savons pas si nous avons été créés ou bien si nous nous sommes tout simplement matérialisés… Comme ça sans géniteur ou explication. Zanni est particulière dans le sens ou elle n’a aucun numéro contrairement au reste. On s’amuse à parfois imaginer qu’elle pourrait être notre créatrice ou bien le seul enfant de l’un d’entre nous à être parvenu à rejoindre notre cercle bien fermé."

Il fit alors une pichenette à la figurine.

”J’ai une vision pleine de joie de vivre tandis qu’elle flirte avec le nihilisme. J’aime avoir un corps bien bâti dans l’automne de sa vie tandis qu’elle garde ses muscles de brindille et sa jeunesse maussade. Je suis le grand méchant grandiose et incroyable, elle est la victime innocente qui se fait éventrer pour un effet de choc."

Il omit de continuer à observer les vas-et-vient de la tête surdimensionnée pour de nouveau centrer son regard sur le visage de l’hôte. Il entama une marche impériale pour contourner le sofa.

”Mais quand nous finissons par avoir des rôles qui ne demandent pas à la faire se rendre aussi mélodramatique que possible, elle devient l’une de mes camarades avec lesquelles je prends le plus de plaisir à converser. Quand nos objectifs s’alignent, ce sont les aventures les plus mémorables qui se déclenchent. Mais après tout, le changement et le renouveau sont, par principes, prône à se frotter les coudes. J’imagine que je la vois régulièrement comme l’équivalent d’une progéniture."

Il s’asseya enfin sur le sofa. Son visage n’était pas affublé d’un rictus plein d’intérêt sordide et méritant l’adoration, mais d’un sourire un peu plus humble (mais toujours aussi méritant de respect !)

”Tu pourrais lui plaire, je pense. Introverti, au début d’une nouvelle ère de ta vie, bagage émotionnel lourd, philosophie excentrique, grande créativité artistique et une certaine naïveté malgré un vécu qui contient bien des choses. Malheureusement, les ‘règles’ que nous nous sommes octroyés indiquent que contacter mes pairs ruine l’intérêt qu’il y a à se surprendre par nos rencontres. En toute honnêteté, je n’aimerais pas non plus être dérangés dans notre discussion à cause d’un Archidémon souhaitant un énième duel à l’épée."

Il attrapa la Douceur d’Alicante avant de commencer à délicatement la dévorer. Un air de satisfaction prit place sous son chapeau. Il fit un coup de pouce au Bobblehead tout en s’apprêtant à faire part de son avis vis-à-vis de ce qu’il consommait, avant d’entendre un bruit particulier. Tournant la tête, il put voir que le jouet avait été transformé en pistolet, et qu’il venait de dignement appuyer sur la gâchette.

”Ah."

Un bruit sourd fit écho dans la pièce d’Echo tandis que le Baron se prit l’entièreté de l’attaque en traître de l’objet métamorphe dans le visage. Il regarda son hôte avec un visage assez excentriquement et violemment déformé mais néanmoins capable d’imposer un grand respect. Il se mit à sourire avec la fierté qu’il méritait d’employer.

”Tout va bien !"

Son oeil droit tomba alors de son orbite avant de rouler sur le sol. Finissant ce qu’il restait de sa confiserie, il se leva, dos penché comme s’il observait une planète, bras tendu afin de ramasser la comète qui tentait de lui échapper. Ce globe oculaire, malsain traître, fieffé goujat, glissa alors dans une faille provoquée par l’ignoble positionnement de cet atelier. Il venait de s’échapper dans une autre dimension, une autre Histoire.

”Flûte."

Il se redressa tout en replaçant quelques morceaux de Baron là où ils devaient être, avant de pointer de la main le sang de couleur inexistante qu’il avait laissé s’écrouler. Ne désirant aucunement en faire une huile sainte, il le fit rentrer par son orbite vide d’un mouvement de poignet, offrant au plancher la possibilité de rester propre et lisse. L’Archidémon se réinstalla sur le sofa.

”J’ai oublié ce que j’allais dire. De toute façon, je pense que c’était toi qui allait prononcer quelque chose. Tu peux parler, ne t’inquiète pas !"
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockVen 12 Fév 2021 - 18:40

UNE LÉGÈRE ATTENTE

Le rire du Baron se répercuta entre les confins de l’atelier, gagnant en intensité jusqu’à faire trembler les fondations même de son infinitude.

— Qu’est-ce qui me fait penser que je me trompe catégoriquement ? Le fait que ce fut le cas il y a quelques secondes, enfin !

Son visage s’est penché si près du mien que mon cerveau n’a même pas eu le temps de choisir entre  "reculer d’un pas" et "rester sur place", ce qui résultat en une moitié de sursaut dont j'ai eu un peu honte. Visiblement satisfait par la spontanéité de ma réaction, il s’est empressé de se gausser davantage, si bien que je me suis demandé s’il allait pouvoir s’interrompre un jour.

— Ouh ouh ouh ouh ouuuhouhouhouhouuuuuuh !...

Auriez-vous besoin d’un peu d’air frais, cher Baron ?

— Ouh… Oh. Ne t’inquiète pas, j’ai compris ce que tu me demandais. Aaaah… Alors...

Ses larmes avaient la couleur du sang et j’ai bien cru qu’il était en train de faire un genre d’hémorragie. Un peu paniqué, j’ai cherché mon nécessaire de secours médical du regard puis je me suis aussitôt ravisé alors qu’il regagnait son calme. J’en avais presque oublié de quoi il était entrain de se moquer.

— Si je puis m’exprimer avec respect, ces toiles sont cachées par tellement d’ombre que je ne les aurais pas vu non plus si tu m’avais demandé de ne pas y porter d’attention. Bien !

Fidèle à sa possible omnipotence, il s’était débrouillé pour intercaler sa tirade là où j’avais prévu la mienne. Après avoir frappé ses paumes l’une contre l’autre, les comètes qui ornaient ses orbites se sont écrasées sur l’une de mes modestes productions.

— D’abord, la “Paranoïa numéro cinquante-quatre”. Je n’ai pas vraiment grand-chose à dire dessus, je m’attriste simplement de te savoir si hanté par ce genre de peur au point de l'extérioriser à travers cinquante-quatre ébauches… Quand bien même je suis un fin appréciateur des effets de la peur sur mes mortels favoris, je n’apprécie guère la souffrance stagnante en ce genre. Si tu veux, je peux t’en débarrasser.

Je vous mentirais si sa proposition ne m’avait pas surpris, mais je me mentirais à moi-même si cette même offre ne m’avait pas outré. Il ne semblait pas voir le témoignage de la quête de mon identité au-delà du fardeau qu’elle pouvait faire peser sur ma conscience. Mais la vie était ainsi faite, et s’il avait l’avantage de s’émanciper de ce genre de questionnements existentiels autant qu’il en profite ! Ce n’est pas donné à tout le monde ! Et surtout pas à moi. Sans certitude de ma longévité et sans personne à qui transmettre mon savoir, tout ce qui me restait à faire était de consigner ce que je ressentais et ce que je savais sous une forme abstraite et personnelle que j’étais certain de pouvoir décoder.

— Malheureusement, je n’ai aucune idée de si cette “Passagère du Silence” est en mandarin ou traditionnel. Je ne saurais m’exprimer sur ce qu’elle veut dire.

Heureusement pour moi, son attention s’est reportée sur les quelques séries de calligraphies chinoises que j’avais récemment faites pour passer le temps. Ces ensembles de sinogrammes n’avaient pas de significations particulières et m’avaient servi à travailler ma posture, mon geste et mon souffle à travers leur élaboration. Parfois, il m’arrivait de m’éveiller avec la peur de perdre l’acquis de ma motricité, avant de réaliser une tasse de café plus tard que ce n’était pas demain la veille que j’oublierai quoique ce soit. Ces tracés suffisent à discipliner ma concentration et empêcher des bribes de réalités venues d’ailleurs de s’esquisser dans mes pensées. J’apprécie la sérénité que leur formation me procure, et je comprends à travers leur apprentissage tout ce que la Passagère du Silence elle-même a vécu pour en arriver à un tel niveau de maitrise.

"L’herbe des prairies virevoltant sous l’emprise du vent, l’herbe des torrents s’enroulant dans les méandres du courant sont pour le calligraphe autant de modèles atteignant sans effort l’objectif qu’il s’assigne : matérialiser la vitalité d’un influx".

Et il me reste encore du chemin à parcourir.

— Cependant... Puis-je ?

J’ai compris qu’il souhaitait manipuler ce qu’il avait a portée de main, et j’ai acquiescé de la tête. Avec une certaine précaution, il a alors ordonné mes essais calligraphiques avec l’œuvre cachée juste derrière, les faisant glisser dans la lumière tamisée de l’atelier. Ses doigts agiles s’étaient saisis de la statuette précédemment laissée près du guéridon sans même que je ne l’ai vu faire : elle était désormais suspendue devant le Sursaut de Lucidité laissé en plan y’a trois jours, lui-même placé en filigrane avec l’hommage à la Passagère du Silence contemplé quelques secondes plus tôt. Une auréole a immédiatement nimbé la figurine et c’est en écoutant son second récit que j’ai compris quelle était la véritable essence de cet objet dont la forme, la couleur et la consistance ne pouvaient décidément pas rester en place.

L’objet en question était ce que l’on pourrait communément appeler un "plot device", soit un élément narratif servant à faire avancer n’importe quelle histoire pour laquelle il avait été prévu. Comme quoi, il vous suffisait de continuer à lire !

— L’Archidémone du Fou, Zanni Nasreddine Selah, Bourgeon de l’Innocence, Architecte du nouveau… Je crois en avoir déjà parlé. C’est l’une de ceux que j’apprécie le plus croiser. C’est tout naturel après tout : un changement enclenche un début. La fin de quelque chose et le début d’autre chose.

Sa main a fait un geste circulaire vers les autres toiles.

— Mais je ne vois pas d’influence de fin. La moitié de ton carnet était vide quand je l’ai feuilleté. À en juger de tes réactions, ce n’est pas le cas de ta perception de ton passé. Tu déclenches un début sans passer par une fin. Comme… un papillon qui vole mollement en traînant avec lui le gras de son corps de chenille.

La comparaison n’était pas très flatteuse mais j’ai préféré ne rien relever.

— Tu portes un certain fardeau. Ça, nous l’avons déjà établi. Et pourtant c’est maintenant que ton histoire commence… pas vraiment avec ton gré, si j’en crois ton journal. Tu n’as pas l’air de t’être rendu compte de ce nouveau chapitre dans ton histoire.

Oh, je m’en suis bien rendu compte, mes intuitions me trompent très rarement. Pour autant je ne suis pas omniscient et c’était ce qui m’empêchait d’en savoir plus, c’est-à-dire en savoir trop.

— Moi, apparition du changement, suis là.

Une de ses mains s’est élevée à notre hauteur.

— Elle, apparition du début, est aussi passée par là.

L’autre main a fait de même, comme deux moitiés d’un tout mis dos à dos. Deux envers d’une même pièce qui ne se regarderaient jamais mais qui iraient dans la même direction. A moins ce qu’elles soient mises face-à-face, en réalité ? Vers où iraient-elles dans ce cas ?

— Mais il n’y a pas d’apparition de la fin. Il n’y a pas de destruction avant la création. On recycle l’acier sans lui avoir enlever sa forme initiale. Quand bien même ta nouvelle aventure commence, tu portes le poids de décisions précédentes. Ce n’est pas tant un début qu’une continuation d’évènements que les lecteurs de ton journal ne pourront prendre qu’en cours… si ce dernier évite de s’effacer à nouveau.

Il s’est éloigné de moi pendant quelques secondes. Je n’ai pas pu voir s’il machinait quoi que ce soit puisqu’il était de dos mais je l’ai deviné un brin pensif.

— Cela me rappelle ton poème… Un nouveau départ et une tentative de s’en souvenir... Mais peut-être que ce serait interrompre les plans d’un autre que de tout dire tout de suite...

Voilà une bien sage discrétion dont vous faites ici preuve. A quoi bon s’embarrasser de procédés narratifs et autres pirouettes scénaristiques si le dénouement peut être exposé dès les première lignes ?

— Je m’excuse profondément, a-t-il fini par reprendre en me regardant avec une insistance silencieuse. Je ne suis pas un puissant critique capable d’apporter une riche méthodologie à tes œuvres. La seule âme d’artiste que je possède se trouve... ici...

Sa main s’est posée non loin de son cœur pour appuyer ses propos.

— Ou là… ou… là ? Peut-être que… non, ça doit être là...

Je l’ai regardé montrer du doigt plusieurs endroits différents sur son élégant manteau. J’ai pas trop su dire s’il cherchait à me faire sourire de sa prétendue amnésie ou s’il avait de réelles lacunes en anatomies, ou si après toutes ces incarnations et tous ces millénaires il en avait oublié ce que c’était de sentir son cœur palpiter au gré de ses humeurs. Mais le grondement du tonnerre a retenti plus fort encore dans la seconde qui a suivi et j’ai dû taire mes pensées.

— Tout ça pour dire que tu me rappelles une personne que j’apprécie particulièrement.

L’effigie à l’apparence capricieuse est revenue dans sa main en moins de temps qu’il n’avait fallu pour le dire — quand l’avait-il posé là ? — et il poursuivit son anecdote là où il l’avait interrompue. Comme lorsque nous étions dans cet étrange palace au bord de la destruction, je me suis rassis et je lui ai dédié toute mon attention.

— Zanni — c’est le nom qu’elle adoptait la dernière fois que je la croisais, tout comme j’aime me pavaner en “Mars Babel” — Zanni est assez atypique. Mes frères, sœurs et moi-même n’avons aucune conscience de notre origine. En fait, nous ne savons pas si nous avons été créés ou bien si nous nous sommes tout simplement matérialisés… Comme ça, sans géniteur ou explication. Zanni est particulière dans le sens où elle n’a aucun numéro contrairement au reste. On s’amuse à parfois imaginer qu’elle pourrait être notre créatrice ou bien le seul enfant de l’un d’entre nous à être parvenu à rejoindre notre cercle bien fermé.

Un de ses doigts gratifia le bibelot d’une légère pichenette. Par dérision ou par affection, peu m’importe, même si je pouvais lire une certaine tendresse dans son geste. Il devait avoir de nombreux égards pour elle.

— J’ai une vision pleine de joie de vivre tandis qu’elle flirte avec le nihilisme. J’aime avoir un corps bien bâti dans l’automne de sa vie tandis qu’elle garde ses muscles de brindille et sa jeunesse maussade. Je suis le grand méchant grandiose et incroyable, elle est la victime innocente qui se fait éventrer pour un effet de choc.

J’ai considéré mon propre ventre par automatisme. Un souvenir m’est revenu en pleine figure. Je me suis contenté de grimacer l’air de rien.

— Mais quand nous finissons par avoir des rôles qui ne demandent pas à la faire se rendre aussi mélodramatique que possible, elle devient l’une de mes camarades avec lesquelles je prends le plus de plaisir à converser. Quand nos objectifs s’alignent, ce sont les aventures les plus mémorables qui se déclenchent. Mais après tout, le changement et le renouveau sont, par principe, prône à se frotter les coudes. J’imagine que je la vois régulièrement comme l’équivalent d’une progéniture.

Qu’il me considère comme un enfant avait probablement un rapport avec le fait que je lui rappelle — selon ses propres mots — cette semblable qui lui tenait à cœur — ha, ha — mais je devais forcément me faire des idées.

— Tu pourrais lui plaire, je pense, il supposa enfin. Introverti, au début d’une nouvelle ère de ta vie, bagage émotionnel lourd, philosophie excentrique, grande créativité artistique et une certaine naïveté malgré un vécu qui contient bien des choses. Malheureusement, les "règles" que nous nous sommes octroyés indiquent que contacter mes pairs ruine l’intérêt qu’il y a à se surprendre par nos rencontres. En toute honnêteté, je n’aimerais pas non plus être dérangé dans notre discussion à cause d’un Archidémon souhaitant un énième duel à l’épée.

J’ai repensé à Set Montecristo Abel, l’archidémon du Chariot, Le Septième, le Bâton, le Premier Victorieux. Sa silhouette s’était imprimée dans mon esprit comme s’il était fait d’un papier vélin bien épais, si bien que si je ne prenais pas garde il pourrait bien débouler dans l’atelier d’une minute à l’autre. Pendant ce temps, le Baron avait jeté son dévolu sur les gourmandises que j’avais placé à sa disposition tout en jouant avec la petite figurine bariolée à la tête démesurément grande.

— Moi non plus, même si je serais honoré de recevoir votre fratrie dans mon domaine, j’ai ajouté non sans une certaine sincérité.

Puis un bruit nous a ensuite interrompu avant que je ne puisse entendre sa réponse. Mais la conséquence était survenue avant la cause et tout s’était passé beaucoup trop vite pour que j’ai le temps de réagir : une fois de plus, l’élément narratif avait revêtu une autre forme, se drapant cette fois-ci d’une apparence un peu plus… détonnante.

— Ah.

Le visage de mon interlocuteur s’était gorgé d’un profond carmin, mais cette fois-ci il n’était pas entrain de pleurer puisque ce qui lui servait de glandes lacrymales devait d’être pulvérisé, le laissant violemment défiguré mais souriant à pleines dents devant l’éternel comme s'il allait le dévorer.

— Monsieur le Baron ! Tout va bien ?

Pendant un quart de seconde qui m’a paru une heure entière, j’ai douté de ce à quoi je venais d’assister, étant plutôt habitué à entrevoir des visions perturbantes durant mes rêves les plus éveillés. Je me suis pincé le bras, pour vérifier que j’étais pas encore entrain de délirer. Il pinça l’un de ses globes oculaires, qui venait de rouler sur le bois du plancher.

— Tout va bien !

Il l’a pourchassé pour le récupérer et j’ai voulu faire de même, mais ce fut aussi vain que de s’imaginer pouvoir attraper une étoile filante ou de courser la trajectoire du soleil : la comète de jade qui lui servait d’oeil était tombée dans le domaine de l’inéluctable et son essence avait déjà fusé vers une autre dimension sans que nous puissions faire quoi que ce soit pour la retarder.

— Flûte, a-t-il pesté.

— Ah, je suis désolé, j’ai dit.

Pendant qu’il s’affairait à reconstituer son visage d’une façon que je ne saurais vous décrire, j’en ai profité pour faire le tour de l’atelier afin de refermer tous les tiroirs, condamner toutes les portes et fenêtres laissées entrouvertes, ranger ce qui trainait en évidence sur les meubles ainsi que de replacer toutes les toiles dans l’ombre. Je ne voulais surtout pas que l’incident puisse se reproduire. Ça m’apprendra à être désordonné à mes heures perdues.

— Je pensais pas que ça arriverait comme ça…

Il semblait ne pas m’en tenir rigueur. Il avait même repris sa position sur le sofa comme si de rien n’était.

— J’ai oublié ce que j’allais dire. De toute façon, je pense que c’était toi qui allais prononcer quelque chose. Tu peux parler, ne t’inquiète pas !

Je me suis relevé et j’ai fait de même. Je n’étais pas très fier de moi sur ce coup et ça se sentait, je n’étais pas non plus jusqu’à aller mettre tout le poids du monde sur mes épaules mais l’idée d’endommager quelqu’un ou quelque chose ne manquait jamais de me procurer une sensation désagréable. Qui aimerait faire du mal à son prochain ? Les hommes et les femmes se font déjà bien assez du mal tous seuls…

— Bon, vous l’avez déjà remarqué mais cet atelier est un peu particulier…

Je sais pas trop ce qui m’avait encouragé à démarrer cette discussion mais c’était déjà trop tard pour faire comme si je n’avais rien dit ou comme s’il n’avait rien entendu, alors j’ai poursuivi.

— Il m’arrive d’en sortir et de me retrouver dans des endroits qui ne sont pas les mêmes qu’hier, j’ai expliqué. C’est comme ça que je me suis retrouvé chez vous, d’ailleurs.

J’ai baissé le regard vers l’assortiment de confiseries. On avait encore de la marge.

— Et c’est comme ça que vous vous êtes retrouvé chez moi, du coup !

A mon tour de plaisanter un peu.

— J’ai emménagé dedans plutôt récemment, ça faisait un moment que je cherchais un studio qui ne soit pas trop proche du centre de la mégalopole, de toute façon y’a les transports en commun qui peuvent vous amener n’importe où en un rien de temps.

Tout en discutant, je me suis généreusement servi du Jardin des Reines et j’ai servi une seconde tasse au cas où ça lui prendrait aussi.

— Les fondations sont un peu anciennes mais ça lui fait un sacré charme, vous trouvez pas ? On voit qu’il a été retapé mais que ce qui faisait son essence a été gardé malgré tout. Un peu de ce qui a été, un peu de ce qui est.

J’ai montré les poutres en bois, les murs en chêne et en pierre, la baie vitrée du premier étage, les étagères pleines de livres ou de souvenirs précieux.

— En tout cas moi je m’y suis plu tout de suite, ça me rappelle ma chambre au foyer de Heatherfield, j’ai ajouté en évoquant le lieu où j’avais passé la décennie de mon enfance.

Et puis je me suis souvenu que le Baron n’avait pas eu d’enfance.

— Mais alors, le palais où nous étions tout à l’heure, c’était le vôtre ? Et les invités que vous attendiez, c’était vos frères et vos sœurs ?

Je n’avais pas spécialement de remords, puisqu’il était venu avec moi de sa propre volonté. Mais tout de même, j’allais m’en vouloir si j’avais, ne serait-ce que d’une once, modifié le cours de ce à quoi il s’était destiné.




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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockMar 16 Fév 2021 - 18:47

Il n’y avait qu’une infime liste de lexiques accordés par notre pitoyable langage. Les descriptions possibles finissaient par s’amenuir, plongeant du bout de ma langue afin de laisser dans mon récit le goût amer de la répétition. Ainsi c’est avec honte et tristesse que je me vois forcé de renouveler la vision que le Baron nous offre de son rictus. L’Archidémon à qui il manquait un morceau de visage n’avait aucunement abandonné de percer les yeux d’Echo Faraday de son demi-regard. La forme supérieure de son globe oculaire permettait au jade de rayonner dans toutes les directions avec la même intensité. Personne ne pouvait vraiment savoir où son inexistante iris plongeait, tant et si bien que tout être vivant avec une intelligence respectable se devait d’assumer qu’il voyait tout ce qui s’offrait à la circonférence verte et lumineuse.

”Je suis un grand fan de ces mondes incertains...”

fut un soupir qui s’échappa de son sourire plein d’intérêt après le récit des propriétés de son atelier, plus particulièrement sur ses portes qui ne pouvaient s’engager à mener toujours au même endroit. Un tel comportement de la part de ces entrées offensantes qui amenèrent cet odieux ahuri devant le plus antagoniste de tous les éternels. Incommensurable était donc le culot de cette salle qui ne respectait ni son maître, ni l’invité de ce dernier. Si même le bois ne savait accepter la supériorité d’un vivant, quel futur attendait Faraday ? Finirait-il trahi par son atelier ? Poignardé dans le dos par l’objet métamorphe qui avait commis un exécrable acte envers le visage du Baron ? Finirait-il bissecté par l’apparition sous ses pieds d’une de ces brèches dimensionnelles qui se refermerait illico suivant la chute, talon en avant, de l’artisan étourdi ? Une fin pitoyable pour un mortel oubliable !

Mais tandis que je pondérais face au futur, le Baron se servait davantage de café. Il sembla écouter tout avec attention tout en appréciant la boisson qui lui était offerte, avant d’octroyer dans sa magnificence une réponse aux questions termina la maigre tirade de son hôte.

”Non… non… C’était juste le palais royal d’une planète à la politique chamboulée. Il y avait une bataille générale entre quelques ahuris afin de décider du prochain roi et une jeune fille était arrivée à gagner… je ne sais pas comment - en fait, je dormais durant le combat. J’ai tenté de la manipuler mais elle préféra écouter une sorcière… démone… quelque chose à la place. Je suis quasiment sûr qu’elle s’appelle Towa.”

Il s’arrêta un instant, couvrant son œil intact de sa paupière avant de laisser sortir un très bref esclaffement. L’étoile vert fit de nouveau rapidement place dans la vision d’Echo.

”Mes excuses, je regardais là où mon autre oeil était tombé… Donc ! J’étais à ce palais royal pour attendre la jeune gagnante une fois qu’elle aurait à s’occuper de la planète, pour la manipuler et faire de son peuple une utopie anarcho-primitive. Une “civilisation” de singes géants. Je trouvais l’idée d’une puissance interplanétaire entièrement composée de gros macaques pouvant voler dans l’espace très amusante. Cependant, la planète se transforme petit à petit en cœur de fonderie. C’est donc un plan en moins.”

Il haussa des épaules.

”Mais je doute qu’elle se fasse vraiment détruire, de toute façon. Il y a toujours des forces extérieures pour la sauver.”

Il offrit à Echo le temps de digérer cette petite mise en contexte de leur situation actuelle tout en digérant lui-même une portion de la Montagne Bleue ayant fait place dans sa tasse.

”Tu as parlé d’une mégalopole. Ton peuple s’est-il entièrement installé dans une croisée des mondes comme cet atelier ? Avec des portes qui mènent à des planètes oubliées, des amas de culture formés sans vraie luminosité, des petites brèches dimensionnelles à enjamber, toutes ces choses ?”

Il posa sa tasse avant d’emmêler ses doigts comme la plus belle des toiles d’araignée.

”Je véritablement intéressé dans le monde que tu me décris, Echo. Un monde où chaque fait semble davantage être une supposition sur laquelle la majorité s’accorde. Cela semble si ordonné et chaotique à la fois. Le simple fait que tu mentionnes des transports en commun quand les ouvertures n’obéissent pas tout le temps à ceux qui les empruntent est tout simplement fascinant.”

Son menton se tourna alors vers la gauche tandis qu’une sonnerie retentit dans la pièce. Le bobblehead devenu revolver était encore une fois devenu. Cette fois-ci, c’était une téléphone qui avait pris sa place. Un éclat de curiosité se refléta dans son unique oeil tandis que l’une de ses mains se détacha de l’autre afin de se saisir de l’objet et de le poser contre son oreille.

”Ouiiiiiaaallôôôôô ?... Moi aussi ça fait du bien de te revoir… Je t’ai ruiné un moment triste ? Tous tes moments sont tristes, espèce de logorrhée sur pattes… Mais tu en auras d’autres, des meurtres tragiques lors de la Saint-Valentin ! Écoute, je m’excuse, je suis dans un atelier où… laisse-moi finir - où il y a plein de trous interdimensionnels et je ne les contrôle pas forcément…”

Il fit un clin d'œil impeccablement rassurant vers Echo durant cette pause-ci.

”Ce n’est même pas mon téléphone que j’utilise, c’est un - un truc qui change de forme en permanence, avant c’était un pistolet et maintenant c’est un téléphone !... Ecoute, je trouverais le moyen de me racheter… De ce que je comprends, le mortel à qui l’atelier appartient a toute une civilisation pleine de phénomènes géniaux comme ceux-la, je vais - non, je veux pas la conquérir ! Je vais juste y faire du tourisme, andouille !... La prochaine fois qu’on se croise je te raconterais… j’aurais pris des photos, je pense… Oui, encore désolé… Ah ?”

Un bras squelettique sortit de l’un des embouts de l’appareil, tenant une orbe verte entre son pouce et son indexe, avant de l’enfoncer dans l’orbite vide du Baron, avant de retourner à l’intérieur. Le bruit d’un raccrochage annonça la fin de la conversation, tandis que les deux étoiles vertes se replacèrent à l’intérieur des yeux d’Echo.

”Et bien, je viens de faire une promesse.”

Il se leva avec une gargantuesque puissance après avoir terminé son café.

”Je t’en prie, fais-moi visiter.”

[J'ai possiblement été distrait par quelques jeux qu'il me fallait impérativement finir avant de passer à autre chose. Le rythme devrait reprendre.]
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockMar 23 Fév 2021 - 12:00

UNE LÉGÈRE ATTENTE

Divertir son esprit par le biais du jeu est une façon bénéfique d’évacuer le stress en plus d’entretenir la plasticité cérébrale. Ne vous en faites donc pas pour cet impair que vous pensez commettre : mon auteur a récemment investi dans cette activité, ce qui a également délayé son temps de réponse. Vous voilà quittes !
 
Sachez que je suis dans l’impatience de découvrir si ces récentes expériences vidéoludiques vont inspirer ou non vos futures rédactions. Et puisque vous êtes de retour, reprenons donc notre récit là où nous l’avons interrompu.



— Non… non… C’était juste le palais royal d’une planète à la politique chamboulée, m’a-t-il répondu d’un ton que j’ai deviné las. Il y avait une bataille générale entre quelques ahuris afin de décider du prochain roi et une jeune fille était arrivée à gagner… je ne sais pas comment — en fait, je dormais durant le combat.
 
— Ça ne m’étonne pas de vous, je n’ai pas pu m’empêcher de commenter.
 
— J’ai tenté de la manipuler mais elle préféra écouter une sorcière… démone… quelque chose à la place. Je suis quasiment sûr qu’elle s’appelle Towa.

Je n’avais aucune idée de jusqu’où il était impliqué dans toutes ces histoires, mais j’ai deviné à son attitude désintéressée qu’il était finalement passé à autre chose. Il n’aurait pas abandonné ses affaires de sitôt, sinon, laissant derrière lui de possibles territoires à conquérir, un trône à pourvoir et une position de souveraineté à assurer. L’archidémon Mars Babel devait voir un avantage stratégie indéniable en la possession de cette planète, mais quelque chose semblait l’avoir poussé à finalement renoncer. Pour en savoir plus, il m’a fallu attendre la suite de son explication, qui est survenue après que sa main ait recouvert l’une de ses orbites.

— Mes excuses, je regardais là où mon autre œil était tombé…
 
Allons, vous comme moi savez qu’il n’a pas pu s’en aller bien loin.
 
— Donc ! a-t-il ensuite repris. J’étais à ce palais royal pour attendre la jeune gagnante une fois qu’elle aurait à s’occuper de la planète, pour la manipuler et faire de son peuple une utopie anarcho-primitive. Une “civilisation” de singes géants. Je trouvais l’idée d’une puissance interplanétaire entièrement composée de gros macaques pouvant voler dans l’espace très amusante. Cependant, la planète se transforme petit à petit en cœur de fonderie. C’est donc un plan en moins.

Ah, je comprenais mieux pourquoi la couleur du ciel était aussi sanguinolente qu’une chair écorchée vive. On avait finalement choisi le bon moment pour nous éloigner de la fin de ces terres désolées. Et puis même sans ça, je doutais fortement que l’archidémon Mars Babel insiste pour allouer ses précieuses ressources à la possession d’un domaine voué à la destruction. Enfin, c’était aussi drôle qu’absurde de savoir qu’il s’était mis en tête de conquérir cette planète pour son propre divertissement.
 
— Ah, c’est dommage.  
 
Et puis j’ai réalisé qu’en l’espace d’une heure ou deux, j’avais voyagé d’une planète à l’autre comme j’étais sorti pour aller retirer ma commande à l’épicerie du coin et revenu juste à temps pour ouvrir le journal à sept heures tapantes dans ma messagerie électronique. Ça m’a laissé une impression surréelle sur le bout de la langue.

— Mais je doute qu’elle se fasse vraiment détruire, de toute façon. Il y a toujours des forces extérieures pour la sauver.

Je me suis demandé quelles étaient les "forces extérieures" dont il parlait. Des représentants de l’ordre ou de la loi, sûrement. Je me suis aussi demandé si ces mêmes forces avaient pour vocation d’empêcher le changement et la violence chez les individus ou si elles veillaient simplement à ce que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Le fusil de Chekov s’est de nouveau fait une place dans mon esprit et j’ai retenu ma respiration, dans le doute je me suis levé et je suis allé choisir une étoffe parmi toutes celles que j’avais sélectionné et arrangé dans un de mes tiroirs — la plus épaisse et la plus raffinée d’entre elles — avant d’envelopper l’arme à feu dedans et de lui faire une place dans le cabinet d’antiquaire juste derrière le comptoir. Je ne voulais surtout pas qu’il puisse servir à déclencher quoique ce soit qui ne soit pas souhaité ni souhaitable, et qui surtout puisse échapper à notre contrôle.
 
Sa fonction a déjà été définie bien avant qu’il n’ait été créé, après tout.
 
Durant ce petit interlude, je l’ai vu se resservir une généreuse tasse de Montagne Bleue. Je ne pouvais pas me sentir plus satisfait.

— Tu as parlé d’une mégalopole. Ton peuple s’est-il entièrement installé dans une croisée des mondes comme cet atelier ? Avec des portes qui mènent à des planètes oubliées, des amas de culture formés sans vraie luminosité, des petites brèches dimensionnelles à enjamber, toutes ces choses ?

Je ne pouvais pas lui en vouloir d’avoir tiré toutes ces conclusions, mais je ne lui ai pas répondu tout de suite. En même temps, j’avais complètement oublié de faire ma petite scène d’exposition tandis que je l’avais laissé se présenter. Ce n’était donc pas étonnant qu’il m’ait pris pour un gars trop timide ou trop indécis : en réalité, je suis plutôt du genre à attendre le bon moment pour intervenir, sauf que face à quelqu’un d’aussi loquace que lui c’était pas gagné d’avance.

— Je suis véritablement intéressé par le monde que tu me décris, Echo. Un monde où chaque fait semble davantage être une supposition sur laquelle la majorité s’accorde. Cela semble si ordonné et chaotique à la fois. Le simple fait que tu mentionnes des transports en commun quand les ouvertures n’obéissent pas tout le temps à ceux qui les empruntent est tout simplement fascinant.
 
Mais nul ne sert de s’impatienter lorsque chaque chose vient en son temps.
 
— Ah, je me suis mal exprimé. Nous avons simplement une présence technologique considérable, mais nous ne pouvons toujours pas voyager à travers le vide entre les dimensions… Enfin, s’il en existe une en dehors de la nôtre ! C’est un sujet à débat et à recherche, mais je pense que c’est une question de temps avant que nous puissions explorer d’autres mondes. Figurez-vous que l’espace est déjà accessible ! Mais impossible de quantifier ce que son infinité nous réserve.
 
Finalis ne compte qu’une cinquantaine de millions d’habitants, mais elle est comme le centre du monde. Elle est si large, si connectée, si vivante, que j’ai souvent entendu dire qu’elle a l’équivalent de la superficie d’une nation de l’ancien temps.
 
— C’est la première fois que j’ai mis le pied dans un autre monde, aujourd’hui. D’habitude, lorsque je me retrouve "ailleurs" c’est toujours à des endroits dont les coordonnées sont connues ; juste très éloignés de la mégalopole.
 
Pour ma part, j’ai déjà fait le tour de tous les districts au moins une fois mais je ne me suis jamais rendu par-delà les montagnes du nord-est. De toute façon, le réseau de transport électromagnétique ne s’étend pas aussi loin, mais on peut aller jusqu’au bord de l’océan et c’était déjà pas mal.
 
— Aujourd’hui… Cette planète, et puis vous…
 
Toutes ces choses auraient dû m’alerter mais j’ai mis ça sur le compte de la fatigue du début de journée, du fait que je venais à peine de me réveiller et que tout n’était pas très limpide. Je crois que l’élément déclencheur a été la révélation de qui était l’archidémon, d’où il venait et quel était son nom, mais la stupeur avait été si soudaine à ce moment-là que mon cerveau n’est sorti de son engourdissement matinal qu’il y a quelques minutes tout au plus.
 
Oui, une information essentielle m’avait fait comprendre que j’avais mis les pieds dans un domaine qui n’était pas le mien.
 
En Finalis, la croyance en toute divinité conçue par l’esprit humain et le culte qui lui est voué n’a jamais  eu aucune fondation dans la réalité.
 
— Je crois que je viens de faire un bond vers l’avant que personne d’autre ne pourra jamais faire.
 
Et je n’arrivais toujours pas à déterminer si j’avais réussi là où Seth avait échoué, ou si tout ceci n’était qu’un autre délire plus vraisemblable et plus persistant que les autres.
 
Je ne sais pas combien de temps je suis resté devant lui à mesurer le poids de cette réalisation, au moins jusqu’à ce que mon cerveau veuille bien se remettre en route. J’ai trouvé qu’il manquait un peu d’air dans la pièce alors j’ai pris une grande inspiration. L’étoile filante en guise d’œil dans le vide intersidéral de son visage était venu se planter dans les miens, ça m’a un peu aidé à rester dans la réalité. Mais ça n’a pas duré plus de quelques secondes avant que la figurine devenue revolver prenne la forme d’un combiné téléphonique — auquel il s’est empressé de répondre.

— Ouiiiiiaaallôôôôô ?...
 
Attendait-il un appel ? On ne pouvait jamais rien prédire avec ce genre de singularité. Je redoutais seulement qu’il ne perde son autre œil dans la foulée.
 
— Moi aussi ça fait du bien de te revoir…
 
Je ne pouvais pas entendre la personne à l’autre bout mais j’ai compris qu’ils se connaissaient.
 
— Je t’ai ruiné un moment triste ? Tous tes moments sont tristes, espèce de logorrhée sur pattes… Mais tu en auras d’autres, des meurtres tragiques lors de la Saint-Valentin !
 
Comme je ne suis pas du genre à écouter les conversations des autres, j’ai fait le tour de l’atelier d’un pas lent avant de revenir m’installer sur le second fauteuil et de finir la tasse de thé que je m’étais servi plus tôt. Tout de même, je me suis demandé. La Saint-Valentin ? Des meurtres tragiques ? A quoi faisait-il référence ?
 
— Écoute, je m’excuse, je suis dans un atelier où… laisse-moi finir — où il y a plein de trous interdimensionnels et je ne les contrôle pas forcément…

Je lui ai rendu son clin d’œil avec un sourire. Quelque part, ça m’amusait et me faisait plaisir qu’il me mette ainsi dans la confidence.

— Ce n’est même pas mon téléphone que j’utilise, c’est un - un truc qui change de forme en permanence, avant c’était un pistolet et maintenant c’est un téléphone !... Ecoute, je trouverai le moyen de me racheter…
 
Mais la curiosité a fini par l’emporter et même si j’étais entrain de regarder ailleurs mes oreilles restaient dirigées vers mon interlocuteur. Ha ! Je me suis encore fait trahir par mes propres sens !
 
— De ce que je comprends, le mortel à qui l’atelier appartient à toute une civilisation pleine de phénomènes géniaux comme ceux-là, je vais — non, je veux pas la conquérir ! Je vais juste y faire du tourisme, andouille !... La prochaine fois qu’on se croise je te raconterai… j’aurais pris des photos, je pense… Oui, encore désolé… Ah ?

Et puis d’un coup, le voilà qui retrouve son globe oculaire précédemment égaré. J’ai cligné des yeux trois secondes histoire de déterminer si j’avais bien vu un bras de squelette entier — humain ? — surgir du combiné pour aller le lui ficher en plein dans son orbite, et j’ai finalement convenu que si je me mettais à être surpris après tout ce qui s’était passé jusqu’à maintenant, alors j’étais pas rendu. Parfois, les choses arrivaient et il ne fallait pas trop chercher à comprendre le pourquoi du comment, tout ça viendra bien plus tard et c’était pas si mal.

— Eh bien, je viens de faire une promesse.

Son appel semblait désormais terminé, il s’est donc levé avec une grande élégance et nous sommes restés dans le silence.

— Je t’en prie, fais-moi visiter.
 
— Vous voulez dire, le reste de mon atelier ?
 
Ces quatre murs restaient quand même mon seul chez moi et j’étais pas prêt à ce qu’il fasse des commentaires sur ce qui m’était le plus personnel. J’ai le droit à mon jardin secret dans lequel je cultivais tout un tas de choses que je n’avais pas envie de montrer, non ? Mais je me suis alors remémoré quelques bribes de l’échange téléphonique qu’il avait eu plus tôt.
 
— Ah, là où j’ai vécu… ?
 
J’ai laissé passer quelques instants pour qu’il donne sa réponse, avant d’ajouter :
 
— Je ne suis pas sûr d’être autorisé à vous emmener là-bas.
 
J’avais mis de la fermeté dans mon intonation mais il le fallait si je voulais qu’il comprenne là où je voulais en venir. D’un côté, je ne voulais pas décevoir ses attentes. Mais d’un autre côté, ça ne dépendait malheureusement pas de moi. J’espérais que comme il semblait en savoir long sur les tribulations imposées par la destinée et les réincarnations, il allait entrevoir ces frontières qu’il ne nous fallait pas dépasser.
 
Une fois sa dernière tirade prononcée, il est impensable pour l’acteur de revenir sur l’estrade, surtout s’il sait que son rôle vient de s’achever.
 
— Mais je peux vous parler des quelques endroits que j’ai le plus fréquenté ! Nous pourrions peut-être même proposer à votre connaissance de se joindre à nous, si le cœur vous en dit.
 
J’ai joué mon rôle. J’ai joué mon rôle. J’ai joué mon rôle. Je n’ai plus rien à voir avec tout ça. C’est terminé. Je suis libre d’être mon propre personnage, à présent.
 
— Alors, qu’en dites-vous ?
 


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Techniques 1/combat : 16 - LA TOUR

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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockMer 24 Fév 2021 - 2:06
Oui, ne vous inquiétez pas, fidèles lecteurs du Baron ! Moi aussi je ne compris les propos d’Echo qu’avec difficulté ! Et pour faciliter la tâche à tous les hommes et les femmes qui ont l’auguste goût de lire les aventures du grand, du magnifique Mars Babel, je vais tâcher de résumer la tirade lancée par cet ahuri avant que le téléphone ne vienne retentir pour troubler la narration ! Le propriétaire du garage paumé avait fantastiquement éviter de dire quoi que ce soit quant aux brèches dimensionnelles qui tailladaient régulièrement l’intérieur de son logis. Il affirma, comme par déni de l’information susmentionnée, avant de faire un pas en arrière en affirma que c’était un sujet à débat. Nous pouvons affirmer qu’il sait ne pas savoir qu’il sait ce qui se passe, ce qui est d’autant plus prouvé du fait qu’il ait vu l’oeil du Baron disparaître à travers une fente dimensionnelle. Le second chapitre du roman intitulé “Pourquoi Echo est un cave” portera sur le fait qu’il n’avait jamais lié sa percéption à ses connaissance afin de déterminer qu’il avait voyagé deux fois à travers les dimensions. L’observateur quantique ne portait pas bien son nom, ou bien peut-être le portait-il avec succès et ne faisait que regarder la matière faire ce qu’elles font de mieux : rien sans l’action des êtres vivants !

”Oh.”

Nous voilà de nouveau dans une chronologie raisonnable ! La série de questions et d’affirmations pleines de regrets suivant la conversation téléphonique du Baron et d’un mystérieux et supposément mélodramatique interlocuteur. Droit comme un piquet, surplombant de ses gigantesques cent soixante-quinze centimètres l’assis mortel, il maintint son sourire tandis que ce dernier tenta désespérément d’écarter l’idée de montrer sa misérable civilisation à son divin supérieur hiérarchique. D’abord, il mima l’incompréhension avant de se rattraper d’un ton résigné, sa prononciation molle précédant un léger hochement de tête de son interlocuteur lui annonçant son désir. Par la puissance de la négation circonstancielle et d’une possible assignation à résidence, Echo se dédouana de ce qui était attendu de lui avant de proposer de simplement raconter des choses. Le sourire de l’Archidémon fondit comme neige au soleil et son menton se redressa. Il était huit heures trente.

”Mais j’ai fait une promesse...”

Il resta un instant silencieux avant de soudainement frapper sa paume gauche de son poing droit.

”C’est bon, je sais ! Ah ah aaaaaah !”

D’un pas déterminé, il enjamba le sofa avant de prendre la porte qui l’avait conduit dans cet atelier. Immédiatement, l’autre entrée, celle par laquelle les clients s’invitent habituellement chez Faraday, fut ouverte et le Baron en sortit. Il avait un sac plastique dans l’intérieur du coude droit, et un autre en papier dans la main gauche. Dans sa paume libre se trouvait un appareil-photo d’un modèle semblait-il avancé, ayant perdu un peu de peinture dans ses coins, l’usure provoquée par une utilisation constante durant toute une après-midi. Il y avait une paire de lunettes de soleil pliée sur son col, une posée contre sa casquette et une sur ses yeux, maintenue en place malgré son manque de nez et d’oreille et donc probablement par pur charisme. Il y avait une trace rouge sur son manteau, mais ce n’était probablement pas important. Il passa à travers le comptoir, ignorant ce qu’Echo ne désirait pas encore lui présenter avant se repositionner sur le sofa.

”Je suis allé visiter tout seul pendant le reste de la journée avant de rembobiner pour que tu ne remarques rien.”

Il posa le sac en papier sur la table.

”J’ai pris deux-trois trucs au fast-food en rentrant et puis j’ai vidé mon esprit de toutes les mémoires entretenues durant cet après-midi. Ainsi, tu pourras tout me raconter à nouveau.”

Il plaça l’appareil photo dans l’autre sac qui eut la chance d’être positionné à côté de sa botte gauche.

”Mes souvenirs peuvent revenir à n’importe quel moment. C’est ça qui est bien ! Je redécouvrirais ce que j’ai fait mais qui ne se sera jamais produit. Mais mon appareil photo est quand même rempli, j’ai quelques bidules remplis, et je nous ai ramené un bon repas bien industriel !”

Il sortit du sac en plastique un sachet sphérique, un paquet de frites et un soda. Dans sa miséricorde, il avait pris un menu enfant à Echo, qu’il sortit du sac et posa devant le mortel. Une métaphore de sa bienveillance paternelle ou bien du respect du gabarit moyen de son interlocuteur ? Une énigme dont la réponse sera effacée par les millénaires passant. Sortant un burger de ce qui lui revenait de droit, il remarqua le rouge sur son manteau avant de le faire disparaître d’un revers de la main.

”Ne t’inquiète pas, ils sont vivants. Je ne sais même pas qui c’est, d’ailleurs. J’ai probablement posé des questions sur qui tu étais et je n’ai pas dû apprécier les réponses. Mais maintenant qu’il est huit heures à nouveau, il ne devrait plus y avoir de soucis.”

Une autre démonstration de sa superbe miséricorde !

”Tu as l’air d’en avoir déjà lourd sur le coeur, de toute façon. Je n’oserais ajouter des poids supplémentaires.”

Il prit une puissante, colossale, sensationnelle bouchée du burger. Un exemple de force et de supériorité tel qu’on aurait pu entendre le bruit comparable à un trou d’air ! Comme si tout l’atelier venait de trembler alors qu’il finissait sa bouchée !

”Es-tu solitaire car tu es exilé, d’ailleurs ? Banni ? Peu de gens sont interdits de faire visiter leur ville natale à un invité... ”

Il leva son sandwich et pointa Echo avec.

”Mais bon, tu m’as dit que personne d’autre ne pourra explorer les dimensions. Ça va faire de quoi t’occuper !”

Il souriait à nouveau.

”Bref, tu proposais de raconter tes aventures dans les différents quartiers de Fi-... Mmh...”

Il appuya sur son front avant d’en sortir un fil à l’allure de liaison électromagnétique, sur lequel il tira sauvagement pour l’arracher.

”...Les différents quartiers de cette ville, donc !”

Il avait tout un menu à déguster durant le récit des aventures d’Echo Faraday.
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockDim 28 Fév 2021 - 15:15

UNE LÉGÈRE ATTENTE

Pendant un instant, aussi fugace que le battement d’ailes d’un papillon, l'atelier avait cessé d'être une architecture et s'était transformé en une véritable croisée des univers quantiques. Ainsi, le Baron Mars Babel avait surpassé les frontières de ce forum, ne serait-ce qu’un moment, et s’était permis de prendre de l’avance sur la suite de notre histoire — quand bien même celle-ci n’avait été ni conçue ni rédigée et encore moins mise en page. Hélas, dans sa majestueuse précipitation, notre superbe Archidémon avait fini par créer une erreur logique dans laquelle il avait oublié d'inclure son interlocuteur. Non pas qu'il ne le pouvait pas ; mais ça ne lui était pas autorisé, tout simplement !
 
Ainsi Echo était resté hébété, saisissant à peine ce qui venait de se produire.
 
— Bah quoi encore ? fut tout ce qu’il réussi à articuler, avant de suivre du regard les faits et gestes de son hôte, trop abasourdi pour être bien certain de ce à quoi il avait assisté.
 
Mais il ne pouvait en attendre autrement de l’entité chaotique qu’est le Baron Mars Geoffrey Hinnbinn Tiamat Tzeentch Babel, Archidémon de la Tour, Destructeur de la Première Langue et Premier Antagoniste de son état. Il l’avait invité à passer du temps à l’intérieur de son humble demeure et devait donc se plier à tous ses caprices — dans la mesure du possible et du réalisable. Or, voilà que devant ses yeux ébahis, l’impossible s’était réalisé !

— Je suis allé visiter tout seul pendant le reste de la journée avant de rembobiner pour que tu ne remarques rien.
 
Une affirmation bien déroutante, pour celui qui n’avait qu’une conception linéaire des minutes qui passent. Comment le Premier Antagoniste avait-il pu manipuler le cours du temps de la sorte ? Sachez que ce savoir n’est connu que des êtres capables d’abolir et de reconstruire le quatrième mur à leur guise, ce qu’il s’était empressé de démontrer tout en sortant par la porte d’entrée. Il en était revenu un instant plus tard, les bras chargés de curiosités dont ni vous ni moi ne savons la nature ni l’origine. Mais attendons donc de voir ce que les évènements à suivre nous réservent.

— Vous auriez pu m'attendre, quand même… soupira Echo, non sans une certaine contrariété.
 
Un sac en papier figurait parmi les souvenirs que ce cher Baron avait ramené de son aventure extradiégétique : il lui fit une place sur le guéridon précédemment débarrassé, avant d’en décrire sobrement le contenu.

— J’ai pris deux-trois trucs au fast-food en rentrant et puis j’ai vidé mon esprit de toutes les mémoires entretenues durant cet après-midi. Ainsi, tu pourras tout me raconter à nouveau.

Qu'est-ce que le Baron avait-il bien pu observer ? Où avait-il bien pu se rendre ? Qu’avait-il bien pu ramener ? Autant de questions qui se posent dans l’esprit de nos chers lecteurs, tout comme dans celui du personnage situé de l’autre côté de l’écran.

— Mes souvenirs peuvent revenir à n’importe quel moment. C’est ça qui est bien ! Je redécouvrirais ce que j’ai fait mais qui ne se sera jamais produit. Mais mon appareil photo est quand même rempli, j’ai quelques bidules remplis, et je nous ai ramené un bon repas bien industriel !

De toutes les choses qui auraient pu se trouver là où il avait prétendu être allé, le Baron avait choisi de ramener quelque chose qui ne s’y trouvait pas, ou en tout cas pas sous la forme qu’il lui avait donné ! Le doute était plus présent que jamais quant à la destination qu’il avait empruntée. Avait-il effectivement fait une échappée belle en terre inconnue, avant de s’en retourner à l’atelier par le biais d’un itinéraire maintes fois parcouru ? Ou faisait-il usage de ses formidables capacités d’orateur afin de convaincre son auditoire tout en dissimulant sa propre déception ? Celui que nous connaissons comme le Destructeur de la Première Langue était un homme de parole et il avait une promesse à tenir envers et surtout contre tout : nul traverse n’aurait su embarrasser sa course, pas même la distance, le temps, la réponse à l’univers ou tout problème d’ordre quantique.
 
— Ne t’inquiète pas, ils sont vivants. Je ne sais même pas qui c’est, d’ailleurs. J’ai probablement posé des questions sur qui tu étais et je n’ai pas dû apprécier les réponses.
 
Malheureusement, son action fut aussi futile qu'un spectateur qui monterait sur scène pour espérer voir ce qui s’y produisait alors que la représentation n'avait même pas encore commencé. Ou encore celle d'un critique qui aurait rédigé un avis sur une production cinématographique dont le contenu était encore en cours de tournage. Un synopsis ou quelques paragraphes d'un résumé suffisent à éveiller l'imaginaire, mais le contenu d’une œuvre ne peut être interprété qu'à condition d’être consultée et abordée dans son intégralité… ou en être soi-même l’auteur, ce qui n’était pas le cas du Baron Mars Babel. Il n’était que le héros d’une autre histoire et cela était déjà bien.
 
— Mais maintenant qu’il est huit heures à nouveau, il ne devrait plus y avoir de soucis.
 
Heureusement pour lui, son Créateur l’avait doté d’une compréhension et d’une adaptation remarquable à son environnement. Par un habile procédé d’observation, il avait lui-même déterminé les circonstances de ce qui ne s’était pas encore passé à partir de ce qu’il avait décidé qui s’était produit, tirant avantage des lois métaphysiques de cet univers qui n’était pas le sien : ainsi, son engagement était respecté quoiqu’il en soit et il était revenu à temps pour que la continuité de la narration ne s’en trouve pas interrompue plus que de raison. La vraisemblance de ce sujet était donc restée intacte ; sa logique, cependant, restait encore à élaborer. Pour cela, je vais donc reprendre ma place de spectateur et laisser le devant de la scène à notre second protagoniste.
 
Que va-t-il apprendre ? Que va-t-il découvrir ?
Saura-t-il jouer son rôle convenablement, maintenant que la réplique lui est donnée ?
 
— Tu as l’air d’en avoir déjà lourd sur le cœur, de toute façon. Je n’oserais ajouter des poids supplémentaires.
 
Je me suis demandé pourquoi est-ce qu’il m’avait dit ça d’un seul coup. C’était tellement inattendu que j’en ai oublié de lui répondre. Sans me quitter du regard, il a mordu goulûment dans son hamburger, au point d’en faire frémir les plantes succulentes qui poussaient non loin de la baie vitrée. Tout l’atelier sentait le gras, le sel et la viande fumée. Je devais reconnaitre que c’était quelque chose.

— Es-tu solitaire car tu es exilé, d’ailleurs ? Banni ? Peu de gens sont interdits de faire visiter leur ville natale à un invité...

J’ai hoché la tête.
 
— Disons que j’ai déménagé pour prendre mon indépendance. C’est quand même mieux d’avoir un endroit à soi, même s’il est loin de tout ce qu’on connait.
 
Une moitié de vérité. J’étais pas certain de vouloir en parler tout de suite, en tout cas pas sans me lancer dans quarante mille explications dans la foulée. On avait pas trop le temps pour ça. L’impatience du Baron m’apparaissait avec autant d’insistance que le battement de la pluie sur le carreau d’une fenêtre un jour d’orage.

— Mais bon, tu m’as dit que personne d’autre ne pourra explorer les dimensions. Ça va faire de quoi t’occuper !

D’un geste inutilement dramatique, il m’a pointé du doigt à l’aide de son burger à moitié consommé. Ça avait l’air d’être à son goût. J’ai rien dit par rapport à la portion miniature qu’il m’avait ramené, mais je n’en ai pas moins pensé.

— Bref, tu proposais de raconter tes aventures dans les différents quartiers de Fi-... Mmh...

Ses doigts sont ensuite portés sur son front et il en a tiré un genre de câble, enfin je n’étais pas trop sûr vu la rapidité avec laquelle il paraissait l’avoir tiré de sa propre cervelle. Je l’ai laissé finir sa phrase sans en rajouter.

— ... Les différents quartiers de cette ville, donc !

J’ai repensé à la façon dont son sourire s’était évanoui lorsque je lui avais confié que revenir en Finalis allait s’avérer compliqué. Pas impossible, juste compliqué. Tout ce que j’avais à lui proposer était une projection en Finalis, mais je sentais que je ne pouvais pas le conduire là-bas. Enfin bon, ça ne l’avait pas empêché de m’ignorer et de faire le mariole avec ses supers pouvoirs d’archidémon.
 
— Vous n’en faites un peu qu’à votre tête, hein ?
 
J’avais même pas la force de le sermonner, je savais d’avance que ça ne servirait pas à grand-chose. Ce serait ridicule de se fâcher comme ça, quand même, surtout qu’il semblait déterminé à me faire rentrer dans son jeu. Qu’à cela ne tienne ; ce serait dommage de faire marche arrière, au point où on en est…
 
— J’ai même pas eu le temps de vous indiquer quoi que ce soit que vous étiez déjà parti. Promettez-moi que c’est la dernière fois que vous me faites un coup pareil… j’ai dit, même si je savais qu’il était en position de faire tout à fait le contraire. Et puis je peux pas vous faire visiter les cinquante-trois districts de Finalis comme ça, on en aurait pour des mois !
 
J’ai posé l’œil sur l’appareil photo qu’il avait posé plus tôt sur la table. Il m’a paru d’un seul coup intimidant, je n’avais aucune idée de ce qu’il avait bien pu éterniser à l’intérieur et je l’ai pris entre mes doigts avec une grande délicatesse, comme si j’avais peur que ça me saute à la figure d’une seconde à l’autre. Et puis je l’ai regardé lui, avec son grand sourire : alors j’ai senti que c’était à moi de jouer sans pour autant savoir quelles étaient les règles du jeu, mais s’il ne se gênait pas pour imposer ses propres règles, pourquoi je ne pourrais pas faire pareil ? J’étais bien dans mon domaine, oui ? L’opportunité idéale pour lui en mettre plein les mirettes.
 
Ou pas.
 
— Je peux… ?
 
J’ai pris une grande inspiration. Cet objet ne venait pas de là d’où je venais moi, il était sûrement régi par des lois que je ne connaissais même pas. Mais si je pouvais le saisir, le manipuler et l’utiliser, alors techniquement rien ne m’empêchait de m’approprier et d’observer son contenu, pas vrai ?
 
— Et sinon, ça va, vous ? j’ai ajouté, pour faire la conversation.
 
J’ai attendu encore un peu avant d’aligner mon œil gauche avec le viseur de l’appareil : je n’avais droit qu’à une seule tentative. Une seule éventualité s’était produite et me fallait la définir maintenant ou jamais. Il y avait toujours le risque de chercher à en savoir trop sur les autres possibilités, mais j’avais fini par comprendre avec le temps que tant que l’être humain cherchera à envisager toutes les probabilités, ce ne sera pas demain la veille qu’il fera avancer sa propre histoire.
 
— Ah… C’est bon.
 
C’était toujours impressionnant d’assister à un phénomène de décohérence, et encore plus quand on en est l’auteur. Mais une fois l’appréhension partie, tout redevenait comme avant ou presque, alors je n’avais pas plus de raisons de m’en faire.
 
— Je sais pas où vous êtes allé, mais on va voir ça ensemble…
 
 

"La Plaine — Heatherfield, District n°7" :
Un terrain viticole et fleuri situé dans un quartier modeste et rural, un des plus éloignés du centre. Non loin, des éoliennes ont été construites pour tirer parti des bourrasques qui soufflent fréquemment dans les environs. Leur hauteur spectaculaire et leur mugissement sourd ont inspiré, à moi et mon meilleur ami d’enfance, d’épiques épopées, de formidables donjons à explorer et de terrifiants adversaires à affronter. Mais pourquoi le Baron serait-il venu ici… ?
 
"Plage des Oyats — Salicorn Hill, District n°40 " :
Un banc de sable fin donnant une vue imprenable sur l’océan. Les lieux sont paisibles en toutes saisons ; relativement peu fréquenté par rapport à d’autres plages plus touristiques, c’est un lieu prisé des amoureux de l’océan et de ceux qui apprécient le bruit ressourçant des vagues. La flore qui pousse sur ses dunes est si variée d’un observatoire participatif a été implanté non loin afin de pouvoir renseigner et observer la faune locale en toute tranquillité. Je me suis toujours demandé ce qu’il y avait de l’autre côté de l'horizon.
 
"Grand Conservatoire d’Histoire Naturelle, Musée Anatomique — Arlesia, District n°12" :
Un ensemble de bâtiments destiné à l’étude et a l’exposition des espèces animales, végétales et minérales, le plus grand de Finalis. Autrefois, une faculté de médecine et une grande école d’art se côtoyaient à ce même emplacement, les lieux abritent désormais de nombreux spécimens pour la plupart uniques. Trois fois par an, le Musée Anatomique est ouvert au public, mais seuls ceux qui ont le cœur suffisamment accroché oseront le visiter. Je ne suis pas étonné que le Baron ait voulu visiter cet endroit.
 
"Battle Arcade — Terreniel, District n°14" :
Une des nombreuses salles d’arcade de Finalis, qui comporte beaucoup de machines en plus de proposer du karaoké et une restauration rapide mais saine. L’endroit est assez bien organisé, les prix des jetons sont abordables et il y a même une sorte d’happy hour le mardi dont j’ai souvent abusé durant ma jeunesse. C’est définitivement le point de rendez-vous idéal pour un bon moment de détente et de divertissement. Je ne pensais pas que le Baron serait intéressé par ce genre de passe-temps, tiens.
 
" ? ? ? " :
Cet endroit me dit quelque chose, mais je ne m’y suis jamais rendu. On dirait un restaurant, mais les couleurs sont étranges et l’esthétique bien trop industrielle à mon goût. C’est peut-être là d’où le Baron a ramené toute cette malbouffe ? Mais par où est-ce qu’il a bien pu passer ?
 
"Atelier de Echo — District n° ???" :
Ah, nous voici enfin revenus là où tout peut commencer.
 

 
— Ça alors, vous en avez fait du voyage !
 
Même si j’ai toujours pas compris comment il s’était débrouillé pour visiter autant d’endroits dont il n’avait même pas connaissance, mais j’avais ma petite idée pour rétablir un minimum de cohérence dans toute cette histoire. Je devais avoir gardé quelques estampes dans un coin, avec un peu de chance ça devrait suffire : je ne pouvais rien promettre mais j’avais le mérite de pouvoir essayer. Ce qui était déjà pas mal !
 
A mon tour de frapper mes mains l’une contre l’autre afin d’attirer son attention. Ce faisant, j’ai fait glisser l’appareil photo jusqu’à lui et je l’ai invité à consulter les clichés qu’il avait oublié de prendre.
 
— Alors, où est-ce que je vous emmène ? Puisque nous avons un après-midi à passer ensemble, autant ne pas trainer.
 
Je l’ai laissé choisir tranquillement, mais je suis quand même revenu à la charge :
 
— Vous êtes sûr que vous voulez pas que votre ami de tout à l’heure vienne avec nous ?
 
Puis, avec un grand sourire satisfait :
 
— Comme ça vous serez définitivement assuré de tenir votre promesse, hé hé hé.


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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockDim 7 Mar 2021 - 16:47
”Seulement cinquante-trois ? Il me semble en avoir vu plus que ça.”

Une autre surpuissante démonstration de superbe supériorité ! Le Baron venait de prouver qu’il n’avait en aucun cas besoin de suivre la logique temporelle ! En une poignée d’heure, il avait entièrement visité des dizaines, que dis-je, des centaines de quartiers populaires en une seule après-midi ! Il avait goûté à tous les plats, participé à toutes les attractions et patienté à toutes les files d’attentes, bravant mères célibataires arrogantes, personnels touristiques sous-payés et - palsambleu, je tremble à l’idée de prononcer ces mots ! - les bébés qui pleurent à l’avant du bus ! Quelle épopée ! Mais enfer et damnation, elle venait d’être arrachée de nos mains ! Une histoire qui brisa les fondements du temps et tout ce qui fut précédemment établi comme typique à la construction d’un récit, effacée de notre esprit ! Mais comment donc le Baron avait-il pu visiter plus de cinquante-trois districts en une après-midi ? Une vitesse sensationnelle ? Une maîtrise absolue de la réalité ?

”Peut-être que je m’étais échappé pendant plus d’une après-midi, au final.”

Ou… ça… oui. Quant au mortel, il avait misérablement tenté de s’approprier la narration en énonçant son désir de s’isoler. Depuis mon poste d’observation je puis énoncer l’hypothèse qu’un tel fuillard incapable de dialoguer ait décidé de courir loin, loin, loin des conséquences de ses actes. Quel pitoyable personnage qui non seulement paraissait si oubliable à côté du Baron mais qui également était tout simplement misérable par sa seule personnalité et son passé écrit sur son visage. Un livre dont on pouvait comprendre l’histoire entière rien que par sa couverture. Il avait manifesté un air de déception avant de l’abandonner, délaissant un plan pour admonester l’Archidémon quand il se rendit compte que cela ne le laverait pas de ses propres péchés. Quel culot d’y avoir seulement pensé ! Il demanda une promesse avant d’affirmer qu’il n’y avait pas de possibilité de visiter ainsi les cinquante-trois districts qui furent si régulièrement mentionnés jusque-là, entraînant la réponse qui entama le début de ce post. Il hocha ensuite avec une sensationnelle supériorité quand l’autochtone lui demanda s’il pouvait polluer de ses mains sales la coque de l’appareil photo. Ce dernier, écrasé par le silence de son tâtonnement, projeta hasardeusement hors de sa bouche une question pour savoir si le scénariste des premiers retournements de situation se trouvait dans une bonne situation.

”Oui, oui, ça va.”

De sa position symétriquement alignée face à son hôte, il ne pouvait voir ce que ce dernier observait dans la galerie de l’incroyable gadget. Ainsi, quand Echo annonça qu’il était temps de voir son trajet “ensemble” avant de regarder les diaporamas à l’intérieur de la machine, le Baron resta, rictus scintillant, assis dans le silence. Il cligna une poignée de fois des yeux tandis que son partenaire de récit faisait défiler les images. Je pense qu’il voyait quelque chose que nos yeux de mortels ne pouvaient même pas imaginer. Dans tous les cas, il y eut du vide sonore, ponctué de petits “clics” qui faisaient défiler les photographies à l’intérieur de l’appareil. Et enfin, une vocalisation de l’impression du mortel, suivie de plastique glissant sur la table et de plans faits à la va vite… dont une proposition.

”Mmmh… Roh, j’ai déjà suffisamment fait le mariole. Une petite glissade de plus ou de moins ne changera rien.”

Il ne toucha même pas à l’appareil, se saisissant du téléphone avec une poigne colossale avant de taper sur les numéros. Il attendit un instant avant de recommencer à parler.

”Ouais, c’est moi encore… Ouais, c’est moi qui ai joué avec le temps, désolé… Roh, c’est bon, il y a eu aucune conséquence ! E-écoute. Je suis avec un mortel très charmant qui me propose de visiter son univers et qui m’a dit qu’il serait d’accord si tu venais. T’en dis quoi ?... Ah, oui, une seconde.”

Il lança le téléphone sur le côté. Ce dernier se transforma mi-vol en un énorme cube de fer qui n’avait sensationnellement rien endommagé. Le bloc avait une porte coulissante. C’était une petite salle dans l’atelier déjà pas bien grand et terriblement sous-équipé pour accueillir le fantastique éternel. En fait, c’était même un ascenseur, un détail que je compris quand j’entendis un “ding !” sortant du compteur situé en son sommet. Les portes s’ouvrirent et… OH MON DIEU. C’EST LUI, L’INCROYABLE, LE FANTASTIQUE, LE SURPUISSANT, LA FIN INÉVITABLE, L’INVENTEUR DE L’ACCEPTATION, LE TREIZIÈME ARCHIDÉMON… ANKOU LACROIX !!!


”IL EST BEAU !”

”WOOOOH !”









Le narrateur de Mars venait de perdre connaissance. Deux archidémons, c’était trop pour certains. J’imagine que je vais devoir narrer pour deux, maintenant. Salut, tout le monde, moi c’est Ankou Lacroix. Je suis passé du quatorze février au seize mars en un mouvement d’ascenseur. Mes orbites vides croisent le vert plein de mon frère tandis que les portes s’ouvrent. Un battement de coeur suffit à projeter le sang dans mes bras pour les écarter et ma gorge sans peau rugit l’exclamation joyeuse provoquée par la vision qui m’est offerte. Dramatiquement, il s’approche de moi et je fais de même. Nos mains droites s’entrechoquent et l’onde de choc résonne dans la salle. Il n’y a personne d’autre dans cette salle hormis pour un mortel à l’air ingénu et pourtant plein de remords. Je n’étais pas de ceux à aimer l’exagération mais changer ses habitudes avait toujours quelque chose d’amusant. Je pense que nous sommes resté une seconde de trop dans cette position, attendant que l'écho de nos poignes cesse de hanter l’humble chalet. Il me tapota l’épaule.

”Ankou, sale pleureuse, comment vas-tu ?”

”Je viens de tuer ma meuf et j’ai les boules.”

”Fantastique !”

”Et toi, gueulard de mes deux, quel égocentrique est-ce que tu manipules vers son inévitable chute ?”

”Personne, en vrai ! J’étais juste en train de papoter avec Echo, ici présent...”

Il fit un mouvement de main vers le mortel pour accompagner son discours.

”Un bidule m’a fait perdre un oeil et c’est là que j’ai ruiné ton moment. Désolé encore, d’ailleurs.”

”Pas grave, pas grave.”

Il se retourna alors vers moi avant de fermer mon large manteau par sa fermeture éclair, cachant ma cage thoracique et ma colonne vertébrale du regard des spectateurs.

”Pardon, mais fais gaffe à rester exposé comme ça, tu risques de séduire des gens.”

”Mars, je suis littéralement un squelette ambulant, les gens vont pas être séduits par ça, quand même.”

”Ah, ça, tu sais pas ! J’ai joué à ce jeu vidéo, fait par des mortels, ça s’appelle Undertale -”

”Je connais -”

”Et j’ai observé le contenu apporté par la communauté -”

”Ouais, ouais, je sais ce que tu vas dire. Mais il a pas l’air de baver sur un tas de calcium, ton mortel !”

Je pointais de la main ce qui semblait être notre hôte. Mars avait toujours son odieux sourire qui alternait entre sadique débridé et daron passionné par les créations de ses enfants. Il resta silencieux un instant.

”Peut-être qu’il cache bien son jeu ?”

De mon crâne sans peau s’échappa un reniflement amusé. Je décidai de faire le tour de la pièce, mon fusil et son silencieux placés à l’arrache dans mon sac à dos. C’était vraiment adorable, comme endroit. Babel avait déjà posé son gros cul sur le sofa avec son légendaire manque de subtilité. Il entama des présentations dans mon dos.

”Echo, Ankou. C’est l’un de mes frères et sœurs et un de ceux avec lesquels je m’entends le mieux. C’est l’Archidémon de la Mort. Ankou, voilà Echo. C’est un mortel très charmant avec une histoire cachée que j’essaie de découvrir depuis deux heures. Il veut nous faire visiter.”

Je me retournais vers mes deux futurs compagnons de route.

”Tu t’es remis à harceler tous les mortels que tu trouves intéressant, Marsounet ?”

”Roh, arrête, il ne s’est plaint qu’une seule fois.”

”Une fois, en soi, c’est qu’il y a une erreur.”

”Oui, mais au final, il est toujours prêt à nous faire visiter.”

Je m’approchais d’Echo avant de lui tendre ma main osseuse.

”Hey. Ravi de faire ta connaissance, Echo. Désolé s’il t’a mis à mal. Il préfère l’extravagance et les retournements à la subtilité humaine.”

Poignée acceptée ou pas, ma main se faufila à nouveau dans ma poche.

”D’ailleurs, Mars, on avait été coupé, la dernière fois.”

”La dernière fois ? Je viens de me faire un nouveau cycle, j’ai oublié.”

”Oh. Bah… tu t’étais lancé sur cette tangente incroyable. J’avais déconné et appelé ça la “théorie de l’orbite”. Tu t’en rappelles ?”

”Ah ?”

Il me pointa alors du doigt. Ses yeux disaient que ça faisait tilt.

”Aaaaaaaaaaaah !”

Je le pointais du doigt de même.

”Aaaaaaaaaaaaaah !”

”Ah ah aaah ! Ah. Je m’en rappelle, mais j’ai oublié ce que je voulais dire après. Sinon, j’ai joué avec le temps parce que je voulais visiter mais qu’Echo n’avait pas le droit de m’y conduire.”

”Ah ?”

”Oui. J’ai pris des photos au final et puis je me suis effacé la mémoire. Je te laisse choisir où on va. ‘Fin, Echo me laisse choisir, donc je te laisse choisir.”

”Oh. Mmh...”

Je prenais l’appareil photo et circulais un instant à travers les images… Le poids des décisions et la peur des responsabilités écrasèrent un court moment mes épaules. Puis je remarquais la destination qui me plaisait le plus.

”Je suis partant pour la plaine.”

Tandis que je tendis l’appareil avec l’image sélectionnée vers, euh, Echo, Mars étendit son bras pour m’offrir une paire de lunettes de soleil. C’est maintenant que je remarquais qu’il en avait trois sur lui. Sans nez ni oreilles, elles tinrent sur mon visage.

”On est prêt quand tu l’es, Echo !”
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockSam 13 Mar 2021 - 17:30

UNE LÉGÈRE ATTENTE

— Seulement cinquante-trois ? Il me semble en avoir vu plus que ça.

Si ni vous ni votre pièce n'êtes capables de respecter les règles qui vous sont imposées, je ne saurais que vous conseiller de trouver un autre plateau de jeu.

— Peut-être que je m’étais échappé pendant plus d’une après-midi, au final.

C’était bien ce que je redoutais, mais d’un autre côté, visiter tous les districts de long en large pouvait bien prendre des mois entiers au bas mot, et j’en ai quelque chose pour m’être aventuré dans la grande majorité d’entre eux durant mon temps libre. Mais il se trouvait que je n’avais pas que ça à faire et qu’il me fallait bien assurer la bonne tenue de ma stabilité sociale et professionnelle, ce qui m’empêchait forcément de passer toute ma journée dehors.
 
Et puis j’aime bien l’ambiance confortable de mon atelier, dans le même temps. On peut pas tout avoir.

— Oui, oui, ça va, avait-il répondu lorsque je m’étais assuré de son humeur. C’était un peu compliqué de savoir avec lui donc je préfère demander immédiatement au concerné plutôt que d’attendre qu’il se plaigne de la lenteur de ma réaction, des lois restrictives de ce monde, du goût fade des biscuits que je lui sers, du déséquilibre dans la longueur de nos dialogues ou que sais-je — je pense que tant qu’il aura quelque chose à commenter, il n’aura aucune raison de s’en empêcher.

— Mmmh… Roh, j’ai déjà suffisamment fait le mariole. Une petite glissade de plus ou de moins ne changera rien.
 
C’est bien là votre plus grande faute.
 
— Vous en êtes bien sûr ?
 
Parce que pour être tout à fait honnête avec vous, l’idée de fouiller et modifier le cours de quelque chose qui ne m’appartient pas suffisait à me faire me poser de sacrées questions. Je ne suis pas certain d’être prêt à assumer que des vies soient changées, des destins condamnés et des conséquences déclenchées par la force d’un de mes gestes ou d’une de mes paroles, aussi insignifiant que cela puisse être. Je n’avais pas de super pouvoirs, de connaissances akashiques ou de compétences d’administrateur pour mesurer l’importance de mes actes dans l’avenir — agir sur le présent était suffisamment difficile comme ça.

J’en ai déduit qu’il s’était finalement résigné à accepter ma proposition lorsqu’il s’est à nouveau emparé du téléphone, composant je ne sais quel numéro avant d’engager une seconde conversation téléphonique, usant de son intonation charismatique pour s’adresser à son interlocuteur.

— Ouais, c’est moi encore… Ouais, c’est moi qui ai joué avec le temps, désolé… Roh, c’est bon, il y a eu aucune conséquence ! E-écoute. Je suis avec un mortel très charmant qui me propose de visiter son univers et qui m’a dit qu’il serait d’accord si tu venais.
 
Ce n’était pas tous les jours que j’étais qualifié de "charmant" mais ça ne m’a pas empêché de prendre le compliment à sa juste valeur.
 
— T’en dis quoi ?... Ah, oui, une seconde.

D’un geste ample, le téléphone s’est élancé hors de sa main et s’est métamorphosé, une dernière fois, en un cube de métal dont les dimensions étaient beaucoup trop grandes pour ne pas endommager quoi que ce soit dans mon espace de création.
 
— Hé !
 
Mais en l’observant de plus près, il semblait s’être parfaitement encastré dans la réalité, comme s’il en avait toujours fait partie.
 
— On a encore eu de la chance, j’ai constaté tout haut.
 
Une fente parfaitement rectangulaire s’est dessinée à sa surface, dévoilant des portes coulissantes à la manière des ascenseurs qu’on pouvait trouver dans les architectures les plus anciennes de Arlesia. Ils avaient un certain charme, très minimaliste, loin des ascenseurs magnétiques largement plus utilisés de nos jours. Mais ma contemplation a été de courte durée, car dès lors que j’ai eu levé le nez pour voir ce qui se passait, les portes se sont ouvertes et il en est sorti L’INCROYABLE, LE FANTASTIQUE, LE SURPUISSANT, LA FIN INÉVITABLE, L’INVENTEUR DE L’ACCEPTATION, LE TREIZIÈME ARCHIDÉMON—
 
— Mais, vous n’aviez pas dit que c’était le quatorzième ?
 
ANKOU LACROIX !
 
Comme à mon habitude j’ai dû encore tout mélanger, mais aucun des deux archidémons n’a daigné répondre à mon interrogation : au lieu de ça, ils ont préféré se saluer comme la fratrie surnaturelle qu’ils étaient.

— IL EST BEAU !

— WOOOOH !

Leurs mains se sont rencontrées en un une déflagration sonore qui s’est répercutée sur au moins soixante-dix millions de kilomètres, ce qui n’a pas manqué de me faire sursauter sur place et de décrocher quelques tableaux de leurs emplacements.

Bienvenue dans cet humble domaine, cher Ankou Lacroix. Veuillez excuser l’état de stress de ce cher Echo, tandis qu’il lui faut s’accoutumer à votre grandiose présence. Prenez donc vos aises, cette scène est la vôtre. Faites comme si vous étiez l’un de protagonistes de cette représentation et laissez libre cours à votre formidable jeu d’acteur.

Tous les poils de mon corps sont restés dressés pendant les minutes qui ont suivi et je me suis demandé s’il ne m’avait pas malencontreusement transformé en oursin dans la foulée. Mon patrimoine génétique était déjà assez étrange comme ça.

— Ankou, sale pleureuse, comment vas-tu ?

— Je viens de tuer ma meuf et j’ai les boules.

— Fantastique !

 
J’ai deviné non sans une certaine inquiétude qu’il parlait du "meurtre" mentionné plus tôt lors de leur dernier échange, mais ça ne m’en disait pas plus sur qui était ce "Saint-Valentin" alors je les ai écouté discrètement tandis qu’ils continuaient leur conversation.

— Et toi, gueulard de mes deux, quel égocentrique est-ce que tu manipules vers son inévitable chute ?

— Personne, en vrai ! J’étais juste en train de papoter avec Echo, ici présent...


— Enchanté de vous rencontrer, j’ai ajouté pour faire bonne impression auprès de mon hôte.

— Un bidule m’a fait perdre un œil et c’est là que j’ai ruiné ton moment. Désolé encore, d’ailleurs.

— Pas grave, pas grave.


J’ai repensé à la facilité avec laquelle la pierre de jade avait rebondi avant de se faire avaler par la trame dimensionnelle des univers. Un phénomène à la fois très impressionnant et tout aussi naturel que le lever du jour ou la tombée du soir. C’était juste... arrivé. On avait pas pu faire grand-chose pour l’en empêcher mais tout s’était bien terminé, heureusement.
 
Le Baron s’est ensuite affairé à réajuster le manteau de son semblable en remontant la fermeture éclair jusqu’à ce que son torse soit complètement dissimulé. J’ai trouvé ça un peu curieux : comment est-ce qu’un squelette pouvait avoir froid ? Mais ma crédulité n’a pas duré bien longtemps puisque qu’il a aussitôt révélé les raisons de son acte :

— Pardon, mais fais gaffe à rester exposé comme ça, tu risques de séduire des gens.
 
Ce qui ne m’était pas du tout venu à l’esprit puisque j’étais trop occupé à observer la structure de son visage — très osseuse, si vous voulez mon avis.

— Mars, je suis littéralement un squelette ambulant, les gens vont pas être séduits par ça, quand même.

— Ah, ça, tu sais pas ! J’ai joué à ce jeu vidéo, fait par des mortels, ça s’appelle "Undertale"—

— Je connais—

— Et j’ai observé le contenu apporté par la communauté—

— Ouais, ouais, je sais ce que tu vas dire. Mais il a pas l’air de baver sur un tas de calcium, ton mortel !

 
Non, je dirais que ma préférence va plutôt vers les êtres de chair et bien en chair. Mais je n’ai pas envie de m’étaler là-dessus. Ça ne vous regarde pas.

J’ai vu Mars Babel me regarder une fois encore, me souriant de toutes ses dents d’un air moqueur. Je ne savais pas trop de quel jeu vidéo ou de quel personnage de fiction ils parlaient mais ce n’était pas compliqué de comprendre que la moindre réponse de travers pourrait bien causer une baisse dans leur estime — que je sache de quoi il était question ou pas.

— Peut-être qu’il cache bien son jeu ?

Au moins, l’un des archidémons a eu la décence de s’amuser de mon malheur et l’ambiance s’est détendue en même temps que la tension dans mes épaules. J’ai soupiré, me sachant perdu d’avance, tout en regardant le frère du Baron faire le tour de l’atelier d’un pas lent. C’était la seconde fois qu’on observait mes œuvres dans la même journée et ça me prenait toujours autant au dépourvu, surtout que je n’avais plus vraiment le temps de lui proposer quoi que ce soit pour se désaltérer.
 
Et puis, dans ma contemplation un peu crédule, j’ai enfin réalisé qu’il avait littéralement la peau sur les os. Ainsi, même si je le voulais, il n’aurait pas pu pu profiter d’une des collations que j’aurais à lui offrir. Ça m’a fait me sentir idiot.

Tout en reprenant sa place sur le fauteuil un peu décoloré qui lui revenait de droit, le Baron me tira à nouveau de mes pensées en faisant enfin des présentations dignes de ce nom :

— Echo, Ankou. C’est l’un de mes frères et sœurs et un de ceux avec lesquels je m’entends le mieux. C’est l’Archidémon de la Mort.
 
— Oh.
 
— Ankou, voilà Echo. C’est un mortel très charmant avec une histoire cachée que j’essaie de découvrir depuis deux heures. Il veut nous faire visiter.

Aussitôt, son frère s’est retourné vers nous.

— Tu t’es remis à harceler tous les mortels que tu trouves intéressant, Marsounet ?
 
Le sobriquet m’a bien fait marrer.

— Roh, arrête, il ne s’est plaint qu’une seule fois.

— Une fois, en soi, c’est qu’il y a une erreur.

— Oui, mais au final, il est toujours prêt à nous faire visiter.


Ce qui était toujours d'actualité : l’antagoniste en congés avait l’intention de profiter de son temps libre comme il l’entendait et j’avais l’honneur d’être son guide dans nos prochaines pérégrinations. Je l’avais même encouragé à convier l’une de ses connaissances — et je m’en félicitais, car ce dernier avait l’air bien intentionné et semblait receler de nombreuses anecdotes aussi passionnantes que mortelles.
 
Une de ses mains a été tendue à mon encontre.

— Hey. Ravi de faire ta connaissance, Echo.
 
Je l’ai ensuite saisie de mes doigts tâchés d’encre, non sans un certain enthousiasme mais non sans une certaine délicatesse. Je ne savais pas encore combien ses os étaient robustes ni même s’il était tangible, ça aurait été dommage de lui désarticuler les phalanges par maladresse.
 
— Moi de même, monsieur Lacroix.
 
— Désolé s’il t’a mis à mal. Il préfère l’extravagance et les retournements à la subtilité humaine.
 
— Ah, c’est rien du tout, vraiment.

Puis j’ai vu ses métacarpes disparaitre dans les méandres de ses poches aussi vite qu’elles en avaient surgi.

— D’ailleurs, Mars, a-t-il reprit à l’encontre de son confrère, on avait été coupés, la dernière fois.

— La dernière fois ? Je viens de me faire un nouveau cycle, j’ai oublié.

— Oh. Bah… Tu t’étais lancé sur cette tangente incroyable. J’avais déconné et appelé ça la “théorie de l’orbite”. Tu t’en rappelles ?

— Ah ?


Il le pointa alors du doigt. Un des lampions qui flottaient au-dessus de nos têtes sembla s’illuminer au même moment.

— Aaaaaaaaaaaah !

Il le pointa du doigt de même.

— Aaaaaaaaaaaaaah !
 
Je les ai regardé se pointer mutuellement du doigt.
 
— La théorie de quoi ?

— Ah ah aaah !
s’est écrié Mars Babel alors que ses souvenirs lui revenaient peu à peu. Ah. Je m’en rappelle, mais j’ai oublié ce que je voulais dire après. Sinon, j’ai joué avec le temps parce que je voulais visiter mais qu’Echo n’avait pas le droit de m’y conduire.
 
Cela ne vous a pourtant pas retenu dans votre impudence.

— Ah ?

— Oui. J’ai pris des photos au final et puis je me suis effacé la mémoire. Je te laisse choisir où on va. 'Fin, Echo me laisse choisir, donc je te laisse choisir.

— Oh. Mmh...


Bien sûr que je partageais leur enthousiasme de découvrir de nouvelles destinations et d’enrichir leur rétine mentale de paysages inconnus, mais il se trouvait que je ne pouvais pas tout leur dire tout de suite et que je n’avais pas la certitude absolue que ce que le Baron avait traversé nous était encore accessible. Mais lui comme moi avions "observé" les endroits où il s’était rendu : c’est que rien ne devait avoir été modifié et que tout était encore en état de marche. Je les ai regardés d’un air un peu navré. Il ne me restait plus qu’à espérer.
 
L’appareil photo a quitté mes mains pour aller dans celles de l’Inventeur, avant de revenir entre mes doigts.

— Je suis partant pour la plaine, a-t-il ensuite annoncé, portant son dévolu sur la destination qui m’était la mieux connue mais aussi la plus intime.
 
Une seconde plus tard, ils arboraient tous deux une paire de verres fumés comme s’ils étaient des touristes fraichement débarqués de leur premier jour de congé. Ce qui était le cas, en fait !
 
— On est prêts quand tu l’es, Echo !

J’ai su ce qu’il me restait à faire et je me suis alors empressé de fermer de l’intérieur toutes les issues de l’atelier — ça aurait été dommage que qui que ce soit vienne mettre le désordre pendant mon absence. Déjà que rien n’était rangé...
 
— D’accord ! Je ferme l’atelier puis on s’en va.
 
Ensuite je me suis hâté vers la balustrade pour ouvrir mon répertoire d’estampes, portant à bout de bras puis déroulant jusqu’à leurs pieds un parchemin vierge. J’aurais bien pris une gravure de bois mais aucune n’était suffisamment grande et légère pour ça. Je suis enfin redescendu et j’ai pris mon nécessaire à encre tout en remontant les manches de ma veste bien jusqu’en haut.
 
— Comme je vous l’ai dit, je ne peux pas vous emmener là d’où je viens. Mais je peux vous faire visiter une sauvegarde antérieure des endroits où vous vous êtes rendus. Je peux pas vous dire à l’avance si l’état sera tout à fait le même... mais on ne peut pas savoir tant qu'on ne prend pas la peine d’essayer.
 
Je me suis empressé de créer une ouverture éphémère sur le monde impermanent. Dans l’état actuel des choses c’était tout ce que j’avais à ma disposition. C’était un peu abstrait, au début, mais j’ai essayé de reproduire le cliché immortalisé par le Baron le plus fidèlement possible, tout en lui donnant de la substance avec la sensibilité de mon propre vécu. Les tâches d’encres ont dégouliné, les noirs se sont entrelacés dans le blanc, les perspectives se sont dessinées et les contours se sont tracés avec une certaine douceur presque nostalgique. J’étais dans mon élément et c’était tout ce qui comptait, le monde pouvait bien s’écrouler autour de moi que je ne m’en rendrais pas compte tout de suite. Tout ce qui comptait était ces mémoires que je chérissais, ces sensations que mon corps revivait subtilement, ces senteurs et ces bruits qui parvenaient à mes sens comme si c’était hier.
 
Puis... tout a commencé à bouger. Par-delà la représentation à la surface de la toile, mais aussi au plus profond de moi. Comme si mon libre-arbitre n’était plus scénarisé, mais que malgré tout ils étaient toujours là à me regarder et à lire dans mes pensées. J’ai bien cru que j’allais revenir sur mes pas, c’était trop saisissant mais je ne me suis pas laissé impressionner, de quoi j’aurais l’air si je ne pouvais pas vivre par moi-même en assumant les conséquences de mes propres décisions ? J’ai lâché mes pinceaux et je les ai posés sur le meuble en bois juste à côté.
 
— Je vais juste vous demander de respecter une seule condition.
 
J’ai essuyé mes doigts noirs d’encre à l’aide d’un chiffon écorché. Mes mains tremblaient encore un peu mais ça ne se remarquait pas tant que ça.

— Si vous pouviez juste, euh, ne pas éditer quoi que ce soit ? Comme ce monde n’est pas votre monde d’origine,  je pense que votre présence risque d’affecter son contenu. Mais si vous ne modifiez rien, tout devrait bien se passer...
 
De toute façon, si j’en crois les photographies prises par monsieur Babel, nous sommes partis de l’atelier, nous nous sommes déplacés d’un lieu à l’autre puis nous sommes revenus sains et saufs : j’en ai conclu que nous n’avions rien affecté et donc que rien n’avait été effacé après notre passage. Tout va bien !
 
Ab esse ad posse valet, a posse ad esse non valet consequentia.
 
Ça ne me disait toujours pas comment le Baron a pu faire ce saut entre les dimensions en aussi peu de temps, ni comment il avait réussi à trouver la bonne destination du premier coup. Enfin bon. Si je m’attarde encore là-dessus j’en aurais encore pour des années. Et j’étais pas du genre à me prendre trop longtemps la tête quand je n’étais pas seul avec moi-même — j’avais pas envie qu’on m’entende penser trop fort.
 
— Alors ? On va rester là jusqu’à demain ? je leur ai lancé, un peu moqueur, tout en les invitant à me suivre.
 
La porte dérobée s’était ouverte et n’attendait plus que d’être traversée, nous n’avions donc pas le temps de tergiverser plus que ça. Quand il faut y aller... Faut y aller.
 
— Nous sommes partis !
 
La connexion vers Finalis fut accomplie en onze mots, pas plus.



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Dernière édition par Echo le Dim 14 Mar 2021 - 13:55, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockSam 13 Mar 2021 - 18:35

UNE LÉGÈRE ATTENTE

A nouveau, nous nous retrouvons pour une nouvelle publication de ce sujet qu’il est de mon devoir de vous raconter. D’une réponse à une autre, d’une page à une autre, nos protagonistes dimensionnement opposés apprennent à faire connaissance à travers quelques anecdotes de leurs présents et de leurs passés. Maintenant que tous nos acteurs ont fait leur apparition sur la scène, que diriez-vous de passer au prochain acte ?

Précédemment, le Baron Mars Babel s’est mis en tête de tuer le temps et l’ennui qui le guette, commandant à l’écrivain Echo Faraday de lui faire visiter l’endroit d’où ce dernier provient. Hélas, ce dernier nous a révélé dans un aparté qu’il n’était pas possible de faire irruption dans une histoire en cours de rédaction aussi facilement que l’on passe la frontière d’une nation vers une autre. Qu’à cela ne tienne ! Rien n’est impossible pour le Destructeur de la Première Langue, qui par une habile manœuvre narrative s’est emparé de toute logique diégétique pour presser les évènements comme bon lui semble.

Désormais accompagnés de Ankou Lacroix, l’Inventeur de l’Acceptation, Echo et le Baron vont ainsi tenter de virtualiser leurs présences au cœur d’un réseau en perpétuelle évolution et ce sans l’autorisation préalable de son Créateur — à leurs risques et périls.

Parviendront-ils à préserver le continuum de cette dimension ?
Sauront-ils réagir en conséquence face à la perturbation imprévue causée par leur venue ?
Reviendront-ils à temps pour que le cadran affiche huit heures et seize minutes pour la première fois de la journée ?

Je vous invite à vous installer confortablement ; notre histoire ne va pas tarder à reprendre.
Mesdemoiselles et messieurs, laissez-vous transporter.




— … Ca alors.

Tout comme j’étais passé du confort de mon atelier à la salle du trône en instance de destruction, nous avions passé le pas de la porte dérobée et nous avions atteint notre première destination.

La Plaine, comme nous l’appelions, ne se trouve qu’à cinq minutes de marche de là où Seth logeait. C’est un terrain adjacent à une des parcelles viticoles qu’il fallait longer pour se rendre chez lui. Non loin, des éoliennes ont été construites pour tirer parti des bourrasques qui soufflent fréquemment dans les environs. Leur hauteur spectaculaire et leur mugissement sourd nous ont inspiré d’épiques épopées, de formidables donjons à explorer et de terrifiants adversaires à affronter. Une fois en âge de disposer de nos propres revenus, nous avons délaissé l’endroit pour tester la salle de réalité virtuelle du coin, mais il nous est arrivé plus d’une fois de revenir là-bas, pour rendre hommage à ce lieu qui nous avait permis de nous évader — loin des humiliations et de la solitude.

— Eh bien, je crois que ça a marché, j’ai déclaré, ne sachant si je devais me sentir soulagé ou si le début de nos ennuis ne faisait que commencer.

Heureusement pour nous qu’on s’était pas éparpillés en chemin, d’ailleurs, sinon je ne sais pas comment est-ce qu’on aurait pu revenir en un seul morceau.

J’ai fermé les yeux un instant. Tout était comme je m’en souvenais. Le vent qui agite les cimes des arbres. Le vrombissement lointain des éoliennes. Le ruissellement de l’eau en contre-bas. Les herbes hautes et fleuries jusqu’à mes genoux. Une stridulation mélodieuse que je n’ai jamais réussi à entendre dans d’autres districts. La rosée du début de matinée sur mes chevilles. L’air, plus pur que nulle part ailleurs.

Cet endroit, je le connais par cœur, si bien que j’ai pas pu m’empêcher de ressentir la présence de monsieur Babel et de monsieur Lacroix comme une dissonance cognitive. Mais ça n’a pas eu l’air de les faire frémir plus que ça.

— Bon, j’ai fait, un peu maladroitement. Par où je commence ?

Pendant quelques secondes, il n’y a pas eu de réponse. Enfin, si, mais peu importe ce qu’ils étaient entrain de me dire, j’ai très vite constaté que leurs lèvres bougeaient plus vite que le son qu’ils émettaient. J’ai tout de suite su que quelque chose n’allait pas et j’ai regardé autour de moi.

Les couleurs étaient chatoyantes, mais en réalité beaucoup plus ternes que d’habitude. Les divers bruits parvenaient à mes oreilles, mais ils semblaient décalés dans le temps. Même les pales des éoliennes ne tournaient plus alors qu’elles étaient pourtant actives de jour comme de nuit. Le moindre brin de blé était totalement inerte, si bien que la légère brise qui caressait ma peau n’était peut-être que le fruit de mon imagination.

Comme si la mémoire des environs était en lecture seule.

— Oh.

Mes épaules se sont rehaussées d’un seul coup. Je crois qu’ils ont compris ce qui se produisait, mais je voulais surtout pas qu’ils leur vienne à l’esprit de vouloir modifier le cours de la réalité histoire que tout revienne dans l’ordre — peu importe comment ils comptaient le faire, je m’en fiche — parce que tout était déjà dans l’ordre, c’était juste que tout fonctionnait… autrement.

—  C’est pas loin de là où j’ai grandi,  j’ai lancé à l’intention du Baron. Mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi… figé, du coup.

C’était ça ou rien.

— Mais ça devrait aller.

Avant de continuer, je me suis assuré que tout allait bien de leur côté. S’ils ne pouvaient même pas se mouvoir comme bon leur semblait, on ne risquait pas de pouvoir nous en aller bien loin.

— Tout va bien de votre côté, sinon ? Rien d'anormal ?

Je me suis retourné sans savoir pourquoi. Je crois que j’étais encore ému, mais je ne voulais pas trop le montrer. Et puis je savais où me diriger si on avait besoin de se sortir d'un mauvais pas : je connaissais Finalis comme ma poche ou presque — même si je suis supposé l'avoir quitté une bonne fois pour toutes.

A force de devoir rompre les liens, on finit par ne plus pouvoir se rendre nulle part.



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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockSam 20 Mar 2021 - 17:18
Le mortel avait posé quelques questions auxquelles nous ne répondîmes pas, plutôt car notre temps de parole avait déjà été prévu pour d’autres dialogues. Il avait l’air d’en être conscient, mais pas tout à fait. Peut-être que c’était comparable à la dernière étape du sommeil, celle où on comprend que les rêves ne font pas vraiment de sens sans pour autant se dire que ce sont des rêves. Peut-être qu’il voyait les fondements de sa réalité. Peut-être qu’il savait comment cette réalité fonctionnait. Ou peut-être que Mars venait de chambouler son monde et qu’il était en train de désespérement contenir une crise de panique existentielle.

Je tiens à dire que j’avais une bonne gueule avec mes lunettes de soleil. Elles tenaient sans que j’eus besoin d’oreilles ou de nez. Mars faisait la même, sauf qu’il conservait son sourire qui mendiait les gifles. S’il fallait qu’une caméra tombe devant nous avant de nous photographier, nous aurions pu créer une excellente affiche de film. Echo, cependant, s’attelait à fermer son atelier. Un mortel qui fermait les portes et les fenêtres à clé avant de sortir ? C’était une vision rare. Et moi qui le pensais distrait. Contrairement à vous qui nous observez, il pensait à tout. Vous avez laissé la porte ouverte, ce matin, d’ailleurs. Faites attention, la prochaine fois.

Il se hâta vers un escalier et déploya un parchemin comiquement large, parvenant à descendre jusqu’à nos pieds en partant de sa position en hauteur. Il n’y avait rien écrit dessus, ou bien rien d’établi comme écrit. Ou peut-être que je ne savais tout simplement pas encore lire. Descendant de son point de vue, Echo alla chercher des pots de peinture noire, contenue dans des récipients tout petits. Cela avait l’air particulièrement incommode et sale. Ces jarres ne semblaient faire passer qu’un seul message : c’est plus cher mais, sur notre honneur et nos mères, c’est plus beau… Je savais que c’était de l’encre, bien sûr, mais je voulais juste savoir s’il pouvait sentir ce genre de pensées moqueuses à son égard.

Il nous répéta que ce notre future destination ne serait pas exactement là d’où il venait. Cela se rapprochait davantage d’une mémoire conservée des évènements. Cela signifiait surtout que le voyage allait devenir bien plus intéressant. Peut-être qu’il avait quelque chose à cacher et que cela nous le serait subtilement révélé dans quelques failles de sa psyché. Ou peut-être que le sujet était vraiment une “sauvegarde” au sens informatique. Un lieu conservé entre deux programmes, une antre cachée par delà l’userdata et la corbeille et… vous savez… le lexique des ordinateurs, quoi. Et maintenant, il était en train de gribouiller sur le parchemin précédemment introduit dans notre champ de vision.

Cela allait prendre un peu de temps on dirait. Je tournais la tête vers Mars. Il continuait à sourire inlassablement. Cela donnait à moitié envie de reproduire son rictus et à moitié envie de le gifler. Il pouvait continuer ce genre de regard malaisant pendant un moment. Alors je décidai d’utiliser notre temps imparti pour une meilleure cause.


”J’ai commencé à regarder Breaking Bad, récemment.”

En tournant sa tête, il m’offrit un visage un peu moins inhabituel. Il arrêtait de jouer son personnage pour simplement parler.

”Ah ? C’est quoi ?”

”C’est une série sur un chimiste extrêmement doué mais il a fini comme prof au lycée, il n’a pas d’argent pour soutenir sa famille et il est coincé dans une vie ennuyante et humiliante.”

”Hin-hin ?”

”Au milieu de nulle part, il apprend qu’il a un cancer aux poumons en phase terminale et il rencontre un ancien élève à lui devenu toxico et vendeur de drogues amateur. Et il décide de commencer à créer de la méthamphétamine pour laisser de l’argent à sa famille.”

”La méthamphétrucmuche c’est de la drogue, c’est ça ?”

”Ouais. Et en gros, ils finissent par flirter avec le crime et lui il aime sa famille et puis il y a son beau-frère qui fait partie de la brigade des stupéfiants - c’est assez compliqué, c’est pas mal jusque là.”

”Aaaaah.”

”Mais c’est lent, par contre. Ça se concentre sur une évolution progressive et réaliste de ses personnages.”

”Je vois.”

”Il y a des retournements et de la tension donc même si c’est pas trop action ça pourrait te plaire.”

”Ouais, ouais. T’as avancé jusqu’à où ?”

”Je suis au milieu de la saison deux. Il y en a cinq en tout mais j’ai vu que la cinquième faisait le triple de la troisième.”

”Ah ouais. Ecoute -”

Il tourna sa tête vers le mortel et je fis de même. Son dessin était en train d’onduler tandis que le travail de son relief s’entrechoquait avec sa condition de représentation à plat d’une scène. Le mortel était en train de lâcher ses pinceaux puis de les poser, comme si ces deux actions pouvaient se faire directement l’une après l’autre.

”Ecoute, j’irais voir.”

Il reprit son expression habituelle tandis que ses yeux retournèrent dans la direction du mortel. Ce dernier était en train de badigeonner de ses doigts un chiffon. Il cachait difficilement un certain stress alors qu’il nous demandait de respecter quelque chose de particulier : ne pas changer son monde si difficilement sauvegardé. Je me tournai bien sûr vers Mars, car moi je n’avais rien à me reprocher. Il regarda Echo, puis me regarda moi, puis Echo, puis il haussa les épaules en soupirant.

”D’accord.”

J’ajoutais en direction du mortel.

”Je conseille de préparer un backup, au cas où.”

Afin de m’assurer du fait que le dessin en face de nous soit en effet une porte, je décidai d’y lancer une pièce d’une zénie. Cette dernière fut aspirée et je puis reconnaître que c’était en effet un portail de blanc et de noir qui s’offrait à nos yeux. Echo fit un commentaire avant de se laisser happer par l’ouverture. Evidemment, Mars me poussa à l’intérieur avant de suivre. Reprenant mon équilibre, j’observai la plaine qui m’entourait. Il n’y avait pas besoin de la décrire une deuxième fois. J’avais fait attention à ce que le froid ne me suive pas. Je me rappelai alors de mon rôle mélodramatique et décidai de m’allumer une cigarette taciturne.

Looking good there, Ankou:

Je pouvais déjà voir un foirage. Je ne voyais pas un mais trois fils de fumée s’élever depuis mon tas de feuilles roulées. Ils étaient tous trois trop transparents et bougeaient davantage comme une série de photographies superposées. Un dessin animé à budget économe et au montage amateur. C’était plaisant à voir, en toute honnêteté. Je me tournai vers Mars pour voir ce qu’il faisait. Le vent soufflait dans son manteau et ce dernier se laissait emporter… et restait rigide à ses pieds en même temps. C’était amusant pour lui comme pour moi, car je le voyais secouer la queue de son vêtement pour davantage gêner la connection entre ce que la cape devait être s’il y avait du vent et le fait qu’il y ait du vent. À chacun de ses mouvements je pouvais observer le dixième de seconde précédant, comme si la moelle dans mes os avait été remplacé par de l’alcool.

”On dirait un dessin animé. Le décor est incroyable mais l’animation reste à désirer.”

”Et on est dans une mauvaise traduction, en plus. Tes paroles marchent pas avec tes mouvements de bouche.”

”Hein ?”

Il s’arrêta de jouer avec ses mouvements et se concentra sur ses paroles.

”Beh. Bah, babababa. Muuuuuh. Mmmmmh.”

Comme je l’avais remarqué, sa bouche ne suivait pas ses sons. En claquant des dents, il formait des syllabes bilabiales. Si mon visage pouvait sourire, j’aurais démontré mon amusement face à cette scène. Echo avait parlé bas dans son coin un petit moment avant de nous demander par où commencer notre visite. Cela lui fit un petit choc de voir nos mouvements être si différents et fictifs. Il offrit un peu de contexte sur ce lieu à Mars avant de révéler qu’il n’était pas un fin appréciateur de voir son enfance être pétrifiée ainsi, mais qu’il y résistera et au final il demanda si c’était nous qui allions bien. Ses yeux étaient larmoyants mais je doutais de son envie de s’ouvrir quant à ses émotions du moment.

”En toute honnêteté c’est vraiment anormal. Mais c’est très fun !”

avait dit Mars sans bouger ses lèvres. Son doigt se plaça sous son menton, suivi de lui-même du dernier dixième de seconde.

”Peut-être que c’est parce que c’est ta mémoire que tout est figé ainsi ? L’amalgame de tout ce dont tu te souviens de ce lieu ? Peut-être que ça expliquerait pourquoi tout est si détaillé mais fixe.”

”Où, tu sais, peut-être que c’est littéralement parce qu’il a peint l’endroit où on se trouve et qu’une peinture, généralement, ne bouge pas ?”

”Ah, oui. Mais c’est une interprétation un peu plus barbante, tu ne trouves pas ? Peut-être que c’est aussi pour ça que nos mouvements semblent aussi limités. En rêvassant, tu te rappelles pas de l’entièreté des mouvements d’une personne. Il est passé de pose A à pose B, peut-être en faisant un mouvement C. Tu comprends ce que je veux dire ?”

”Donc… nous ne sommes que des mémoires de nous-même, à l’heure actuelle ?”

”C’est ce que je pense. Mais c’est qu’une interprétation.”

Il s’amusait à gesticuler avec des mouvements amples. C’était une vision assez amusante. Mais nous savions tous les deux que nous étions plus que des mémoires, à l’instant actuel.

”Juste pour être sûr. Moi et Mars sommes réels, Echo. Nous ne sommes pas des illusions vaguement maintenues dans ton esprit.”

”Comment peut-il en être sûr ? Peut-être que nous ne sommes que les interprétations qu’il a de nous deux avant le passage dans le portail.”

Je me retournai vers lui. Il avait un sourire niais, accentué plus que possible par l’univers trouble qui nous entourait. Je pense qu’il fallait rappeler à Echo que nous ne nous étions pas perdus de vue durant notre passage dans l’autre monde. La petite taquinerie de Mars pouvait le troubler. De nouveau vers Echo, je me disais qu’il fallait que je lui révèle quelque chose qu’il ne savait pas à la base, pour lui prouver que nous étions encore nous. L’autre gros con avait décidé de s’éloigner un petit peu, ses yeux se tournant dans de multiples directions. Il allait laisser parler son âme d’artiste et apprécier le décor.

”Il blague, hein ? Il aime dire des conneries, parfois. Tu te rappelles la ‘théorie de l’orbite’ ? On était assis il y a longtemps après une séance de combats dramatiques, et il s’était mis à se demander pourquoi la plupart des héros et des méchants que l’on croisait avaient où des épaules très larges quand ils étaient des hommes ou des seins très gros quand ils étaient des femmes.”

J’avais éloigné ma cigarette de ma gueule pour lui parler directement. Il ne méritait pas l’odeur qu’entraînait ma mélancolie. Je commençais à lever mes mains pour accompagner mes dires

”Et ce gros con commence à réfléchir à la gravitation. Le fait que la masse d’un objet attire des objets à lui. Et il faut savoir qu’à chaque fois c’est le genre de corps qu’il prend, les immenses épaules et la musculature qui va avec, donc il doit s’y connaître. Moi je suis couché à côté de lui, la moitié de mon corps est en charpie car nous sortons d’une grosse bataille, il me manque la moitié de mon sang et mon esprit est en plein dans les étoiles. Tu vois la scène ?”

Je lui offris quelques secondes pour imaginer ce dont je parlais.

”Et il dit que si certaines masses peuvent percer à travers le temps et l’espace, la masse de ces rares êtres aux proportions généreuses doit être capable de rassembler les histoires autour d’eux. Et là, je commence à me marrer, mais comme je me suis pas marré depuis un bail.”

Je fis un coup d’oeil vers le côté. Mars regardait tranquillement les éoliennes.

”C’est comme les systèmes solaires, que je lui dis. Ils se font entourer par l’histoire et les autres personnages. Ces derniers orbitent. C’est de là d’où vient le nom. On était tous les deux fatigués et c’était hilarant. Puis il s'apprêtait à ajouter quelque chose et il se fit emporter par un boulet de canon. Super après-midi.”

Mars était en train de revenir. Son sourire était toujours aussi intense.

”Okay ! J’ai toute mes questions pour la suite de notre exploration : j’aimerais savoir à quoi servent ses éoliennes. Est-ce que ta civilisation est vraiment parvenue à être écologiquement durable ? Aussi : est-ce qu’il y a des gens ici ? Pouvons-nous les rencontrer ? Voilà ce qui serait un bon commencement pour notre visite. T’en dis quoi Ankou ?”

”Ouais, pas mal. Je suis d’accord.”
Baron Mars Babel
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MessageSujet: Re: Une légère attente   Une légère attente - Page 2 ClockLun 3 Mai 2021 - 14:59
”Mmmh...”

”Mmmmmh...”

...

”Il ne répond pas.”

”Doit-on vraiment agir comme s’il deux mois ne s’étaient pas passés ?”

”Deux mois, vraiment ?”

”Ouaip. J’ai eu le temps d’aller chercher à manger.”

”Mais t’as mangé hors de la mémoire, hein ?”

”Bien sûr. J’ai un minimum de respect. C’est pas parce qu’il a crash que je vais ruiner sa lecture seule.”

”Bien. Bien. Mmmh...”

”Ça va pas ?”

”Je m’ennuie.”

”Tu veux partir ?”

”Ouais.”

”Rien ne t’empêche. Ça fait plus de deux semaines, après tout.”

”Mais j’aimais bien le déroulement de l’histoire, jusqu’à présent.”

”Pareil. Mais bon, je crois que c’est mort.”

”Tu as raison.”

”Allez. On se tire.”

”...Je te suis.”

C'était prévisible. C'était ce qui allait arriver. Mars allait continuer de son côté. Il allait faire revivre son narrateur. Moi, je pense que je vais rester dans mon rôle de "PNJ", sait-on jamais.
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