Présentation de Tayah

Stabilité, certitude, sérénité, tels étaient les mots d’ordre de mon peuple, les Kaelyn. Quel dommage que les sonorités en S me cassent autant les couilles.
J’étais fortement soupçonné d’être un Impur, un individu ayant des ancêtres non originaires de Kael, la région de Flore la plus fermée et hermétique qui soit : personne ne sort, personne ne rentre. Cette politique d’isolation est due à la manie des Kaelyn de contrôler tout sur la nature de la région, obsédés par l’harmonie et voyant toute forme de chaos ou de désordre comme un mal à éradiquer. Comme beaucoup de Florins certains me diront, mais nan mais là imaginez les pires, je vous jure des barges. Ils utilisent leurs capacités naturelles, couplées à la magie Florine, pour réguler les petits et grands écarts de l’écosystème, et ironie du sort, un de leurs compatriotes se trouvait en être un bon morceau.
Je vais vous la faire courte sur notre reproduction, mais grosso-merdasse on parasite des progénitures d’autres espèces en leur faisant porter un mini Kaelyn toute leur vie jusqu’à leur mort naturelle pour que les petits parasites utilisent leurs dépouilles comme ressource pour grandir. Ouais bon, ok ça sonne pas très glam comme ça… Mais l’hôte s’en sort bien, en échange son petit frère lui apporte un soutien médical à la fois physique et magique, même si ce dernier ne s’en rend pas compte parce que bah, c’est un fœtus quoi.
Le petit frère qui grandit alors n’aura pas de souvenir à proprement parler de l’ancienne vie de son hôte, mais des idées, des concepts, des émotions vagues en sont tirées. Et dans mon cas à moi, bah ce qui revient souvent c’est des images d’action et d’excitation, de découverte et voyage, de mort et de violence, du bon quoi! Sauf que pour mes confrères, qui sont tous nés à partir des paisibles plantes de Kael, cela ne peut vouloir dire qu’une seule chose : mon hôte était non seulement un animal au lieu d’un végétal, mais également un étranger venu mourir ici, un intrus apportant l’incertitude et le déséquilibre. Et ho boi votre cher Florin leur a donné raison.
 
J’ai tout tenté pour tuer l’ennui de ce pays dont j’ai jamais réussi à m’enfuir. Beaucoup voulaient m’exiler (je demandais que ça après tout), voire me tuer (au point où j’en étais ça m’aurait pas dérangé non plus), mais le grand maître, que personne ne voit jamais, s’obstinait à vouloir me ‘’guérir’’. Personne ne pouvait deviner les intentions réelles de ce fils de pute, la légende raconte qu’il a passé tellement de temps en harmonie avec la nature qu’il ressent tout ce qui se passe à Kael, certains disent même qu’il est l’incarnation de la forêt même. Mais ces sujets reviennent rarement, les Kaelyns détestant le doute, et la curiosité me donne envie de m’arracher mes inexistants cheveux.
 
Du coup à défaut de mieux j’me suis prêté au jeu, j’ai suivi des cours cherchant à former les jeunes à la magie et l’écologie. J’ai su faire des fleurs, facile, mais je m’en suis lassé, et au final avec des lianes je m’amusais beaucoup plus. Un jour qu’on suivait des cours, l’instructeur m’a interdit d’utiliser la moindre liane, me demandant ce que je trouvais à ces choses.
En maintenant mes yeux plongés dans les siens j’en ai alors attrapé une pour faire un nœud de pendu que j’ai passé autour de mon cou.

‘’Parce qu’avec je peux faire ça.
-Mah boy !’’

La voix inconnue venait d’un Gilvilio, un des arbres les plus sacrés de toute la forêt. Un individu vêtu d’une tunique rose s’y tenait, dos à nous, alors que devant lui un liquide coulait sur le tronc de l’arbre. Une fois qu’il eût terminé, il s’est retourné vers nous alors qu’il n’avait même pas encore fini de remonter son caleçon.

‘’Putain première touche d’humour que je vois dans ce coin de merde. J’te montrerai comment faire des nœuds de qualité si tu veux, c’est de l’art, de la tradition, du terroir chez moi.
-Vous allez payer pour votre intrusion ! l’interpella simplement l’instructeur.’’

Il était vert de rage. Enfin... il rageait quoi. Je n’ai jamais vu personne dans un tel état ici, un nuage de spores commençait déjà à se former autour de lui. Et moi, protéger cet intrus tout de rose vêtu, j’y ai vu la première occasion de m’amuser depuis des lustres, alors j’ai pas réfléchi : je sais pas d’où ce geste m’est venu mais j’ai naturellement fait passer une liane entre mes cuisses pour la tenir comme si elle sortait de mon entre-jambes, et donné deux grand coups de fouet aller-retour avec ça dans la gueule de l’instructeur qui en perdit l’équilibre. Il s’est écrasé en plein sur sa fleur.

‘’MAH. FUCKING. BOY !’’

Le type s’est relevé en m’envoyant son nuage de spores à la gueule. Ça picotait mais ici on fait le travail à la main monsieur, je suis alors allé caler la mienne sur sa tronche pour lui transférer directement des spores par contact physique, et… Et il s’est effondré.
Je ressentais encore son énergie vitale donc il n’était pas mort mais il avait douillé, j’imaginais pas autant. J’avais oublié que l’instructeur était un vieillard, il approchait de ses 2300 bougies le gonze, et il était également un des Kaelyns les plus respectés et vénérés qui soient. Et je viens de le mettre aux portes de la mort. Pendant que tout le monde accourait sur lui, j’ai glissé un p’tit ‘’Faut qu’on se casse’’ à l’oreille de l’étranger.

‘’Ah hop hop hop, j’ai traversé les Univers pour les légendaires grains de café Kaels, tu crois que je vais me casser avant de les avoir trouvés juste parce trois herbes à chat et un géranium veulent ma peau ? Tu me montres où ils sont et seulement après on se casse de ce monde ensembles’’
 
Ce qu’il avait pas calculé c’est que les petits géraniums y’en avait des dizaines de milliers ici.
Après beaucoup de galopade dans tous les sens on a enfin pu s’arracher. J’apprendrai plus tard que ce type, Golias, est un Oiseau Voyageur : un être rare capable de voyager sans la moindre limite. M’enfin il a son caractère et après quelques aventures ensembles il m’a largué au milieu de nulle part. Je trouverai le moyen de le retrouver et de lui faire gober 2-3 lianes lui.