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 Et alors, tu t'appelles Valentin ?

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Baron Mars Babel
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Démon
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MessageSujet: Et alors, tu t'appelles Valentin ?   Et alors, tu t'appelles Valentin ? ClockDim 14 Fév 2021 - 20:41


Je suis bien plus touché que je ne devrais l’être.

Quatorze février mille-vingt-et-un. Satan-City. Je ne sais pas quelle heure il est. Je ne me suis pas renseigné sur ça. Mon fusil est dans le sac à côté de moi sur le fauteuil. Le froid s’accumule dans le restaurant. J’entends des serveurs s’engueuler avec une mère célibataire. Du coin de l'œil, ses rides arrachent son maquillage exagéré. Sa mortalité est exacerbée par son égocentrisme. La poursuite du confort actuel la rend d’autant plus éphémère. J’ajoute une percussion monotone avec les doigts de ma main gauche. La table est ma batterie, mes ongles des baguettes. La vapeur sort de mon nez comme pour distraire mes yeux. Mes orbites sont centrées sur le petit écran qui tient dans ma paume gauche.

Un SMS m’annonce que je suis de nouveau célibataire.

Cela devait arriver, j’imagine. J’ai voulu jouer à la romance, sans le charisme de certains et la cruauté des autres. Une relation est coupée soudainement de façon dramatique. Un changement soudain. Je pourrais y trouver un antagoniste, dans tout ça. Je ne suis pas de ce genre. J’aime agir de façon plus mature que ça.

Je prend le sac et le mets sur mon épaule. Mon changement n’est pas l’écroulement de l’égo. Ce n’est pas la fierté sans fondements. Tout le monde s’attend à ce qu’il arrive. Tout le monde le voit venir. Le froid abandonne les postillons des engueulades derrière moi. J’ai laissé quelques billets sur ma table. Je ne sais pas si j’ai envie de paraître mystérieux ou si je me fais rattrapper par ma timidité. Je n’aurais pas la monnaie. J’ai déjà franchi la porte. J’ai peut-être trop payé pour une simple carafe de jus d’orange.

L'abri de bus est le même que d’habitude. Je dessine pour me remonter le moral. Un crayon à papier et un carnet. Je fais un jolie paysage. Je me débrouille pour jouer avec les ombres. Deux collines et un arbre, une infusion de lumière qui passe à travers le ciel gris. J’aurais pu ajouter des humains. Mais il y a déjà assez de gens dans le monde. Mieux valait ne pas polluer davantage l’horizon.

Le froid rentre dans le bus derrière moi. Comme un bon mortel je passe ma carte devant la boite lumineuse. Le vert annonce que j’ai accompli la tâche qu’il me fallait entreprendre afin d’accéder au transport. Je suis fatigué d’être verbose. La banalité et la simplicité semblent si enviables à mon romantisme introverti. Le mélodrame qui rejoint la solitude. Personne pour gifler et cesser les gémissements internes. Malgré mon statut, je me complais à me plaindre mentalement. Je ne pourrais parvenir à aligner plus de deux mots sur mes problèmes si quelqu’un me demandait de lui parler de mes problèmes.

J’aimerais être comme Mars, par moment. Avoir un narrateur qui me permettrait d’éviter de divaguer mes émotions. Ressembler à un cinglé à défaut d’avoir un point de vue extérieur. Je me sens toujours jugé quand je suis au centre de l’histoire. Le point de vue interne ne devrait être que le mien. Le bus m’a délaissé et ce sont mes pieds qui me mènent vers l’appartement.

Parfois je me demande s’il avait raison. Si fragmenter notre ordre établis aurait rendu les choses meilleures. Mais il est normal pour l’Archidémon de la fin de souhaiter l’arrêt, quand bien même il lui nuirait. Quand mon désir fait du mal à tant d’autres, je n’agis pas selon mon désir. Mes aventures ne me plaisent pas autant que les leurs. Il n’y a que de la projection. Le froid se glisse dans la serrure avant même que je n’ouvre la porte.

Je n’ai pas ravivé ma perception du temps, mais je pense qu’on est à présent trois minutes dans le futur. Andréa a la tête ouverte devant moi. Ses larmes se mélangent aux multiples jus de mortalité qui découlent de son crâne pilonné. Je suis maintenant officiellement célibataire.

J’en connais qui auraient aimé pleurer. D’autres auraient voulu rire. Je préfère le silence. Cela devait arriver. Je suis aussi morose qu’un adolescent après avoir découvert une injustice en cours d’histoire. Cela colle avec la personnalité que je me suis fait. Andréa n’avait pas de dettes. Elle était juste la fille d’une personne importante dans un duel de puissances politiques entre plusieurs mortels.

Je me suis fait le rôle d’un mercenaire mystérieux. Je me suis fait juste triste, maintenant. J’ai tissé son âme dans mon manteau. Une autre pour le voyage. Assis sur le fauteuil en face de la morte, je me suis remis à décortiquer des casse-têtes mélancoliques. Le deuil se représenta sous plusieurs formes, toutes ralentissant ma perception des secondes passant.

Quelque chose me cogna la tête. Ce fut presque assez pour me sortir de mon malaise. Un événement déclencheur crevant la bulle s’étant formé autour de moi. Je voyais une bille de jade rouler contre le sol. Je sais pertinemment à qui elle appartient. Un idiot venait de perdre son oeil dans une croisée des mondes.

 
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