Le silence de la forêt

Et si ils trouvaient leur réponse dans la jeunesse ? Minerva et Ilo étaient proches du but, leur piste la plus chaude les amena à traverser la forêt de nuit pour rejoindre le camp, où ils espéraient trouver un groupe de jeunes Moojuus et leur fameux « réseau ». Tout ceci était bien mystérieux. Le vieillard aimait bien cela, ça rendait cette histoire un peu plus passionnante, il espérait en revanche que leur présence n'allait pas leur causer des ennuis.

La nuit était silencieuse par ici mais pour une fois leur aventure était accompagnée par les chants des hiboux. Les oreilles d'Ilo bougeaient en les entendant, il avait l'habitude de voyager à travers divers paysages et gardait toujours ses sens en éveil car il ne savait jamais ce qu'il allait trouver sur son chemin. Ils arrivèrent enfin jusqu'à la frontière et se retrouvèrent devant la barrière. Minerva proposa de passer devant. D'habitude c'était plutôt le panda roux qui se chargeait des galanteries mais il apprécia le geste de la chercheuse, qu'il remercia d'un hochement de tête. Pour être plus agile il laissa le parapluie qu'il avait confectionné à la jeune femme : elle en aurait besoin et il aurait du mal à passer la barrière avec un tel objet en mains. Il l'écouta ensuite et lui répondit d'un air amusé.

"Haha ! Je vous fais confiance, gâteau au pas. Suivons vôtre instinct."

La jeune femme tenta ensuite quelque chose en faisant un « chut » assez long, sous le regard interrogatif de l'animal, qui bougea les oreilles en entendant le souffle de Minerva. Quelques secondes passèrent puis... Le portail s'ouvrit ! Surpris, le Moojuu resta passif à cet instant, c'était le moment rêvé pour le surprendre encore plus et lui monter dessus !

"Eh... ! Mais... !"

Ils passèrent ainsi, Minerva chevauchant le panda roux tel un cheval de course. Bon, le vieillard allait bien moins vite mais il était capable de porter quelqu'un sur son dos, il n'était pas encore prêt d'être mis en maison de retraite ! Il fit plusieurs pas avant qu'elle ne descende. Visiblement son astuce avait fonctionné. Elle descendit de son dos avant de montrer sa satisfaction en levant les bras. Il lui sourit simplement.

"J'espère que vous avez apprécié le voyage héhé ! En tout cas votre intuition était la bonne."

Ils ne tardèrent pas à continuer leur route, après tout ils n'étaient pas vraiment autorisés à venir par ici alors il ne valait mieux pas traîner et aller directement là où ils voulaient. Ilo se contenta de suivre Minerva, tout deux guidés par la carte qu'elle transportait. Ils arrivèrent près d'une cabane et les détritus disséminés un peu partout en bas laissaient à penser qu'il y avait de la vie par ici... Enfin c'était un détail assez mineur puisqu'on pouvait entendre d'ici les gamins s'amuser, ce qui ne pouvait pas vraiment échapper à l'ouïe très développée d'Ilo. Minerva se proposa rapidement de monter la première, et le panda roux n'eut pas vraiment le temps d'éventuellement contester.

"OK... Euh... Et bien je vais monter la garde."

Il l'a laissa faire et s'éloigna un peu. La cabane en hauteur était une installation typique des Moojuus, alors il ne fut pas étonné que des jeunes gens de son espèce vivent ainsi. Toutefois il se demandait si ces adolescents vivaient tout le temps ici où si c'était juste une planque pour qu'ils puissent s'y retrouver. Leur famille devait peut-être parfois les chercher... Ilo marcha dans l'herbe alors que la pluie avait cessé depuis quelques minutes. En fait elle continuait légèrement de tomber à petites gouttes espacés, rien de bien gênant. Ceci permit au vieillard d'y voir un peu plus clair. Il semblerait que pour l'instant personne n'ait remarqué leur présence ici, mais est-ce que ça allait durer ?

Soudain, Ilo entendit des cris : on l'appelait. Visiblement le gamin avait remarqué qu'il n'était plus tout jeune. Était-ce si évident ? Le vieillard rebroussa donc chemin et regarda qui s'adressait à lui. Vu sa façon de parler il n'avait pas l'air menaçant donc tout devait bien aller pour Minerva. Ilo sauta et s’agrippa à une branche avant d'arriver jusqu'à l'entrée de la cabane, puis entra à l'intérieur. Aussitôt bombardé par les questions des garnements, le vieux Moojuu leur répondit naturellement. Il s'en sortait plutôt bien malgré son âge. Toutefois il était certain qu'il avait un peu un décalage, d'autant que ces enfants avaient vécus non seulement à une autre époque mais avec la culture terrienne, auquel Ilo n'était pas habitué. D'ailleurs en voyant leurs consoles et leurs jeux il ne comprit pas à quoi ils jouaient. Il avait imaginé qu'il s'agissait de jeux par intuition mais se serait retrouvé bien perdu s'il avait dû se retrouver manettes en mains. Heureusement il n'était pas là pour ça et ce n'était pas l'intention de ces jeunes gens que de le faire jouer. De son côté Minerva semblait s'être mise au troc avec l'une des membres du groupe. Cela voulait donc dire qu'elle avait trouvé ce qu'elle cherchait ? Probablement. Ces jeunes avaient soif de connaissance et le vieillard accepta de leur raconter quelques histoires.  C'était la condition apparemment pour céder la sonate, alors il se prêta au jeu. A vrai dire, il répéta à peu près ce qu'il avait déjà dit à Minerva, développant surtout le côté histoire et religions, sachant que Moebius avait probablement impacté leur culture ici puisqu'ils avaient retrouvé des statuettes. Ainsi ils en savaient plus sur le mystérieux personnage en question.

Tout à coup, alors que le récit avait bien avancé, du bruit à l'extérieur interpella Ilo, qui s'arrêta dans son histoire, il se leva et regarda au loin alors qu'il s'était remit à pleuvoir des cordes. Mais ce n'était pas le temps qui inquiétait le vieillard, mais bien la présence de plusieurs personnes venant par ici. Il les entendait et sentait leur énergie par ici, il fit alors signe aux autres de se calmer. Le panda roux s'approcha de la fenêtre et pouvait un peu les distinguer au loin, ils y avait encore un peu de temps pour qu'ils arrivent. Ilo se tourna alors vers Minerva.

"Minerva, vous devriez sortir par l'autre côté, je vais aller dans la direction opposée pour faire diversion. Quant à vous les enfants, continuez à faire ce que vous avez l'habitude de faire, si vous donnez la sonate à Minerva je vous promets de vous raconter la suite un peu plus tard... Je vous en ai déjà dis beaucoup héhé ! Alors soyez gentils !" Il leur fit un clin d’œil, puis allait sortir de la cabane d'un saut par la fenêtre, mais il se stoppa et regarda la chercheuse pour lui dire quelques mots avant de partir."Si nous ne nous revoyons pas, sachez que ce fut un plaisir, Minerva !"

Puis il sauta pour aller à l'encontre des Moojuus qui venaient dans leur direction. Ainsi ils penseraient sans doute que c'était lui l'intrus et Ilo leur raconterait qu'il est venu seul. Minerva pouvait donc s'échapper avec plus de sécurité. Ils étaient encore trop loin pour sentir son odeur, et avec la pluie il était plus difficile de la repérer. Quant à la récompense ? En vérité Ilo n'en avait pas besoin, une nouvelle rencontre et une aventure suffisait à son bonheur. Il espérait maintenant que sa partenaire dans cette histoire puisse s'en tirer sans soucis, mais il avait confiance, elle était pleine de ressources.

Minerva s’était posée à petite distance d’Haya, pour être sûre de pouvoir faire l’échange rapidement à la moindre occasion. Elle ne voulait cependant pas obliger la jeune moojuu et lui faire peur, et opta donc pour un visage sympathique. Ils écoutèrent Ilo qui, bien qu’assailli de questions sur son grand récit, continuait à conter de vieilles histoires sans bouger. Il n’y a pas à dire, l’ancêtre avait un don pour raconter les vieilles légendes, on aurait même dit qu’il en avait vécu certaines.
 
Les jeunes enfants l’écoutaient avec passion, bien que certains faisaient la moue. Ils avaient l’air « contrariés », ou du moins agacés par certains passages des histoires d’Ilo. Minerva ne connaissait que très peu l’histoire Moojuu, mais Ilo avait l’air de conter des choses que certains avaient envie de réfuter. Après tout, ils étaient imprégnés de la culture humaine, peut-être que celle-ci avait eu un impact ? Tandis qu’elle s’interrogeait, la femme tourna son regard vers Haya. Celle-ci était drôlement concentrée sur la bouche d’Ilo. C’est comme si elle buvait ses paroles. Comme si elle les analysait. C’est à ce moment-là que Minerva remarque que dans les yeux d’Haya, une lueur tournait légèrement. Peut-être utilisait-elle ses pouvoirs ? Elle n’osa pas déranger la petite chercheuse.
 
 
Alors qu’ils écoutaient le récit d’Ilo, celui-ci s’arrêta net. Haya arrêta instantanément son pouvoir et leva la tête alors qu’Ilo commençait à regarder au loin. Alors que les autres Moojuus commencèrent à paniquer, la voix calme d’Ilo les rassura. Ils décidèrent de rassembler leurs affaires en catastrophe et d’éteindre la lumière et l’électricité.
Minerva resta près de la moojuu chercheuse. Alors qu’Ilo lui faisait ses adieux, un peu trop rapides à son goût, elle se tourna frénétiquement vers la gamine.
« Ma belle, le temps presse… »
 
Pourtant, Haya, dans toute cette agitation, semblait très calme. Elle se gratta le nez et chercha dans un de ses sacs, une toute petite capsule.
 
« Le kit en premier, annonça la moojuu avec un air dominant.
- B… Bien sûr. Le voici, fit Minerva en tendant la main. »
 
Haya s’empara de la capsule et l’ouvrit pour regarder ses trouvailles. Elle prit le rouge à lèvres qu’elle regarda sous tous les angles. Haya prenait décidément trop son temps, ce qui agaçait la shinigami.
 
« Haya, c’est à toi maintenant. » dit-elle, un peu excédée du comportement de l’adolescence.
 
Minerva n’était pas spécialement bonne pour parler avec les enfants, mais encore moins avec les adolescents. Ce genre de comportement lui rappelait ceux de sa contrée natale, qui jouaient avec la vie et la mort un peu trop facilement.
Au loin, ils entendaient des Moojuus se rapprocher rapidement, et parler avec quelqu’un. Le groupe du réseau, toujours dans la cabane, demandait également à Haya de se presser.
C’est d’un coup qu’elle se réveilla, quand Rubens la poussa en rangeant une manette.
 
« Hein, quoi ? » dit-elle, un peu sonnée. « Ah oui. »
 
La jeune femelle se dirigea vers un des deux gros sacs. Elle chercha pendant une très longue minute, où ils entendaient une voix se rapprocher en criant les noms des enfants.
« Dépêche-toi ! souffla Rubens tandis que Haya semblait enfin déstabilisée par ce qui se passait.
- Oui, oui, me presse pas ! grogna-t-elle. »
 
Elle sortit une toute petite capsule de la taille d’un doigt. Dessus, il y avait marqué « My Scientist Romance ».
 
« Voilà, tiens, ton truc ! La sonate est dedans, je l’ai cachée avec mes CDs.
- Merci, Haya, expira Minerva en tenant fort la main d’Haya.
- Vas-y, lâche-moi ! »
 
Haya semblait très gênée du contact créé par l’adulte et détourna le regard. Etait-elle impressionnée par Minerva ou était-ce la première fois qu’elle touchait quelqu’un de non Moojuu ? Minerva n’eut pas le temps de bavarder à ce sujet, rassembla ses affaires, et se mit sur une branche de l’arbre de l’autre côté où s’entendaient les cris. Elle fit un rapide signe aux Moojuus qui eux, partaient dans une autre direction, avant de sombrer dans la nuit.
 
 
Dans la nuit, il était moins aisé de se mouvoir, mais Minerva avait ses lunettes de nuit sur la tête. Elle était retournée dans la piaule de Solo. Ici, les Moojuus ne la suivraient pas. Elle serait partie avant l’aube.
 
 
C’était le petit matin. Solo se réveilla, comme tous les jours, à la même heure. Son instinct de bon garde lui faisait sentir que quelque chose s’était passé cette nuit. Mais étrangement, Solo n’avait pas envie d’intervenir. Il se gratta la tête et alla faire du café spécial matin solitaire. Comme chaque matin, Solo reniflait l’air pur avant le lever total du soleil. C’était agréable. Le moojuu regarda son petit réchaud s’allumer lentement et chercha son café. Il se gratta la tête, renifla et éternua très fort.
Lorsqu’il releva la tête, quelqu’un était devant lui. Solo plissa ses tout petits yeux et renifla. Il semblait habitué à voir cette personne.
« Alors, gardien, que s’est-il passé ?
- Oh ben… un itinérant, l’est parti.
- C’est tout ?
- Oui. »
 
Le mâle en face de lui grogna. Il sentait une autre odeur, mais ne savait pas ce que c’était.
 

« On a croisé un Moojuu d’une autre tribu.
- Ben oui, c’est lui.
- Ah bon… »
 
Solo préparait son café sans se soucier de son supérieur. Le mâle avait beau faire l’alpha, il n’intimidait pas Solo.
 
« Du muguet… » soupira son chef.
Le gardien ne fit pas attention aux paroles de son interlocuteur et prit son café. Celui-ci partit.
 
Solo se retrouva seul. Il fit une toilette rapide, et partit inspecter les lieux, comme toujours.