75 Avenue Gilean

”T’es sûre de ton coup là ?"

”J’sais ce que je fais. Faut que juste que j’me… calme."

Le vendeur haussa des épaules face à la commande de la Gorgone qui généralement venait dans son Antre que pour chercher de la despe. Cette soudaine commande de Vodka l’inquiétait légèrement, mais il n’avait pas à empêcher les autres de se sarsouiller. Des cernes s’étaient calé sous ses yeux, comme sous ceux de Stheno et de tous ceux qui avaient un coeur pour la planète meurtrie. Il avait vu défilé de futurs alcooliques depuis plusieurs jours. Au moins, ça faisait remonter les chiffres d’affaires, là il y a pas photo. Mais lui il se sentait mal de lui vendre ça, et elle se sentait mal de choisir cette option de facilité. Sa peau lui semblait plus sèche que le désert aride de Héra sur lequel elle avait posé les pieds toute la journée d’hier. Malgré sa transformation en sushi roll toute la soirée, elle n’avait pas réussi à dormir. Aucun traumatisme véritable. C’était pas Beelax qui l’avait inquiété, ou l’assassin à la figure atypique. Non, c’était juste… tous ces chocs qui lui arrivaient dans la gueule et tous ces cons qui cherchaient à dire qu’ils étaient des sauveurs ou des gardiens et qui passaient en permanence à la télévision et à la radio. Elle avait des Zénies dans la poche, et donc du temps à perdre. Il y avait des loups ici qui chialaient et qui répétaient ce qu’était la république et la liberté, et des faux humanitaires avec leur égo plus gonflés que des airbags. C’était des claymores prêtes à exploser. Elle quitta bientôt le supermarché, un sac en plastique contenant quelques sachets de bouffe en tout genre ainsi que Breath of the Wild dans la main gauche et la bouteille d’alcool fort dans l’autre.

Qu’est-ce qu’elle foutait ?... Mais qu’est-ce qu’elle foutait ?!

Elle s’élança soudainement, comme pour la jeter au loin… jusqu’à ce qu’elle se souvienne qu’elle avait dépensé une bonne quinzaine sur cette bouteille. Bon, au moins, avec quelques fraises tagadas à décanter à l’intérieur et deux trois potes autour de Tekken ça devrait devenir utile. Jamais eu besoin d’alcool pour s’en sortir auparavant, et c’est pas aujourd’hui que ça commencerait ! Allez, des écouteurs dans les oreilles et une playlist sur le portable et on est bon ! Mais encore une fois, pour changer, cela fut interrompu par un autre gugusse cherchant à informer des gens du statut de la Terre. Mais ce mec là était un peu différent. Il ne savait pas parler, de une. De deux, il mentionnait un morceau de bombe qu’il avait trouvé dans la gare, sur un explosif enterré depuis longtemps. Et d’une certaine manière, Stheno parvint à se sentir rassurée.

”’Tain, j’avais raison. J’avais raison ! C’était des trucs de SK à la base, toute cette merde !"

Le speech maladroit continua dans ses tympans jusqu’à ce qu’elle arrive enfin devant sa piaule, et s’arrêta au moment où elle venait finir de stocker ses viandes et produits laitiers dans le frigo. C’était un dialogue improvisé, ça se sentait à plusieurs centaines de kilomètres. M’enfin c’était bien beau de dire “aidez les pauvres types qui ont plus leurs planètes”, mais Stheno avait pas grand chose. Son appart était déjà plein avec une seule personne, et sacrifier son soudain gain financier pour pouvoir parvenir à offrir une stabilité à quelqu’un ? Ouais, et puis, un repas c’est éphémère. Les clodos survivront une nuit de plus… Non. Non, non, non, non, non, tu t’entends penser là ? Tu critiques en permanence les riches et t’as l’occasion de servir à petite échelle en dehors de ton tabassage quotidien d’un bandit. Ouais et sinon ta gueule le serpent, parce qu’elle aussi elle avait le droit de vivre dans le luxe pendant un petit moment. Ah, bien ! Bien l'hypocrisie ! Tu quittes la demeure familiale alors que papa peut tout te payer et après tu te plains de pas avoir de thune à cause des lobbies puis quand toi tu peux aider des gens tu veux pas ?

Et Stheno ne sut pas trop quoi répondre contre cette conscience qui lui fixait droit dans les yeux. Ah, il cassait les couilles à s’enrouler autour de son égocentrisme et à l’étrangler comme un boa ! Il lui brisait les ovaires à avoir raison. Alors elle ne fit juste que le regarder très, très méchamment, le temps de se trouver un argument qu’elle pourrait utiliser dans ce débat avec le reptile qui lui servait de mèche. C’est alors qu’un autre lui mordit l’oreille un instant pour avoir son attention, lui retirant un couinement assez ridicule. Elle tourna l’oeil dans la direction de celui qui venait de casser sa bataille mentale avec son cheveu, et la petite bébête pointa le… museau ? Nez ? Nez. Elle pointa le nez vers la vaisselle datant de trois jours, les poubelles excessivement remplies et la poussière sur le reste de sa barraque. Avoir un coloc pour faire les tâches ménagères quand elle était occupée par la mission du jour lui ferait du bien... Ouais. Ouais, ouais, ouais, ouaip. Lui aussi il avait raison.

Elle s’affala contre son canapé avec la puissance d’une météorite, s’enfonçant entre les coussins comme pour y faire ses racines. Elle pouvait faire dormir quelqu’un sur son canapé et avait une aise financière temporaire qui pouvait lui permettre de nourrir plusieurs personnes pendant quelques mois. Adieu les réparations du scooter, par contre, ainsi que les soldes Steam. Rebonjour Pirate Bay et les files d’attente dans les bases de lancement. Mais genre, une seule personne parmi des centaines de milliers de terriens, sans qu’il y ait de véritable ONG centrée sur ça ? Pas sûrs que les conventions de droits sapiens soient d’accord pour laisser filer une version organisée comme Tinder. “Choisissez votre réfugié.” Imaginer ça avec la voix robotique d’un insistant d’ordinateur la fit souffler du nez un instant. Bon, très bien, si l’occasion passe, elle tentera de loger quelqu’un. Ce serait cool de se trouver une nouvelle pote en vrai. Mais ce sera pas dans ses priorités. Faudra ctrl suppr quelques folders avant ça d’ailleurs.

En attendant, go tester Breath of the Wild !