Rappel à l'ordre pour la Terre ! Le Jour du Démon ! [Libre]

Kazoo avait écouté le discours du roi démon avec assiduité. Ce dernier était une somme de surprenantes contradictions maintenues par un égo démesuré, mais aussi une indéniable détermination. Affirmations prétentieuses, promesses et malédictions proférées sans aucune certitude de pouvoir les réaliser... Et pourtant, derrière cette vanité se cachaient des connaissances, un esprit critique, et un talent d'orateur.
Le jeune Namek ne prétendait pas pouvoir lire son aîné. Malgré leurs similitudes, il y avait toujours un fossé moral entre eux que Kazoo ne pourrait-
souhaitait pas franchir.

Aussi comptait-il refuser l'offre. Ou plutôt, y ajouter sa propre condition, non des moindres:
"Mon rôle?..." Des images de sa planète natale lui revinrent, celle qu'il avait quittée il y a maintenant plusieurs mois dans le but d'y revenir formé et transformé pour changer les choses. Oui, le petit guerrier connaissait son objectif: devenir gardien, le Kami de son propre monde.
"Je sais ce que je cherche. C'est pour assumer un tel manteau que je suis venu sur Terre, quérir l'enseignement du légendaire Piccolo. Mais, vous voilà deux à pouvoir légitimement revendiquer ce nom, sa signification, et son histoire. J'y vois là une chance unique de voir lequel de vos chemins est le plus digne d'être suivi. De mon point de vue, il y a un moyen très simple de décider."

Trouver le plus fort, celui qui détenait les clefs pour frapper d'effroi nul autre que le tyran Freezer... La méthode pouvait s'avérer discutable, certes, car laisser l’être maléfique partir signifiait condamner de nombreuses âmes innocentes à un trépas certain.
Mais la Terre a ses héros. Namek... Namek n'a rien sinon un lourd tribu payé à travers les âges. Ses enfants ne savent plus vers qui se tourner pour s'élever en sauveurs, et les mots "fluide comme l’eau, rapide comme la lumière" ne sonnent guère plus que comme une fable du clan des guerriers.

Namek a besoin de résultats, même si ces derniers doivent être inscrits dans le sang.
Un sourire mauvais se dessina sur le visage de Kazoo. Il énonça alors son défi, froidement, trahissant par là un détachement morbide vis-à-vis du résultat:
"Celui qui vaincra l'autre."

Le roi démon était fort, certes, mais le petit guerrier pouvait affirmer que son premier mentor demeurait pour l'instant intouchable. Si son interlocuteur prétendait devenir le maître de la Terre, et que son culte de la haine triompherait, alors qu'il le prouve, ou meurt en essayant.
"Oui, ça me paraît parfait."
 

---

Le jeune extra-terrestre reprit sa mine impassible avant de continuer. Il était maintenant grand temps de clore cette conversation insolite:
"Je vous conseille de partir, vous et votre-" Il peinait à qualifier ses grotesques cousins tout en restant neutre. Dans son état actuel, il n'avait plus aucune sympathie pour eux. "...progéniture. Cette planète a de puissants héros, il serait dommage qu'ils vous écrasent maintenant. Vous avez encore fort à faire, et moi aussi."

Au fur et à mesure qu'il approcha de la fin de son intervention, sa voix se chargea de tension, un effort de contenance. De petits tics venant tordre par touches éparses les traits tendus du petit Namek, comme des fissures venant lentement mais sûrement recouvrir un masque d’argile.

Vous m'avez inspiré, roi démon d'un autre monde.

Bientôt, Kazoo devrait relâcher toute la pression contenue en lui. Il redoutait déjà la fracture que cela causerait à son cœur, à ses tripes... La douleur cinglante de la défaite, la perte de repère, la remise en question. Douleur aussi bien physique que mentale, dont il serait difficile de guérir.
Mais il ne pouvait compter que sur son être entier pour traverser cette épreuve, pas juste la fraction de potentiel maintenue à grande peine qui guidait ses présentes pensées. Savoir à quoi s'attendre n'était peut-être pas ce qu'elle aurait souhaité... Même si les souvenirs de cet échange s'évanouiraient bientôt, la faculté de les rationaliser disparaîtrait aussi avec eux.
En fin de compte, de retour dans le tout, elle serait exposée au tourment comme le reste.
Et si son instigateur persistait jusqu’au réveil, cela sonnerait leur destruction mutuelle.

Il ne me faut rien lâcher. Il n'est pas insensé de viser ce qui semble impossible, pour peu qu'on se donne les moyens d'y parvenir.

---

Un peu plus de deux ans et un anniversaire:

Une goutte de sang violet s'échappa d'une narine, coulant sur l'épiderme vert encore foncé et arrêtée de justesse par un revers de main avant d'atteindre la bouche. Mais les souvenirs eux, continuaient à s'échapper. Nulle poigne capable de les retenir alors qu'ils perdaient en substance, cohésion, sens... Tel un rêve qui serait oublié au réveil.

"Enfin..."

---

Kazoo revint brusquement à lui, tiré d'une torpeur artificielle. Immédiatement, sa respiration s'accéléra. Son coeur se mit à battre la chamade. Sa peau brûlée par endroit et un profond mal de crâne le lançaient... Tous ces symptômes mis bout-à-bout venaient confirmer sa situation.

Il était encore bien vivant.

"Où!?" S'exclama le petit guerrier, raccrochant les wagons jusqu'à cette terrible vague d'énergie qui s'était abbatue sur lui.
"Où es-tu!?" Il continua de plus belle. Il avait résisté à l'assaut. Il s'était relevé! Alors pourquoi son ennemi n'était-il plus là?!
"PICCOLO!!" Hurla-t-il dans un mélange de rage et d'incompréhension.

Mais peu à peu, l'examen des lieus lui révéla que plusieurs secondes, peut-être même plusieurs dizaines d'entre elles, s'étaient écoulées. Nul nuage de poussière autre que ceux soulevés par le vent. Nul écho de combat, rien que le silence des fantômes.
Je- Qu'est-ce qui s'est passé...? Même en se concentrant pour lire une quelconque trace d'énergie, rien ne lui parvenait. Le prétendu roi démon et ses cousins dégénérés avaient purement et simplement disparu.
Non- C'est pas possible... Je n'ai quand même pas...? Est-ce qu'il avait perdu? Non. Il était encore debout après tout! Mais alors, qu'est-ce qui s'était passé?
C'était infiniment difficile de ne pas savoir, de ne pas avoir le moindre indice sur la réalité des événements. Même si au fond, Kazoo savait...

D'une manière où d'une autre, il avait échoué.

Cette perte de repère affecta un instant sa perception de la réalité. En plein vertige, il voyait... Imaginait... Hallucinait autour de lui une ville, des gens qu'il n'avait pas connu, tous cruellement sacrifiés sur un autel impie.
Et la silhouette du perpétrateur, si caractéristique... Les oreilles, les antennes, étaient dessinées par sa propre ombre maintenant distordue en un maléfique géant.

---

Au milieu des décombres, le jeune Namek vocalisa une promesse subconsciente:

"Je ne lâcherai rien..."

Immédiatement suivie d'une autre, spontanée et haineuse:

"Je te buterai, imposteur!"

suite: