Sujet: Un saut [solo et one shot]
Mer 29 Déc 2021 - 23:40
*Si je sautais dans le vide, y aurait-il quelqu'un pour me rattraper ?*
C'était ce que se demandait Alexandre, alors qu'il regardait la route, à cinquante mètres sous ses pieds. Ses pieds, eux, étaient posés sur le rebord du toit d'un immeuble, le maintenant debout, en équilibre, sans qu'il ne sache pour combien de temps encore. Le vertige allait-il le faire vaciller ? Une bourrasque de vent lui ferait-elle perdre l'équilibre ? Ou bien allait-il simplement être tenté par l'appel de la mort ?
*Parfois, j'aimerais mourir,
pour ne plus jamais avoir à souffrir.
Et dans la mort, j'aimerais revenir.
Sous forme spectrale, peut-être.
Pour compter les gens qui pleurent ma perte.
Mais je sais que je serais déçu.
Même dans la mort, je passerais inaperçu.*
Cela faisait des mois qu'il l'avait perdue. Mais malgré le temps qui passait, et qui passait, inlassablement, il ne parvenait pas à être en paix. Pas une journée ne passait sans qu'il ne pensât à elle. Leur relation ne fut pourtant pas très longue, mais qu'elle fut intense. De toute sa courte vie, elle avait été la personne dont il s'était senti le plus proche. La seule qui semblait pouvoir le comprendre. Était-ce vraiment le cas ou faisait-elle semblant ? Il n'en aurait jamais la réponse. Elle avait été sa confidente, son amie, sa camarade de jeu, sa partenaire de promenade, de débats et de longues discussions philosophiques et politiques. Son seul amour. Son monde. Et il aurait donné n'importe quoi pour pouvoir la revoir, ne serait-ce qu'une seule fois. Lui parler une dernière fois. Lui faire ses adieux. Lui dire à quel point il l'aimait, et à quel point il était désolé de n'avoir pas pu être, parfois, celui qu'il aurait voulu être à ses côtés. D'avoir été peureux dans les moments où il aurait dû être courageux. D'avoir été triste quand il devait lui apporter de la joie. Défaitiste dans les moments où il fallait de l'optimisme. Déraisonnable quand il devait faire face à ses propres pensées détestables.
Elle lui avait tant apporté, mais jamais il ne pourrait lui rendre la pareille.
Plus jamais ils ne se verraient.
Plus jamais ils ne se parleraient.
Plus jamais ils ne se promèneraient.
Plus jamais ils ne joueraient ensemble.
Et jamais il ne trouverait quelqu'un qui lui ressemble.
Plus jamais ils ne s'enlaceraient.
Plus jamais ils ne s'embrasseraient.
Plus jamais il ne la verrait sourire, et plus jamais ils ne pourraient rire.
Elle était partie à jamais. Emportée dans l'Au-delà. Victime d'un monstre cruel et insensible, qui avait détruit leurs vies, d'un simple battement de cil, pour satisfaire ses envies.
Il l'avait perdue, pour toujours. Son bonheur lui avait été arraché. Et l'espoir de le retrouver s'était étiolé.
Il était seul, désormais. Et son existence, insignifiante et futile, demeurait aussi éphémère et imperceptible que ses propres larmes diluées dans la pluie, qui s'abattait sur lui, ce soir-là, comme des torrents de malheurs, dans une tempête mélancolique.
On allait bientôt souhaiter la bonne année. La prochaine pourrait difficilement être pire que celle-ci. C'était déjà ce qu'il s'était dit l'an passé.
Il était encore temps de sauter.