Au plus haut des cieux [Oishi - Kale - Caulifla]

Même endommagé, le Palais était encore capable de voler. Il ne fallut que quelques instants pour qu'il traverse plusieurs milliers de kilomètres, nombre de terriens désorientés à son bord - en plus des protecteurs dévoués qui leur avaient permis de rester en vie. Si on lui avait dit qu'il serait un jour l'un de ceux-là il y a encore quelques années, Vegeta n'aurait trouvé qu'à en rire - et pourtant. Exténué, les vêtements déchiquetés, il se laissa tomber sur le dallage de la cour, luttant pour reprendre sa respiration.
À peine eut-il eu le temps de s'asseoir qu'une secousse ébranla la structure toute entière, indiquant non pas une nouvelle attaque, mais qu'il venait de retrouver sa place - de s'emboîter au sommet du bâton le liant à la Tour Karin. Au terme de cette procédure, tout était finalement à nouveau à sa place, même si les lieux auraient certainement besoin de quelques réparations - mais cela, le Saiyan s'en moquait : il estimait avoir assez donné.
Et personne ne pourrait dire le contraire.

Par chance, les Saiyans récupéraient extrêmement vite. S'il n'était - pour une fois - pas pressé de se lancer dans un nouveau combat, au moins redevint-il capable de se déplacer après seulement quelques minutes de répit.
Un haricot lui aurait sans doute facilité la vie à cet égard, mais s'ils devaient à nouveau se mesurer à de pareils adversaires dans un proche avenir, mieux valait les économiser pour éviter de se trouver encore une fois à en manquer lorsqu'ils en auraient le plus besoin. Kakarot ne pourrait-il pas en planter quelque part dans sa stupide ferme, plutôt que de compter sur le seul arbre dont ils disposaient actuellement ? Tant qu'à jouer les jardiniers, qu'il se rende utile, pour une fois.

S'efforçant de paraître plus assuré sur ses pieds qu'il ne l'était en vérité, il se mit à la recherche du serviteur qui - selon toute vraisemblance - avait permis leur repli stratégique. Il le trouva dans les couloirs du palais, occupé à passer le balais pour rassembler les gravats. Une étrange priorité, mais il était le mieux placé pour savoir comment entretenir le Palais de Dieu ; il le faisait depuis des milliers d'années.

« Certains de ces gens ont besoin de soins. » l'interpella Vegeta, faisant peu de cas du fait qu'il soit déjà occupé. « Où est Dendé ? »

Le Namek pouvait bien se charger de remettre sur pieds ceux qui en avaient besoin ; c'était la moindre des choses, s'il voulait montrer sa gratitude après avoir été secouru. À la mention du nom de son maître, le mystérieux génie se figea immédiatement, les mains sur le manche de son objet ménager. Son expression ne changea pas un seul instant ; le prince eut pourtant l'impression d'y percevoir de l'inquiétude.

« ...Le maître a besoin de se reposer. » Il releva la tête pour le regarder dans les yeux, sans jamais cligner des paupières - en possédait-il seulement ? Lui parler était toujours une dérangeante expérience, même pour le prince, qui continuait de se demander à ce jour ce qu'il était exactement. « Il a été frappé par le pouvoir maléfique de nos ennemis. Popo lui a donné de quoi le soigner, mais il ne reste plus beaucoup d'Eau Sacrée depuis la dernière fois. » Il leva un index boudiné devant lui. « Une gorgée. C'est tout ce que Popo a pu lui donner. »

« ...Qu'est-ce que c'est que ces histoires ? » s'agaça Vegeta. Quelle excuse Dendé avait trouvé pour se faire porter pâle ? Qu'il ne soit pas un combattant était une chose - et déjà une tare en soi à ses yeux - ; qu'il refuse d'aider dans ce qu'il était le seul à savoir faire sous prétexte qu'il était légèrement blessé était nettement plus irritant.

Remarquant que le regard du génie avait dévié vers la porte la plus proche - une pièce dont il ignorait la nature, n'ayant jamais pris la peine d'explorer le palais en-dehors des parties qui l'intéressaient -, le prince en conclut que le Namek devait se trouver à l'intérieur. Agrippant la poignée, il ouvrit la porte à la volée.

« Je ne sais pas ce que tu mijotes, mais tu vas me faire le plaisir de - hein ? »

La salle se révéla être une chambre spartiate, équipée du strict minimum. Mais si Dendé se trouvait bien à l'intérieur, son état était plus préoccupant que le ton monocorde de son laquais ne le laissait deviner. Prostré au sol plutôt que sur le lit - seul meuble entre ces murs -, le Dieu de la Terre était en train de se tordre de douleur, visiblement tiraillé par un mal invisible.
Malgré ses tourments, il finit par s'apercevoir que la porte avait été ouverte - et se jeta vers l'embrasure avec une vivacité étonnante, bien supérieure à celle que le prince lui avait toujours connu. Pris au dépourvu, celui-ci bascula en arrière dans une tentative maladroite d'esquiver une attaque à laquelle il ne s'attendait absolument pas.

Médusé, il eut alors la surprise de voir Popo apparaître devant lui pour s'interposer ; avec calme et fermeté, celui-ci agrippa les épaules de son agresseur pour le jeter à l'autre bout de la pièce, refermant la porte aussitôt après avant qu'il puisse tenter sa chance une nouvelle fois. Vegeta resta sans voix ; même lui qui connaissait Dendé depuis longtemps - bien qu'ils ne se soient pas rencontrés dans les meilleures circonstances - ne l'avait jamais vu dans un tel état. Il aurait été facile de le confondre avec un démon.

« Veuillez ne pas déranger le maître pendant qu'il récupère. » déclara-t-il avec placidité avant de se remettre à balayer, comme si de rien n'était.
Comme si Dieu n'était pas passé à l'ennemi.

Vegeta pesta, se remettant péniblement sur ses pieds - et s'en allant sans demander sans reste. Poursuivre la conversation n'aurait servi à rien. Aussi cryptique qu'il puisse être parfois, Mister Popo n'était pas homme - ou quoi qu'il puisse être - à cacher des informations pertinentes : s'il n'en disait rien de plus, c'était qu'il n'y avait rien de plus à savoir. Ils ne pouvaient qu'attendre, et espérer que son remède-miracle agisse comme il était censé le faire.
En attendant, la Terre pourrait aussi bien avoir été abandonnée par les cieux. Même en fuyant la queue entre les jambes, leurs ennemis avaient réussi à leur offrir un cadeau empoisonné. Cela ne rendait leur évasion que plus insupportable - d'autant qu'au-delà des difficultés que le fait d'être privé de Dieu pouvait créer pour la planète entière, Vegeta était aussi personnellement touché. Et pour cause : Dendé était le seul à savoir où il avait scellé ses pouvoirs. Ne lui avait-il pas spécifiquement demandé de le garder pour lui ?

Dans un accès de rage et de frustration, il encastra violemment son poing dans le mur le plus proche, l'y faisant disparaître jusqu'à l'avant-bras.
Malgré tous ses efforts, il n'arrivait pas à se défaire de l'impression que tout ça n'avait servi à rien : leurs ennemis leur avaient filé entre les doigts, et allaient désormais redoubler de prudence pour ne plus être pris en défaut de la même manière. Il aurait dû tuer Black tant qu'il avait l'occasion, sans se poser de questions. Peut-être qu'il n'aurait alors pas eu de moyen de pression pour négocier la libération du Dieu de la Terre, mais il aurait trouvé un autre moyen.
Qui sait s'il n'aurait pas simplement été relâché à la mort de ce gnome hideux qui l'avait emprisonné ? Vegeta n'était pas expert en magie - aujourd'hui encore, il n'avait que faire de ces ruses de pacotille -, mais en règle générale, le pouvoir exercé par quelqu'un avait tendance à disparaître à sa mort. Cette loi naturelle n'avait, pour autant qu'il sache, que très peu d'exceptions. Et même si ce n'avait pas été le cas, ils auraient pu trouver un autre moyen de l'en sortir - les Dragon Balls de Namek, par exemple.
Il y avait bien des choses qu'il aurait dû faire différemment, et plus il y songeait, plus il ne pouvait que constater ses erreurs. C'était à le rendre fou. De toute évidence, il n'y avait pas que ses méthodes de combat qui étaient à revoir. Même s'il n'avait certainement pas été aidé par le fait de devoir diriger une « équipe » créée sur le tas dont il connaissait à peine les membres, il aurait été hypocrite de sa part de tout leur mettre sur le dos. Bien entendu, sa fierté lui dictait de le faire - de réfuter toute responsabilité dans ce fiasco -, mais ce n'était pas ainsi qu'il pourrait finalement avancer.
Et comme pour ajouter l'insulte à la front, confronté à cet échec, il ne put s'empêcher de se demander ce que Kakarot aurait fait à sa place, s'il s'en serait mieux tiré ; c'était dire s'il avait du mal à le digérer.

« Qu'est-ce que tu veux ? » accueillit-il ainsi âprement sa protégée lorsqu'elle vint à sa rencontre, retirant la main des éclats de la paroi qu'il venait d'éventrer. Ça ne l'avait pas autant défoulé qu'espéré ; la stupeur, en revanche, lui fit brièvement oublier une partie de ses problèmes. « Et qu'est-ce que c'est que cet accoutrement ? »

S'excuser, voilà ce qu'elle voulait, apparemment. Pour toute réponse, le prince poussa un grognement de mécontentement. Si elle avait failli à sa mission, elle n'était pas seule dans ce cas, et passer sur elle sa mauvaise humeur n'aurait servi à rien. L'idée candide qu'ils « feraient mieux la prochaine fois » n'était pas faite pour lui, habitué aux enjeux extrêmes, aux questions de vie ou de mort : les compromis n'avaient pas leur place. Mais le mal était fait, qu'importe la manière dont il voudrait le percevoir. Plutôt que de ruminer, le mieux qu'il puisse faire était encore de se préparer à une inévitable contre-attaque. Peut-être qu'il avait échoué à les éliminer, mais lui aussi était encore en vie : il comptait bien le leur faire regretter.

« Nous aurions dû être mieux préparés. »

Inutile d'épiloguer : ils ne feraient que remuer le couteau dans la plaie. S'il avait pu lui arriver de se lancer à l'assaut sans réfléchir par le passé, cela lui avait rarement réussi. Il pouvait d'autant moins se le permettre qu'il n'avait pas encore retrouvé toutes ses forces - et ne risquait pas de le faire de sitôt. Devoir faire bonne figure devant sa subalterne l'aida à se recomposer un masque d'impassibilité. Croisant les bras, il ajouta durement :

« Tu vas devoir apprendre à maîtriser ta forme de Gorille Géant. Je ne perdrai pas mon temps à entraîner quelqu'un qui est incapable de se contrôler. »

Ce qui, certes, pouvait paraître menaçant - laisser entendre qu'il comptait se débarrasser d'elle, si elle ne remplissait pas ses attentes -, mais indiquait également son envie de la former, ce qui, jusqu'alors, ne faisait pas nécessairement partie du marché. Après tout, qu'elle se range sous ses ordres ne l'obligeait en aucun cas à veiller à ses progrès, même si ce serait dans leur intérêt. À supposer qu'ils réussissent à lever une armée, il n'aurait pas le luxe de s'occuper de chaque recrue ; être la première jouait à son avantage.
Mais pour recevoir ses enseignements, encore fallait-il s'en montrer digne. À défaut de Super Saiyan, cette transformation était son meilleur atout : la moindre des choses serait de faire en sorte qu'elle puisse l'utiliser correctement. À elle de voir comment elle comptait remplir cet objectif, pourvu qu'elle en soit capable. Même s'il l'avait souhaité, lui-même n'aurait pu lui en faire la démonstration, privé - amputé - du catalyseur de cette métamorphose depuis des années.
Avant qu'ils aient pu poursuivre cette conversation, les visages familiers des deux Saiyans d'un autre univers qui leur étaient venues en aide apparurent au loin ; de toute évidence, elles le cherchaient elles aussi.

« Je vois que vous vous en êtes tirées, finalement. » observa-t-il à l'approche d'une Caulifla claudiquante, sans doute encore épuisée par l'accès de rage qui avait fait d'elle une guerrière dorée. « Tant mieux. Je préfère ne pas avoir à trouver le moyen de renvoyer vos cadavres jusqu'à chez vous... »

Il ne s'inquiétait pas tant pour sa partenaire, qui, bien qu'apparemment incapable du même tour de force - sans cela, pourquoi s'en serait-elle abstenue ? -, avait fait montre d'une certaine aptitude au combat ; assez pour ne pas mourir bêtement contre du menu fretin. Par sa simple présence, elle l'incitait à rester sur ses gardes, même s'il tâchait de ne pas le montrer ; quelque chose à son sujet le dérangeait, sans qu'il sache exactement quoi. C'était peut-être juste la fatigue. Ainsi se concentra-t-il sur celle du duo qu'il connaissait déjà au préalable, fut-ce en piètres termes.

« Même si en ce qui te concerne, tu peux t'estimer heureuse que je sois arrivé à ce moment-là. Tu y réfléchiras à deux fois avant d'y aller seule, la prochaine fois. »

S'il y a une prochaine fois, aurait-il aimé ajouter - mais il y en aurait une ; cela ne faisait aucun doute.
Le Mal ne meurt jamais, il était bien placé pour le savoir.

Le plus étonnant dans toute cette histoire était peut-être encore la sincérité de Caulifla. Alors qu'elle essayait - piteusement - de se justifier, elle avait l'air d'avoir réellement voulu se rendre utile, par pure charité. Le prince devait admettre s'en étonner, l'altruisme ne faisant pas réellement partie de l'ADN de leur espèce.
À l'entendre, elle connaissait les risques - ou en avait au moins une vague idée - mais avait néanmoins choisi de se rendre sur place pour essayer d'aider. Pourquoi ? Qu'estimait-elle devoir à cette planète, pour justifier qu'elle ait été prête à prendre de tels risques ? Pour sa part, il lui avait fallu des années pour éprouver un semblant de gratitude envers ce triste monde.
Dans le cas de Caulifla, non seulement ce n'était pas le sien, mais il n'appartenait même pas à sa réalité ; à terme, sa destruction ne changeait rien à sa vie. Un acte aussi désintéressé de sa part n'avait aucun sens. Tout portait à croire que s'ils n'avaient pas les meilleurs rapports, elle s'entendrait à revanche à merveille avec Kakarot - et pour cela, il devrait veiller à ce que jamais ils ne se rencontrent. Sa santé mentale en dépendait.

« Je ne l'ai pas fait pour toi. Tâche de ne pas te faire prendre, la prochaine fois. »

Ce qui était sans doute ce qu'il pouvait dispenser de plus proche d'un conseil amical. La mégère elle-même n'avait à l'évidence pas l'intention de lui témoigner plus de respect, même maintenant qu'elle avait obtenu confirmation de son statut ; il ne voyait donc pas pourquoi il devrait en faire davantage. Au moment de se quitter, son regard s'attarda sur cette Kale qui l'accompagnait, qui refusait obstinément de la lâcher d'une semelle comme si sa vie en dépendait - et qui le regardait de travers, désormais.
Qu'avait-il bien pu faire, pour qu'elle fasse montre d'une telle animosité ? Aussi timorée qu'elle puisse sembler de prime abord, il lui semblait devoir s'en méfier, même si les circonstances les avaient mené à se battre côte à côte il y a de cela quelques instants. Enfin, qu'importe.

Ainsi se retrouvèrent-ils seuls une nouvelle fois, Oishi et lui - du moins autant qu'on pouvait l'être sur une plate-forme peuplée de miraculés transis d'épouvante. Vegeta ne connaissait pas l'exacte limite des pouvoirs de Dendé et de son serviteur, mais il espérait pour eux qu'ils soient en mesure d'effacer les mémoires - ou d'au moins faire en sorte qu'ils croient que tout ce qu'ils avaient vécu n'était qu'un rêve. Sans cela, ils auraient bien du mal à reprendre une vie normale. Enfin, cela ne dépendait plus de lui.

« Partons. Nous n'avons plus rien à faire ici. » déclara-t-il à sa protégée, laquelle semblait prendre à cœur ses directives - et déjà se préparer, ne serait-ce que psychologiquement, à entreprendre une tâche qui devait lui sembler insurmontable. Comme tous les membres de l'Élite, Vegeta avait bénéficié de facilité à cet égard, et ce dès son plus jeune âge : on avait mis à sa disposition les installations les plus évoluées et les meilleurs mentors.
Tous n'avaient pas eu cette chance - mais tous sans exception en avaient techniquement la capacité, pourvu qu'ils s'en donnent les moyens. À elle de voir comment elle allait relever ce premier défi. Préférant la laisser y réfléchir que de poursuivre la discussion, il se dirigea vers l'une des extrémités du palais, approchant la mer des nuages.

« Je vous laisse vous occuper des blessés. Ce n'est plus mon problème. » lança-t-il dans le vide par-dessus son épaule, supposant que le serviteur de Dieu l'entendrait d'une manière ou d'une autre - ou, dans le cas contraire, qu'il tirerait les conclusions qui s'imposent après avoir constaté que les rescapés étaient toujours là. De toute façon, si ces lieux avaient autrefois été interdits aux personnes indignes, ils avaient déjà accueilli l'essentiel de leur petite bande alors que Buu ravageait la Terre ; ils n'étaient plus à ça près.

Et après tout, s'ils étaient dans cet état, c'était bien parce que Dendé et son laquais avaient failli à leur travail. Le prince pensait en avoir assez fait, d'aucun qu'aucun d'entre eux n'était dans un état critique. À vrai dire, la plupart s'étaient très certainement blessés dans la panique au moment de reprendre conscience, entourés par une armée de démons, plus qu'ils n'avaient été personnellement torturés. Quoi qu'il en soit, ce n'étaient plus ses affaires. Il s'était assuré que tout le monde reste en vie, le reste n'était plus de son ressort - et c'était déjà du zèle de sa part. Où était Kakarot quand on avait besoin de lui ?

Laissant donc le palais de Dieu peuplé d'une multitude de terriens déboussolés, il s'éleva dans les airs et prit la direction de sa propre demeure. Il avait bien mérité un peu de repos. Au moins jusqu'à pouvoir finir ce qu'il avait commencé - et il s'assurerait que ce soit fait, qu'importe les moyens employés. Il s'en faisait le serment.