[OBSERVATION] Pouvoir en jeu !

Les enfants baptisaient ce genre d'événements “Battle Royale”. Les adultes alcoolisés prenaient plaisir à utiliser “Mosh Pit” à la place. Mais il ne fallait être que très légèrement intelligent pour comprendre que l’on faisait tout simplement face à un bain de sang. Le sable de l’arène était devenue boue. Non, pire, marécage hideux. Les cadavres s’enfouissaient dans de la vase puante, se recouvrant de leur propre crasse comme des grenouilles hibernant. Mais c’était sans réveil que s’annonçait leur long repos. Les étoiles fonçaient sur les macaques volants, transformant chaque Wukong en Icare en l’espace d’un éclat rouge. Les cadavres tombaient comme des obus, s’enterraient comme des poilus entranchés. Les survivants éventraient des apparitions venues d’ailleurs. Le champ de bataille était à son apothéose. La plus sombre heure de l’espèce belliqueuse simiesque sonnait dans toutes les horloges. Comment cela pourrait-il empirer ?


Cachant le soleil couchant, une ligne de larges gorilles géants venait tacher le paysage. Des formes d'obsidienne ignorées par l’armageddon. La pluie de naines rouges s’écrasaient autour d’eux, frayant une route devant leurs pas. Certains tenaient derrières eux des lunettes artificielles, cachant la lumière de leurs corps épais pour éviter de donner un trop gros avantage à l’espèce en voie de disparition tout en bénéficiant de la douce clarté qu’annonçait l’évolution. D’autres se frottaient les mains à la vue de belles lumières allant dans le stade, leurs croupions caressés par l’éclat artificiel des artefacts transportés par leurs camarades. Nous voyons une autre ombre sur le museau de l’un d’entre eux. Notre regard s’améliore en un instant et nous nous sentons projeté comme par le zoom d’une caméra, le vent pressé contre nos oreilles, avant de nous arrêter devant lui. L’air est propulsé en avant par notre voyage et s’engouffre dans son manteau. Il s’approche du stade. Il va le bénir par sa présence.

Comme si un enfant venait de naître après des générations d’infertilité, le combat s’arrêtait autour de lui. On s’agenouillait après avoir fuit un projecitle pendant plusieurs minutes, ignorant ce dernier jusqu’à ce qu’il soit trop tard. La main du béni porteur simien se tendit pour laisser l’absolu génie du mal s’installer dans un escalier séparant les gradins. Le silence s’écrasa et s’étala tandis que ses bottes marquèrent à jamais l’importance de chacune des marches qu’il empruntait. Comme si le temps s’était arrêté, on ne pouvait plus entendre les mouches…

”Hé ! Continuez ! Faites comme si je n’étais pas là !”

Et le chaos recommença. Des Saiyen contre une autre espèce à l’apparence plutôt humaine. Amusant. Les gorilles géants s’installèrent loin du grand cercle de massacre, jouant avec leurs lunes comme si ce n’était que des ballons, groupés comme des véhicules garés. Le Baron marchait sans problème, son allure tranquille incorruptible par cette atmosphère. Mais après, c’était son domaine. Non, pas le sang et les morts. Cette anarchie incontournable qui baignait dans le mouvement de chacun des individus ici. Le statu quo de Végéta était brisé à jamais. Anéanti. Pulvérisé. De ses puissants doigts, il releva légèrement sa casquette en observant un de ces faux-hommes qui empêchait son intestin grêle de s’élancer hors de son ventre avec l’aide d’une épaulette.

”Dis-donc mon brave ! C’est ici que l’on fait combattre les coqs pour savoir quel crète portera la couronne ?”

“Oui, Baron. Mais notre grand maître et dieu Auros a dû s’absenter de son post d’arbitre et organisateur : l’un des participants a insulté son honneur ”

Un voile anthracite couvrit un cinquième des deux étoiles de jade, offrant au visage archidémoniaque une expression limitée en impression. Encore et toujours l’honneur...

”Je suppose donc qu’il n’est pas là.”

“Non, Baron. Un invité, le seigneur Freezer, lui affirma que leur cible était éloignée. Cette dernière porte le nom de Kopi. Il a pris l’apparence de l’ancien roi de Végéta, Broly, afin de...”

”Oh, non, non, non, non, non, je n’ai pas besoin de plus de détails sur ça. Où sont-ils, à présent ?”

“Sa majesté Auros a pris un portail ennemi pour se déplacer… Je ne sais où il se trouve à cause de son énergie divine… mais son acolyte se dirige vers le désert...”

”Et donc il se trouverait lui aussi dans ce désert… que l’on a traversé à l’instant afin de venir ici. C’est amusant… mais redondant. Très bien, soldat, tu peux à présent disposer.”

Le soldat cracha une bouffée de sang dans la direction opposée à son magnifique interlocuteur afin de ne pas salir les fantastiques bottes de l’archidémon, avant de sombrer immédiatement dans l’inconscience. Ses entrailles allaient finir par sortir et ses veines se videraient dans l’instant. Il allait mourir sans s’en rendre compte. Les doigts du baron caressèrent son diabolique menton.

”On ne fera pas le chemin arrière, ça c’est sûr. À un moment, j’ai la flemme de tourner en rond.”

Deux globes peints d’un vert clair et malicieux se tournèrent vers le bourbier ignoble qui auparavant était le centre d’une honorable arène. Il y avait un combat pour décider d’un roi. Ou d’une reine. Un homme à l’allure désabusée et expérimentée. Une femme jeune et naïve. Le premier avait l’air d’avoir vécu longtemps dans les rangs et d’avoir amassé des grades. Donc, il devait avoir la popularité qui allait avec. Donc, il risquait de rétablir un peu l’ordre s’il sortait vainqueur. Espérons que ce ne soit pas lui. Si c’était la fille, cependant, elle pourrait par sa stupidité juvénile se faire aisément emportée par le tumultueux raz-de-marée de responsabilités et de problèmes à jongler. Elle serait dégagée rapidement. Et puis les anarcho-primitivistes l’emporteraient.

”Ou je pourrais agir comme si j’étais un combattant depuis le début. Ils ont déjà l’air fatigué, après tout… Non, trop facile. Il faut se limiter un peu, tout de même.”

Il se laissa tomber en arrière pour s'asseoir sur un gradin et en faire une relique de son passage. À sa surprise, deux combattants avaient posé derrière lui un trône volé… on ne sait où. De son infinie gentillesse, il accepta le geste et laissa les deux misérables mortels reprendre leur course vers la mort. Surplombant le combat, son confortable siège digne d’un roi lui permettait d’avoir une vue d’ensemble sur la dernière ligne droite entre les deux guerriers.