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 Le temps de la haine et du chaos

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Abadon
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Démon
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MessageSujet: Le temps de la haine et du chaos   Le temps de la haine et du chaos ClockMar 31 Oct 2017 - 19:19
Elle se tenait, là, devant le gigantesque feu qui crépitait. Elle exécutait une danse, une danse aux mouvements vifs, fermes et parfois parsemés de quelques gestes plus doux. La populace se massait autour du feu, pour se réchauffer car la haine réchauffe les cœurs. Quand la haine envahit l'âme, le corps entier est chaud, il brûle, d'un feu si puissant que personne ne peut l'éteindre. Au final, la haine était surement l'un des plus puissants sentiments que l'humain pouvait ressentir. Ce feu purifiait toutes les autres émotions, seul l'objectif, la finalité comptait. Le seul moyen de se débarrasser de la haine était de détruire ce qui la générait mais elle ne voulait pas que cela s'arrête. Elle ne voulait pas éteindre le feu. Elle voulait contenter son Dieu, le satisfaire et le seul moyen d'y arriver, c'était d'entretenir le feu. Si par malheur le feu venait à s'éteindre, le chaos prendrait place et le chaos détruit tout sur son passage. Après le chaos, plus de haine, plus de feu.

La vieille femme continuait sa danse. Mystique, elle emmenait les autres dans son rituel, eux aussi dansaient. Ils appelaient le Dieu, ils voulaient qu'il vienne. Ils avaient la profonde envie de le voir, qu'il prêche la bonne parole. Celle qui entretenait le feu, il fallait entretenir le feu. Cependant, le Dieu ne voulait pas se montrer. C'était trop dangereux, il n'avait pas d'enveloppe charnelle adaptée à ce monde, il lui fallait un corps. Sans ce corps, il ne pouvait aller et venir comme il le voulait. Le Dieu était encore trop faible pour se révéler, la vieille femme le savait. Elle avait peur pour son Dieu, elle ne voulait pas que le feu s'éteigne. Non, le feu ne devait pas s'éteindre sinon le chaos viendrait, le chaos détruisait tout.


"Il ne faut pas que le feu s'éteigne, sinon le chaos, le chaos... Le Chaos! Dansez, dansez vers! Le feu ne doit pas s'éteindre!"Et ils dansaient continuellement, alliant fermeté et douceur, vivacité et lenteur. Il fallait danser.

Cela faisaient longtemps qu'ils dansaient, si longtemps qu'ils ne savaient plus ce qui s'était passé avant. Jour s et nuits, il dansaient, oubliant même de manger. La vieille fonderie était devenu un lieu saint, sacré. Bientôt, ils bâtiront un palais pour le Dieu, ils voulaient le satisfaire. Pour le moment, il n'y avait qu'un seul moyen pour que le Dieu vienne à eux. Il fallait un corps. Un corps jeune, de préférence. Un corps à la chair encore fraiche, à la peau douce et au visage angélique: un corps d'enfant. Il lui fallait un enfant.

La porte de la fonderie s'ouvrit, un homme et une femme s'approchaient du feu. Au milieu, leur tenant la main, un enfant. Il venait d'entrer dans l'adolescence. C'était parfait. Il allait bientôt grandir, devenir fort. Les parents amenèrent l'enfant devant la vieille femme. Le garçon avait peur, peur de cette vieille harpie aux cheveux blancs et gras, au nez crochu et aux yeux perdus dans la folie.

"Allez fils, dis bonjour à Dame la Moire. C'est elle qui communique avec notre Dieu, elle va t'expliquer ce que tu dois faire." Dit le père, poussant son enfant en direction de Dame la Moire. Il souriait, il était heureux que son fils ait un rôle si important dans le groupe. La mère, en revanche, montrait des signes de stress. Elle mordillait ses doigts, son rythme cardiaque augmentait. La vieille femme le savait, elle pouvait le sentir. Elle sentait sa peur, sa haine n'était pas assez forte, sa peur ne brûlait pas.

Dame la Moire fit un geste en direction du père, il se retourna brusquement vers sa femme et la frappa, d'une gifle dans le visage. La mère accusa le coup, même si ses yeux verts se mouillait de larmes, elle accusait. Elle devait être forte, pour son fils, pour sa famille. Son enfant allait le nouveau réceptacle du Dieu, c'était inespéré. Elle aimait son fils, mais elle adorait son Dieu. Après la gifle de son mari, sa peur se consuma. La haine reprit le dessus. Elle voulait satisfaire le Dieu.

Elle prit son fils dans ses bras, l'embrassa et le dirigea vers Dame la Moire. La vieille femme attrapa le bras du garçon, fit passer son doigt le long de sa peau, elle roula des yeux. La peau de l'enfant était douce, ferme. C'était parfait. Ses cheveux blonds, virant au brun clair, étaient soyeux et s'alliaient parfaitement avec ses grands yeux bleus, innocents. Le Dieu serait surement heureux de posséder un tel corps.

Il était l'heure de commencer le rituel. Le feu était haut, les flammes léchaient le plafond de l'usine. La haine était à son paroxysme. Elle approcha le garçon du feu, le laissant regarder les flammes autant de temps qu'il le voulait. Il était terrifié. Il devait regarder le feu, pour que, lui aussi, la haine purifie son âme. Quand elle ne ressentit plus aucun sentiment qui pourrait perturber le rituel, Dame la Moire se leva, les danseurs arrêtèrent tout de suite leur chorégraphie, regardant fixement le feu, sans aucun mot.

Dame la Moire prit la main de l'enfant, à côté d'elle se trouvait un énorme coutelas, il était rouillé. Il fallait que la douleur soit assez vive pour appeler le Dieu et qu'il considère le corps comme étant assez intéressant.

"Ainsi débute le rituel, il est temps d'appeler notre Dieu! Allez vous vous joindre à moi? Allez vous satisfaire notre Dieu?" Cria t-il pour que tous puisse l'entendre malgré les crépitements sourds du feu.

Les adorateurs s'exécutèrent, Un par un, ils introduisaient leur mains dans le feu, sans broncher, sans aucun signe de douleur. Petit à petit, l'odeur de la chair brûlée envahit la fonderie.


"Voici pour toi, Seigneur, l'éternel dévouement de tes adorateurs!" Hurla t-elle, levant ses bras au ciel.

Les parents s'avancèrent, chacun tenant un couteau dans leur main droite. Il s'approchèrent ensemble du feu se plaçant l'un devant l'autre.

"Et voici, comme gage du cadeau qu'ils sont prêt à te faire, Seigneur, le sang des géniteurs!" Les deux parents prirent leur couteau et s'entaillèrent profondément la main gauche avant de les joindre. Ils pressèrent leur main si fort, que le sang s'écoula à grosses gouttes. Ils firent couler le sang dans le feu, les flammes changèrent de couleur, passèrent du jaune orangé au rouge. Le feu léchait maintenant le plafond, noircissant les plaques d'acier qui constituaient le toit.

Ils reculèrent ensemble, se tenant toujours la main. Ils s'embrassèrent, heureux de soutenir la cause du Dieu.

"Ensuite, pour sceller l'accord entre les mortels et toi, Seigneur tout puissant, la progéniture doit offrir sa chair et ses os!" Suite à ces paroles, Dame la Moire prit la main gauche de l'enfant et lui trancha le petit doigt. Le garçon, lui, hurla de douleur, son feu intérieur n'était pas assez puissant pour lui enlever toute douleur.

Les adorateurs enlevèrent leurs mains du feu au moment où Dame la Moire jeta le doigt dans celui-ci. La chair avait brûlé, les os étaient apparents. Il était impossible qu'ils puissent réutiliser leur mains un jour où l'autre. Quand le doigt fut jeté, le feu vira au blanc, le blanc des os. Soudain, il tourna de nouveau au rouge, parcouru de filaments noirs. Dame la Moire sourit, le Dieu était là. Le feu s’éteignait progressivement, comme absorbé par quelque chose. Abadon sortit de l'immense feu, celui-ci entrant en lui comme s'il faisait partie de lui.

"Et pour achever ce rituel, le cœur de l'invocatrice, qui montre ainsi son dévouement à notre Grand Seigneur!" La vieille femme souriait, son Dieu était devant elle, la regardant de ses yeux rougeoyants. Il était beau. Abadon s'approcha, prit Dame la Moire par la taille et l'embrassa.

"Moi, Abadon, Dieu-Démon de la Haine et du Chaos, j'accepte ton cadeau et suis fier de ton dévouement!" Le Dieu-Démon planta ses énormes griffes dans le corps de son invocatrice, extirpant le cœur de Dame la Moire. A mesure que les griffes de son seigneur s'enfonçait, fouillait dans son corps pour récupérer son dû, un grand sourire s'affichait sur son visage.

"Je vous suivrais encore dans la mort, Seigneur!" Elle s'écroula sur le sol, morte. Son sang coulant en direction de l'enfant qui ne bougeait plus, tenant sa main mutilée et ne cherchant pas à fuir.

Abadon, le cœur de Dame la Moire en main, récupéra le coutelas et s'approcha de l'enfant. Il trancha l'organe en deux, éclaboussant le garçon et lui-même de sang. Il mit un genou en terre pour se mettre à la hauteur de son réceptacle et lui mit la main sur l'épaule.

"Tu as été brave, garçon. Aujourd'hui, tu as l'insigne honneur de te lier à moi, de devenir mon corps." Il prit la main mutilée de l'enfant et posa un morceau du cœur de la vieille femme dans celle-ci. "Pour sceller cet accord qui durera des millénaires, mangeons." Et ils mangèrent. Prenant chacun à leur tour une bouchée de ce cœur, le garçon, au fur et à mesure qu'il mangeait, appréciait de plus en plus cette nourriture impie. Le sang qui dégoulinait de ses mains, tachant ses vêtements. La fermeté de la viande, son goût métallique, tout lui plaisait.

Quand ils eurent fini le repas, une intense lumière enveloppa le corps. Il y eut un grand flash, les adorateurs se couvraient les yeux pour ne pas finir aveugle. Quand la lumière se dissipa, il ne restait plus que l'enfant, Abadon avait disparu. Le garçon leva la main, des filaments noirs s'y échappaient, s'approchant doucement des adorateurs. Les parents pleuraient de joie, leur fils était devenu le Dieu. C'était une fierté pour eux. Soudain, les filaments entrèrent dans les corps des adorateurs. Leurs yeux se révulsèrent et ils tombèrent au sol, les bras en croix. Morts. Les parents aussi étaient morts, ils ont subi le même sort. Abadon n'avait plus besoin d'eux dorénavant, il avait son corps et bien d'autres choses à faire.

Abandonnant le lieu du rituel, le Dieu-Démon se dirigea vers la ville, sous les traits de cet enfant, qui, endoctriné par ses parents, venait de lier son destin à celui d'un des plus grands dangers que l'univers pouvait abriter: la source même de toutes les haines... Et du Chaos.
 
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