Inanna - L'enfer a un goût de paradis

L'eau s'était mise à crépiter depuis la pomme de douche. Inanna soupira d'aise lorsque le jet glacé buta contre son épiderme brûlant. Elle accrocha le pommeau en hauteur afin d'avoir les mains libres et se positionna sous le flot. Lorsque l'eau froide se mit à couler sur son visage après avoir ruisselé dans sa chevelure, un long frisson parcourut son échine. D'une main distraite, elle s'empara d'un de ces flacons de gel douche standards, offerts dans les hôtels, et en déversa le contenu nacré dans la paume de sa main gauche. Elle se frictionna longuement le corps avec, déposant une fine couche de mousse laiteuse sur ses chairs, le visage baissé pour contempler les dernières impuretés finir leurs jours dans la grille d'évacuation. Elle fit de même avec le shampoing, s’appliquant à astiquer ses longs cheveux d'ébène.

Elle resta longtemps sous la douche. Une demi-heure, peut-être, nue et immobile sous une eau glaciale. Ensuite, elle tourna le robinet pour éteindre le jet. Alors, elle essora sa chevelure puis ouvrit le rideau coulissant pour sortir de la cabine, sans se soucier de l'eau que son corps dégoulinant répandait sur le carrelage de la salle d'eau. Elle s'empara d'une serviette afin de sécher vaguement sa peau trempée, et la noua autour de son buste humide.

Cela fait, elle rejoignit la chambre. Il y régnait une atmosphère assez lourde, chargée d’une odeur de stupre et de fauve. D'épais rideaux étaient tirés sur les fenêtres. Ils ne masquaient toutefois pas totalement la lumière du jour, créant ainsi une ambiance tamisée. Sous les draps blancs du lit défait, s'étalait la masse informe d'un corps endormi. Elle se dirigea vers lui d'un pas serein. Quelques gouttes d'eau suintaient depuis sa chevelure, échouant sur le parquet d'acajou qui recouvrait le sol de la pièce.

Elle posa la main sur l’épaule de son amant endormi. Il ne réagit pas. Ses lèvres articulèrent un « oh » silencieux alors que ses doigts remontaient pour se placer dans le creux du cou, entre la trachée et le muscle. Elle y appliqua une légère pression. Après quelques secondes, elle retira la main en lâchant un ricanement. Elle souffla, d’un ton faussement désolé :

- La dernière fois aura été celle de trop, c’est dommage.

Inanna s’étira longuement tout en contemplant le cadavre, essayant de se remémorer à quel moment il était passé de vie à trépas. Elle dût se résigner à ne pas retrouver ce souvenir, son esprit ayant été embrouillé par une consommation d’abusive d’alcool. A moins que ce ne fût de drogue. Elle se déplaça dans la pièce, jusqu’à atteindre la porte-fenêtre qui donnait sur un balcon. En chemin, la serviette qui masquait sa nudité s’écroula. Elle la laissa tomber sans y prêter attention et tira les rideaux afin de faire entrer la clarté dans la chambre.

Elle esquissa quelques pas vers la table de chevet sur laquelle elle récupéra un paquet de cigarettes et un briquet. Elle en alluma une et la ficha entre ses lèvres. De retour à la fenêtre, elle l’ouvrit. Le tumulte de Satan-City, auparavant assourdi grâce au double-vitrage, inonda la pièce. Un courant d’air frais pénétra dans la chambre. Elle frissonna. Cette fraîcheur ne l’empêcha pas de se glisser dehors pour  y fumer, appuyant son buste contre la rambarde pour contempler l’agitation urbaine, en bas.

Plus tard, elle rentra pour se rhabiller. Elle ne s’attarda pas dans la chambre, laissant la fenêtre ouverte et le lit défait. Derrière elle, la porte claqua sèchement.  

Un vent timide vint faire bruisser le tissu des rideaux. Dehors, sur le balcon, traînait encore le mégot de la cigarette, consumée jusqu’au filtre.

Inanna est incontestablement une belle créature. Son apparence physique est l’une de ses armes les plus redoutables et elle en prend grand soin.

C’est une femme, de taille et de poids moyens, qui est pourvue d’une longue chevelure d’un noir de jais et dont la peau est si claire qu’on croirait de l’albâtre. Les traits de son visage sont fins et harmonieux, encore assez juvéniles. Ses grands yeux, dont les iris ont une couleur changeante allant du rouge nacarat au violet améthyste, en passant par le jaune d’or, sont surmontés de longs cils noirs recourbés qui papillonnent souvent dans une attitude charmeuse. Il y a toujours dans ses prunelles un éclat malicieux et malsain. De même, ses lèvres sont bien souvent ourlées d’un sourire carnassier.

Son corps est agréablement galbé et elle ne manque pas de se vêtir afin d’en mettre les courbes en valeur, affectionnant les vêtements moulants, transparents, courts et décolletés. Toutefois, elle a le bon goût de savoir doser, et sait se faire séduisante et affriolante sans jamais sombrer dans la vulgarité.

Lorsqu'elle se déplace, sa démarche altière et son port princier, toujours accompagnés d'un roulement de hanches maîtrisé, témoignent parfaitement de sa vanité et de son assurance.

Inanna est absolument immorale. Elle aime transgresser les règles et ne respecte pas grand-chose, ni grand monde. Elle agit principalement dans son intérêt et cherche avant tout à combler ses propres désirs, obéissant sans hésiter à ses impulsions. Elle ne paraît pas sensible aux regrets ni aux remords. Fantaisiste et provocatrice, elle ne paraît pas avoir de limites, ni connaître la peur. Ainsi, elle entretient un rapport ambigu avec la douleur, étant à la fois sadique et masochiste.

Elle semble incapable de s’attacher à qui que ce soit, et n’est donc pas digne de confiance. Au fond, c’est une solitaire qui place sa liberté et son indépendance au-dessus de tout. Son principal objectif est en fait de tromper l’ennui, qu’elle considère comme son principal adversaire. Elle se lasse vite et cherche donc de l’amusement de façon perpétuelle, n’étant pas capable de prendre quelque chose au sérieux. Elle laisse aux autres les grandes ambitions.

Intelligente et spirituelle, elle utilise aussi sa finesse d’esprit pour charmer. Cela constitue parfois une arme bien plus ravageuse que sa beauté. Elle est manipulatrice et aime tourner son interlocuteur en dérision, n’hésitant pas pour cela à appuyer sur les cordes sensibles. Toutefois, elle sait apprécier lorsqu’il y a du répondant en face.

Au final, elle considère le monde comme un jeu, mis à sa disposition pour la divertir. Cela fait d'elle une personne égoïste, puérile et irresponsable. Une enfant qui casse facilement ses jouets.