L'innommable scrutateur

Aux premiers regards, Xigbar  est un solitaire sentimental accompli, un fêtard professionnel et un être aussi cynique qu’intrépide. Mais finalement, qu’était-il avant de tels apparats ? On ne le sait pas, impossible de remonter trop loin dans le passé. Néanmoins, il est possible de retracer certains des passages de sa vie d’adulte, en passant par la sortie de l’adolescence, semble-t-il.

La jeunesse de ce dernier n’était pas glorieuse : la vie d’un mercenaire perdu et dépravé. Sans repère, sans motivation, il luttait sans réel but dans le simple but de prolonger son existence, sans savoir pourquoi. Finalement, il s’agissait du commun de beaucoup de mortels de vivre en cherchant un horizon. Et en attendant d’obtenir cette révélation, il s'était mis à boire, à faire la fête, à aligner les déconvenues afin de se sentir vivant. Heureusement pour lui, la fougue d’une vie occupée lui faisait passer le temps, lui offrant l’excuse dont il avait besoin pour ne pas se remettre en question.

Mais le temps passant, il ne trouva aucune réponse, aucun but, il ne faisait que repousser l'échéance qu’il posait et reposait chaque fois plus loin. Ainsi, il vieillissait, gagnant ainsi une crainte qu’il n’avait pas vu venir : la peur de mourir. Cette soudaine tension le poussa à voyager encore davantage, traversant la galaxie à la recherche d’une stimulation supplantant à tout ce qu’il a pu expérimenter jusqu’à présent. Mais rien ne fut capable de le tirer de la torpeur maladive que lui infligeait sa courte vie, le plongeant par moment dans une profonde mélancolie.

Un jour, il fut contacté par un client particulier, un être qu’il n’aurait jamais pensé rencontrer et dont il ignorait encore à ce jour le nom exact. Après une longue discussion entre les deux hommes, un accord inédit fut trouvé : Xigbar accédait à l’immortalité tant qu’il travaillait pour ce demandeur. Aussitôt, le stress qui habitait le mercenaire s’évapora, il avait l’éternité devant lui pour mettre au clair la voie dictée par sa destinée. Cependant, le déplacement de l’échéance à une date indéterminée avait un effet pervers, un revers prévisible. Éternel, notre cher ami repoussait simplement de nouveau sa quête ; s’auto-convainquant qu’il avait toujours plus urgent à faire, qu’importe l’époque. Ce petit spectacle s’étala près de 240 ans.

Mais l’heure est venue de faire trembler le Monde.