Sujet: Une histoire de carotte Jeu 12 Juil 2018 - 20:23
Au fin fond d’une nébuleuse stellaire lointaine, vaste et paisible filament de gaz pastel abritant en son sein chaleureux nombre d’étoiles naissantes, fébriles flammèches tout juste embrasées rappelant tout autant de chiots se pressant contre leur mère, ondoyait un objet futile dont la singulière petitesse contrastait avec l’envergure titanesque des astres supposément nouveau-nés (quelques milliers d’années à peine). Cette chose était happée par le champ gravitationnel d’un astre massif, triste roi mourant entouré d’une lointaine portée qu’il était destiné à emmener avec lui au pinacle de son agonie, lorsque même l’une des forces fondamentales de l’univers ne saura retenir plus longtemps les volutes de gaz incandescents. Fait étonnant, la chose s’avérait être de nature organique, le spectacle était d’autant plus surprenant d’ailleurs car, dérivant au beau milieu d’une pouponnière d’étoiles, là où les desseins flamboyants de l’univers prennent vie, l’être gardait en lui une faible étincelle de vitalité qui menaçait de s’éteindre à chaque instant mais qui demeurait néanmoins, dans l’endroit le plus hostile s’il en est à la vie. Mais dans la finalité froide et calculée de l’univers, cet évènement inaccoutumé n’allait rien troubler, la forme de vie étant de toute façon déterminée à mourir d’asphyxie, si elle n’était pas d’abord purement et simplement irradiée à mort par le soleil agonisant. L’œil avisé, s’il prenait le temps de s’abaisser à l’échelle négligeable du corpuscule, aurait remarqué qu’il s’agissait d’un être humain ou d’un cousin plus ou moins lointain apparenté au règne simiesque.
Si ce même œil avisé prenait le temps d’omettre les incommensurables luminaires qui l’entouraient, il aurait pu facilement admettre que l’homme, puisque c’en était un, arborait une stature plus qu’imposante, qui était mise en valeur par un halo bleu qui l’enveloppait. Sa musculature noueuse était si fournie qu’elle en était grotesque, son dos était armé d’abondantes aspérités, comme autant de racines multiples aux nodosités marquées et il en était de même pour la moindre partie de son corps, qui était honteusement galbée à outrance. Les racines dorsales remontaient vers un cou de bœuf, comme si elles furetaient le liquide providentiel à travers la peau du jeune homme. De ces filaments émergeait une abondante crinière émeraude, dardant à la manière des protubérances des astres environnants. Son visage était figé dans une torsion grimaçante. De sa gueule béante s’écoulait une écume profuse maculant un carcan d’or rehaussé d’une gemme bleu azur : probablement le plus coûteux des saphirs ou des aigues-marines. De sa bouche s’échappait une longue plainte inaudible, (car comme l’a dit un jour un illustre cracheur de feu dans les Ultimes Super Frères qui se Tapent, dans l’espace, personne ne vous entendra crier) plainte qui, dieu seul sait, concernait une profonde vindicte envers quelconque tubercule ?
Avec ce cri arraché par la douleur s’écroule le tableau précédemment dépeint de l’Apollon : son corps était certes aussi vigoureux qu’il fut alors décrit, mais ce portrait valorisant occulte une grande partie de la réalité ; l’homme avait la peau quelque peu gonflée par la pression différentielle et cyanosée par le manque d’oxygène, pour le peu de peau qui demeurait d’ailleurs, puisqu’une grande partie du cuir qui recouvrait son torse avait été calciné au vingt-huitième degré et il ne restait qu’un magma fumant de peaux amalgamés dans des nerfs rougeoyants. L’intégralité de son corps semblait d’ailleurs rongée par le halo bleuté qui le bordait. Ses yeux maintenus ouverts par la douleur étaient plongés dans le vide, injectés d’une teinte écarlate, les capillaires optiques ayant cédé avec la pression, son sang commençait également à bouillir pour les mêmes raisons, puisque son circuit sanguin était découvert au vide absolu. Sa bouche spumescente découvrait des crocs acérés et laissait échapper les dernières bribes d’air du malheureux. C’en était fini de lui, le carbone allait redevenir carbone. Dans moins d’une pauvre minute son cerveau allait définitivement s’éteindre, dans quelques heures à peine l’effet de marée de l’étoile supermassive allait disloquer ses membres bovins comme si de rien n’était, et pour finir, ses restes seront consumés par ce même soleil, et les dernières poussières finiront leur course inerte aux abords du globe étincelant. La dernière braise de vie s’était éteinte, et il n’y avait rien pour l’attiser…
Contre toute attente, son torse s’anima pour recouvrer le va-et-vient respiratoire, sa queue duveteuse alors enroulée autour de son bassin sculpté dans la plus adamantine des roches s’ébouriffa et ses muscles galvanisés se contractèrent si intensément que ses tissus rompirent sur le champ. Transcendant toute logique, le guerrier aux cheveux celadons avait été réanimé par sa fureur seule. D’un geste ample de son bras robuste il dissipa le faisceau frénétique céruléen qui l’avait arraché de la surface de sa planète. Et puisque l’heure semblait être à la contestation de tout bon sens, il contracta une nouvelle fois ses muscles déchirés pour cette fois dresser une formidable égide sphérique vert jade tout autour de lui. Tout son corps se contracta en une impulsion brève, de l’ordre du reflex, et tous ses poils se dressèrent sous la chaleur qui regagnait son corps, pour briller d’une forte lueur verte. La température propagée était telle que l’hydrogène, majoritaire dans la nébuleuse, s’embrasa au point de rupture thermique pour se condenser en orage verdoyant de plasma exalté.
KAKAROTTO !
Il n’y avait eu aucun moment d’hésitation dans ce cri, comme si sa rage envers cette personne, cette chose, ce concept était inscrit dans son code génétique. Avant même qu’il ne se rappelle pourquoi, il avait hurlé à s’en briser les tympans ce mot. Il suintait de tous les pores de sa peau la haine profonde envers celui-ci, le mot même étant source de colère. Le hurlement tintinnabula à travers la bulle énergétique, accompagnant un spectacle formidable : le gaz de chacune des étoiles de la nébuleuse convergeait vers le guerrier, celui-ci se « nourrissant » dans la forge stellaire pour regagner ses forces. Ses blessures se résorbèrent au fur et à mesure que le guerrier s’époumonait, défiant l’espace tout entier d’oser lui tenir tête. Il se souvenait de tout maintenant : son traître de père, cette mauviette de Végéta et surtout...
KAKAROTTO !
Alors le guerrier s’élança à toute vitesse à travers l’orage de jade, consumé par sa transe rageuse, ne prêtant même plus attention au torrent de bave qui exsudait entre ses dents, un orbe d’énergie ardent dans chacune de ses paumes, prêt à balayer la moindre planète d’un revers de la main.