Sujet: Un monde sans héros. Dim 9 Juil 2017 - 1:37
Peut-être êtes vous déjà allé vous renseigner au sujet de l'histoire de la Terre il y a mille ans et moins. Le meilleur endroit pour y parvenir est certainement le Lycée Orange Star, situé près de la capitale. Malgré les perpétuelles attaques qu'il subit, la bibliothèque est toujours impeccablement complète. Jamais ouvrage ne fut détruit, ou en tout cas, jamais il ne put pas être complétement restauré. Dans ce monde où maintes choses furent détruites, brûlées, mises en morceau, pulvérisées, savoir que le savoir ne fut pas l'une de ces victimes de la destruction est une certitude qui donne de l'espoir pour l'avenir. L'éducation est la meilleure provision contre la vieillesse. La connaissance le meilleur moyen d'éviter de devenir l'un des monstres qui passent à la télévision, en permanence, et qui sont les outils de propagande et de contrôle des troupeaux. C'est également le meilleur moyen pour ne pas tomber victime de cette même propagande. Le cerveau est construit pour tant de choses. Il serait dommage de ne pas user de toute cette matière grise. Il serait dommage de ne pas réfléchir. Orange Star est bien situé. Il est près de la capitale, et pas loin d'un arrêt de bus, et d'une gare. L'aéroport de la capitale y est reliée. Il n'est pas rare d'y voir nombre de politiciens. Nombre de diplomates. Nombre de savant. Mais surtout, nombre d'étudiant. La base pour les études de tellement de jeunes gens s'y trouvait. Et elle était facilement accessible. Un rendez-vous, un beau costume, dix minutes à faire le voyage, cinq à trouver le ou les livres dont vous aviez besoin, et on passait votre carte d'emprunt ou d'achat contre le guichet. Enfin, le livre était à vous, et à partir de ce seul livre vous pouviez vous faire au moins trois métiers. Oui, Orange Star était très apprécié. C'était un havre de savoir. La loge de l'intelligence.
Dans l'un de ces livres, si l'histoire vous passionne, verrez-vous peut-être des histoires de mythes ? Parmi ses mythes sont des réalités. Certains, comme le légendaire dragon vert qui exauce les vœux, ont été prouvées comme réelles. D'autres, comme l'existence des Lycras, ont été prouvées comme entièrement fausses, malgré les complaintes de quelques individus que l'état ne prendra jamais au sérieux. Parmi ses mythes vrais et faux, certains ressortent du dernier camp, pour être prouvées, ou démontrées comme fausses à nouveau. À certaines s'accumulent des histoires. La Légion, par exemple, est une armée contée encore telle une légende, une armée de trois cent cinquante hommes. Une armée prouvée comme existante. Une armée dont les noms et exploits sont répertoriés dans un grand livre dans la troisième étagère sur la gauche en entrant dans la librairie, et dont les pages sont abîmées par ce qui semble être une main recouverte d'une gant métallique. Certains disent avoir vu voler ce livre durant leurs yeux, mais bon. L'imagination déborde après des récits aussi formidables. On pouvait y voir leurs noms, oui, mais aussi ce qu'ils avaient fait. L'attaque du château du Vascovo. La lutte contre le seigneur de l'abîme qui se laissait engloutir par ce dernière, et qui maîtrisait les ténèbres comme flammes. Le premier des nés du premier roi de la Terre, qui maîtrisait les foudres. Le père de cet homme fut celui qui avait, selon certaines légendes, donné vie au soleil, et après l'avoir vu se coucher pour la première fois, fut emportée par la folie. Il avait eu toute un lignée, et les légendes sur cette dernière n'étaient pas toutes vraies. Mais la Légion avait un rapport dans toutes. On disait qu'ils avaient tué le dernier des nés. On disait aussi qu'ils avaient vaincu leur tueur. On disait beaucoup d'eux.
On ne disait cependant pas d'eux tout. On ne disait pas les meurtres en masse. On ne disait pas des sièges qui se faisaient à coup de carcasses projetées dans les puits. On ne parlait pas de la torture qu’ils pratiquaient, à base de brûlure lente et douloureuse de chaque poil du corps masculin, accentuée par une maîtrise magique de la flamme et du feu. Leurs mains gagnaient une chaleur supérieure à toutes celles possibles à l’époque, et ils la passaient sur le visage de leurs prisonniers. Certes, ils étaient des sauveurs, des destructeurs du mal, ceux qui anéantissaient ceux qui voulaient le monde à leur disposition, ou dans les flammes. Étaient-ils des gens bons ? Des personnages attendrissants ? Des créatures de lumière et de joie ? Non. Les membres de la Légion étaient des tueurs qui poursuivaient le danger pour les maigres plaisirs de l'adrénaline, et la soif du danger. On disait d'eux qu'ils étaient immortels. Ils ne l'étaient pas. Ils étaient juste meilleur dans l'art de la bataille qu'on ne pouvait le penser. Ils n'étaient jamais touchés durant les batailles. Ils n'étaient jamais même en véritable danger. Pourtant ils suivaient les informations qu'ils trouvaient, afin d'aller chercher l'apocalyptique maître du mal du jour. Et ils le tuaient, atrocement, ainsi que ses proches et son royaume. Mais malgré tout cela, ces hommes et femmes, membres de la Légion, avaient des familles, des amis, des proches, un monde en dehors de leurs intrépides chasses du combat. Ils les laissaient dans un pays perdu, un monde secret, inconnu de tous. Souvent rentraient-ils chez eux. Souvent passaient-ils du temps avec le monde non guerrier. Ils étaient heureux, et se disaient avoir une mission, qu'ils accomplissait avec une cruauté sans égal, et retournaient chez eux, après.
Mais un jour ils moururent "tous". Le chagrin. Le territoire où n'était que leur bonheur, leurs prunelles de leurs yeux, leur chair de leur chair, leur pays, patrie, et terre, fut ravagé. Ils comprirent. Ils souffrirent. Ce qu'ils infligeaient depuis des lustres leur fut infligé à eux aussi. Et pourtant, ils ne moururent pas vraiment. On disait qu'il n'y avait qu'un seul survivant. Je vous dis qu'ils l'étaient tous. Mais plus dans la forme physique, non. Chaque flamme fut transportée dans le seul homme qui gardait encore l'envie de vivre. Un corps battait comme trois cent cinquante. Mais cet homme n'était pas resté heureux non plus, loin de là. Trois cent quarante neufs amis périrent ce jour là. Mais au lieu de juste laisser tomber la vie, il décida de s'y accrocher. Et d'une telle poigne ! Il ravagea le monde comme personne ne pensait pouvoir le faire. On croyait bientôt que la Terre serait en flamme. On croyait bientôt qu'on n'aurait pas de monde pour nos enfants. On croyait bientôt qu'il n'y aurait plus de logis du tout. On croyait qu'il allait tuer Dieu, car déjà le temps semblait s'allonger. On croyait qu'il avait déjà meurtri le temps. On croyait que plus rien ne pourrait l'arrêter. Les armées et les armées s'accumulèrent pour l'arrêter. Jamais on ne pouvait croire à une unité de la part de l'humanité pour un seul homme. Les héros moururent les uns après les autres. Son emprise autour du monde augmentait de plus en plus, et il n'avait qu'à serrer plus fort pour écraser la planète. Jamais on n'avait crû qu'un homme pouvait en arriver là. Ils étaient pourtant trois cents cinquante en un. Armé d'une dague et d'un épée longue, il déchira la Terre plus que les armes de maintenant ne pourraient le faire. On dit même qu'il est la raison de la création de l'océan Atlantique, et que c'est de sa main que le continent Américain fut éloigné de l'Europe. Mais un jour, il disparut.
La mort l'avait-il enfin rattrapé ?
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Dim 9 Juil 2017 - 16:15
Il n'y eut pas plus grande célébration pendant des centaines d'années après. La Terre venait de se guérir de la peste. Et personne ne savait comment. Il n'y eut plus mille morts par jour. Il n'y eut plus la peur continuelle que le "diable en personne" vienne et vous arrache la tête pour la donner aux vautours. Les charognards, au lieu de suivre le tueur partout, perpétuellement, attendant que la nourriture leur soit offerte, se remirent à juste suivre les prédateurs. Les carnivores s'arrêtèrent de pulluler. Le monde n'était plus en train de brûler. Le héro du jour était la divinité suprême, pour ceux qui croyaient encore après une telle apocalypse. Les artistes firent maintes peintures, maintes sculptures, maintes écritures. On se demandait encore comment, et pourquoi. Certains se scarifiaient encore, se demandant pourquoi Dieu avait fait ça, cherchant quel avertissement il y avait dans l'apparition et la destruction de l'homme à cape et au chapeau pointu. D'autres y voyaient un nettoyage pour l'humanité, la chance de pouvoir recommencer en tant qu'espèce et civilisations. Un culte se forma même pour ce havre de folie et de mort, qui avait respiré, et avait pensé. Ah, on se sentait mieux. On ne vivait plus dans la peur, mais dans un monde. Combien de temps est-ce que ça avait duré ? Aucun document ne le prouvait véritablement. Certains disent des dizaines d'années, d'autres quelques mois. Mais comme pour tout le mal qui avait été causé dans l'histoire, l'Homme oublia cette période, et contrairement à d'autres évènements, qui n'appartenaient qu'à l'humanité, et uniquement l'humanité, pas même les établissements scolaires n'en parlent. Pourtant, ce moment avait bien existé, non ? Enfin, qui suis-je pour en parler ? Si ça se trouve, depuis tout à l'heure, seules des balivernes sortent de ma bouche.
Avez-vous déjà vu l'enfer ? Non. Peut-être en avez-vous entendu des récits. Peut-être avez-vous vu celui d'un certain empereur, démon du froid, et enfant gâté dès son plus jeune âge. Ainsi son enfer à lui n'était qu'une perpétuelle nuisance. Avez-vous vu le véritable enfer ? Celui d'un homme qui a perdu même son identité. Celui d'un personnage qui ne se reconnait plus comme lui-même, mais comme plusieurs. Qui se demande encore si son individualisme existe. S'il doit dire "je" ou "nous". Avez-vous déjà vu l'enfer de celui qui a fait de l'humanité sa chienne ? Que voit-il ? Qu'a-t-il vu ? Que verra-t-il ? Est-il encore véritablement vivant ? Peut-être voit-il en permanence ceux qu'il a tué ? Peut-être brûle-t-il dans les flammes du diable. Peut-être se fait-il détruire, puis dévorer, puis reconstituer, en boucle, à jamais, pour toujours ? Est-il dans un état perpétuel de noyade ? Voit-il des mirages ? Des illusions ? Des images de personnes qui n'existent plus ? Converse-t-il avec des démons ? Tellement de mal pourrait lui arriver. Peut-être souffre-t-il même de tous cela en même temps ? Enma n'était pas encore le juge à cette époque. L'au-delà était beaucoup plus cruel qu'elle ne l'est aujourd'hui. Avant, des brèches dans le temps étaient formées, pour juger complétement ceux qui paraissaient devant le tribunal. Ce n'était pas un géant rouge fatigué de son rôle mais pourtant fier de sa tâche qui choisissait le salut d'hommes, femmes, et enfants. C'était un tribunal, constitué de tout ce qui était nécessaire. Étaient convoqués un juge, un jury, et des témoins, d'autres morts qui avaient eu un rôle, ou bien des membres du personnel qui témoignaient pour ceux encore vivant. Des documents étaient remplis, tapés rapidement. Un public était invité, et parfois même on avait besoin de plus de place qu'un simple tribunal ne pouvait donner. Pour certains, des tribunes étaient nécessaires. Pour Légion, un amphithéâtre d'un kilomètre carré fut invoqué. Et ce n'était pas assez.
"Faites entrer l'accusé."
Les gardiens du monde des morts étaient des ogres. Avant qu'Enma n'arrive, ils étaient, eux aussi, beaucoup plus cruels. À la place des T-shirts et des casquettes étaient des armures et des heaumes. À la place des massues et gourdins qui laissaient des bosses, ils avaient des cimeterres, des masses d'armes, et épées, chaudes comme le soleil ou plus froides que le zéro absolu, qui déchiraient l'âme et meurtrissaient ceux qui tentaient de s'enfuir. Ils étaient forts, puissants, et armés jusqu'aux dents. Ils pouvaient porter le ciel sur la nuque, et vivre comme si de rien n'était. Ils pouvaient broyer un Super Saiyan à main nues, sans efforts. Leurs dents étaient d'obsidienne, leur crachat boulet de canon, et leurs larmes synonymes de rivières de sang. Même si les murs de l'enfer étaient faits de beurre, jamais ils ne seraient pris, et jamais pourrait-on s'enfuir du monde de douleur qu'ils contiennent. Ils maîtrisaient toutes les armes connues de l'Homme, et celles qu'il connaitra bien plus tard, et refusaient même l'immortalité, par fierté de leur puissance. Quand les morts se lèveront, ils seront là pour calmer les morts. Ils étaient de couleurs rouges et bleues, oui, mais leurs armures ne laissaient penser qu'ils étaient tous gris. Rares sont ceux qui ont vu leur sang, et ils ne l'ont jamais reconnu, car il était mélangé au leur. Et ceux qui les ont fait saigné sont dans un état pire que celui de mort. Ils étaient l'Alpha et l'Omega, le début et la fin. Ceux qui voyaient le paradis ne les voyaient pas, mais ces patrouilleurs étaient la pire vision que pouvait avoir une âme, un esprit, un pauvre type qui n'avait fait que tuer trois personnes, et qui allait devoir le payer très cher. Rien d’impressionnant. Légion en tua trois durant le voyage vers le tribunal.
"Eh bien, l'accusé entre-t-il ?"
L'accusé entra. Il avait des bras, des jambes, et des yeux. Ce n'étaient pas les siens. Autour de lui étaient des ogres, qui ne tentaient rien. Le futur jugé ne tentait rien non plus. Il semblait tranquille. Imaginez la marche au ralenti, si la scène vous parait mieux ainsi. Peut-être devriez-vous imaginer du sang, également. Principalement sur les mains de celui dont la chapeau était une pointe, mais également sur son visage. La question était à qui ce sang était. L'entrée fut accompagnée de huées. Chaque spectateur, chaque fantôme, chaque âme présente ici, était passée dans l'autre monde de sa main. S'il n'y avait pas des gardes dans les tribunes, pour éviter l'anarchie, les esprits emplis de vengeance se seraient jetés vers lui. Les ogres présents dans le public les empêchaient donc de mourir une seconde fois. La respiration de l'accusé était normale. Il regardait ceux qui allaient décider de son futur avec une certaine tranquillité. Son regard était même moqueur. Bientôt, il arriva devant eux, à la barre. Les ogres autour de lui s'écartèrent de lui, mais un en profita pour lui donner un coup de masse dans l'arrière du crâne. Le jugé s'avachit sur la barre, sous le choc. Il cracha du sang. Ses oreilles sifflaient. Le fluide rouge qui coulait dans ses veines tâcha ses cheveux blancs. Ses mains et pieds menottées, il eut du mal à se redresser. Tremblant, il se tenait courbé. Son œil droit était entrouvert. Il avait vraiment mal digéré ce coup. Il resta les yeux dans le vague quelques secondes. On ne sut pas à quoi il pensait. Un quinte de toux le prit, et il manqua de vomir ses entrailles. Puis, faiblement, il reposa ses yeux sur le juge et jury. Il n'y avait plus de moquerie dans son regard. Mais il n'y avait pas de peur non plus.
"Faisons cela vite. Je n'ai pas de temps à perdre."
Les membres du Jury se regardèrent. Certains rigolèrent. Le Juge, un petit homme fébrile dans un énorme fauteuil, le regarda faiblement. Il était habillé dans des haillons, et portait une couronne sur sa tête. Il avait une petite voix, douce. Il cachait très bien son jeu. Ou bien était-il juste dépourvu de véritable cruauté. Après tout, il ne faisait que régir. C'était le Jury qui décidait des peines. Tentant du mieux qu'il pouvait d'être sympathique, il demanda tranquillement.
"J'imagine que nous pouvons nous passer de toutes les violences que vous avez commis sur des dizaines de milliers d'individu. Je vais tenter d'abréger le procès, alors, selon vos souhaits."
Un des membres du Jury se leva alors. L'indignation qui résonnait dans sa voix n'avait d'égal que le sang injecté dans ses yeux.
"Votre honneur ! Il manque de respect, à vous, et à tout le système ! Après sa vie de ravages et destruction, vous lui accordez votre bonté ? Permettez ! Lisez les chefs d'accusation, je vous prie. Il doit comprendre que... que..."
Il ne put terminé sa phrase. Son regard en croisa un autre. Plein de braises. Un regard rouge qui en disait long sur les souffrances que pouvait engendrer le porteur de ces yeux. Légion regarda fixement cet homme. Ce dernier se reposa à sa place. Il regarda alors les alentours. Il regarda les ogres. L'un d'entre eux avait une masse d'arme. Cette arme était tachée de sang. Le jugé ne partira pas avant de s'être libéré un peu l'âme. Il tenait encore sur lui ce qu'il avait arraché du corps d'ogres. On pensait qu'il tentait d'être effrayant. Non, il avait juste de quoi causer des dégâts sur un gardien de l'enfer avec des morceaux de gardiens de l'enfer.
"Messire, vous terrifie-t-il à ce point ?"
Cette voix était différente. Le possesseur de cette voix était différent des autres membres du jury. Il était avachi, les jambes sur le dossier du fauteuil d'en face. Il parlait à celui qui venait de poser à nouveau son postérieur sur sa chaise. Dans sa main droite était un flacon d'alcool. Son visage était dans l'ombre. Il en buvait depuis tout à l'heure, et jamais il ne se vidait. L'homme qui venait d'être terrifié hocha fébrilement la tête. De sa voix nasillarde, il se prononça à nouveau :
"Très bien. Ogres, battez-le. Que son sang tâche ce lieu."
Il pointait du doigt Légion. Ce dernier soupira.
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Jeu 13 Juil 2017 - 0:55
L’adrénaline qui circule à toute vitesse à travers deux corps. L’un d’entre eux est à terre, sur le dos. Sa tête est levée vers le ciel, mais il n’y a pas de dossier pour la retenir. La peau change de couleur petit à petit. Les bras sont levés eux-aussi, et s'accrochent à des chaînes. Les pieds sont agités, des petits mouvements rapides dans tous les sens. L’adrénaline parcourt le pauvre ogre qui avait frappé Légion. Son cou était coupé d’air. Son corps n’avait plus d’oxygène. Et bientôt il n’y avait plus de vie. Il n’y avait qu’une respiration pour deux. Le mort et accusé respirait. Il tenait devant lui comme bouclier celui qui avait osé le blesser. Les chaînes qui reliaient ses mains allaient être la mort de cinq gardes aujourd’hui. Trois tués sur le trajet. Un en train d’être asphyxié. Un ayant tenté de porter secours à l’étranglé, et battu à mort à l’aide d’une main récupérée sur un cadavre. Deux doigts étaient coincés dans les orbites de ce dernier. Le spectre aux yeux de braises avait un genou à terre, et fixait les autres gardiens de l’enfer qui étaient face à lui. Au loin était toujours le frêle juge sur son trône. Il semblait profondément touché. Le combat le troublait-il à ce point ? Enfin, “combat”. C'était plus un écrasement qu’autre chose. Un écrasement fait avec beaucoup de plaisir.
La montée d'adrénaline qu'il y a à entendre la vie s'échapper d'un individu. Le plaisir de puissance que l'on a à avoir entre nos mains, et à la laisser s'échapper, comme un peu d'eau qui nous coule volontairement des doigts, comme du sable qui s'envole au vent une fois nos paumes ouvertes. La disparition de la conscience. Il n'y avait de celui dont la paume d'Adam était écrasée par des chaines qu'une charogne à présent. Légion exprima une certaine tristesse. Il n'y avait plus de hyènes, de vautours, de rats, de corbeaux, de fourmis, pour nettoyer après lui. Des réflexes étaient toujours actifs. Les doigts, les orteils, la langue. Par petits intervalles ils remuaient. Un quart de seconde de mouvement, parfois moi. L'index se crispe. Le pouce se serre et desserre immédiatement. La langue pendue rentrait et sortait légèrement. Il n'y avait pas beaucoup de bruit, hormis pour certains membres du jury. Certains parlaient. Certains paniquaient. Certains sortaient même des gradins pour s'enfuir. Dans un fracas de métal brisé, les chaînes partirent dans tous les sens. Les menottes n'étaient plus reliées, et n'étaient à présent que des bracelets décorés d'attachements de fer. Légion avait usé du menton de son agresseur d'il y a cinq minutes pour se libérer de ses liens, à l'aide d'un point d'appui.
Une grande inspiration fut provoquée chez les gardiens par cette soudaine libération des mains. Ils ne savaient que faire. Attaquer seul serait du suicide. Attaquer à plusieurs aussi, car leur adversaire était capable d’utiliser même leurs corps pour se défendre, et c’était sans compter que plus de porteurs d’armes équivalait à plus d’arme pour celui qui avait mis la Terre en feu. Ce dernier était en train de détruire les chaînes accrochées à ses pieds, à genoux, ne gardant que peu de contact visuel avec ceux qui pouvaient peut-être en profiter pour lui donner un coup ou deux. Néanmoins, aucun ne bougea. Les liens de fers accrochés aux chevilles volèrent eux-aussi en éclats. Légion était debout, les bras le long du sol. Il respirait calmement, mais on pouvait sentir de l’anticipation dans son souffle. Il préférait toujours être le second à attaquer. Il aurait aimé qu’eux foncent sur lui.
"Eh bien ? Chacun de ses os peut encore le soutenir. "
Un silence toujours présent. Aucun des gardiens n'osaient prononcer ne serait-ce que des murmures de peur. Ils étaient coincés entre deux possibles morts, car celui qui venait de parler risquait de vouloir se lever pour faire lui même le travail. Et celui qu'ils avaient à attaquer pouvaient les tuer également. Ils étaient entre deux impasses. Le personnage à l'ombre, qui était visiblement le chef, prit soin de boire de son flacon qui semblait n'avoir toujours pas perdu en contenu, et mit pied à terre. Le juge, frêle, et toujours attristé, semblait vouloir prendre la parole. Ses mouvements de lèvre laissaient penser qu'il aimerait pouvoir prendre la parole. Mais il semblait apeuré par celui qui buvait sans cesse.
"N'étiez-vous pas réputés comme des guerriers sans faiblesses ? Vous vous vendiez bien comme gardien de l'enfer. Voyez où votre refus de l'immortalité vous amène."
Il s'était levé. Ses pas lents résonnaient dans l'endroit. Ceux qui avaient voulu assister au jugement de celui qui les avaient tués n'avaient vu que deux homicides, et n'entendaient à présent qu'une voix masculine, et des pas à intervalles longs. Légion n'avait pas peur. Il en avait vu plein, comme lui. Des chefs, des puissants, maître d'une armée dont la force de chaque guerrier était sans égale. Des combattants nés, capable de détruire le corps d'un individu à l'aide d'un morceau de verre en l'espace de cinq secondes. Oui, il en avait vu plein. Rien de bien impressionnant.
"Je me demande encore ce qui se passe quand les gardiens des morts meurent eux-aussi. Deviennent-ils des esprits, à leur tour ? Peut-être reviennent-ils à la vie ? Peut-être même disparaissent-ils dans le néant ? Ne pas pouvoir mourir correctement. Cela fait froid dans le dos, ne trouvez-vous pas ?"
Il venait de parler aux ogres. Ces derniers ne répondirent pas. Le guerrier au casque pointu était en train de se desserrer les bracelets de fer qui ornait ses bracelets. Une autre voix se fit entendre.
"Quand bien même cet accusé est en train de se rebeller, Seigneur Riesling, je tiens à vous demander de... ne pas provoquer de dégâts collatéraux dans mon tribunal."
"La rare visite que je décide de donner à ton poste de travail est ruinée par un simple mort, Juge. Tes gardes se font-ils toujours malmener à ce point ? Chaque être capable de résister les anéantit-il ? Regarde les. Terrorisés. Incapables de bouger. Les statues de marbre qui décorent les couloirs du paradis s'agitent d'avantage. Comment suis-je censé prendre cela ?"
"Prenez-le comme bon vous semble-t-il."
"Je suis censé vous superviser, Juge. Je vois ici comme votre tribunal n'a pas l'air de fonctionner. Une journée, une seule journée je viens vous voir. Une journée je suis taché de voir comment se déroule votre travail. Et je vois ça. C'est décevant. Oui, décevant. Et je me dois d'intervenir."
"Pourtant, n'avez-vous pas eu des instructions à suivre ?"
"On me laisse une large liberté dans mes actions. J'en assumerais les conséquences."
Une discussion entre un petit homme frêle dans un grand trône, et un personnage à la bouteille qui ne se vidait jamais. Légion était droit. Il écoutait. Il n'interrompait pas. Ce monde des morts était différent de celui des vivants. Chaque mot était important. Bien qu’il comptait en repartir vite, savoir comment était régis cet endroit était clé à sa sortie. Néanmoins alors que ce court dialogue venait d’être terminé, celui qui avait la voix la plus grave regarda gravement le spectre qui avait brûlé la Terre.
"Cherches-tu à fuir ?"
Le mort n’avait pas vraiment le moyen de mentir.
”Oui. N’avez-vous pas remarqué ma résistance quant à vos faibles forces ?”
Un maigre rire sortit de la gorge du premier.
"Cela ne sera pas possible."
Une soudaine douleur fut tout ce qui fut ressenti par Légion à ce moment. Une poussée d’adrénaline traversa le corps du fantôme. Celui qu’il avait eu en face de lui venait de le neutraliser sans effort. Dans une tentative désespérée de garder conscience, il vit que le “Seigneur Riesling” avait levé son index dans sa direction. L’épéiste tituba, s’adossa à un mur, glissa sur son long, et malgré les efforts phénoménaux qu’il était en train de faire pour garder les yeux ouverts, sombra dans l’inconscience.
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Jeu 13 Juil 2017 - 15:26
Un rêve. Une illusion qui vous apparaît durant la nuit, mais parfois aussi le jour. C'est un nouveau monde, entièrement construit pour quatre à douze heures. Je n'ai jamais rêvé dès mon entrée dans le sommeil. Il y avait toujours ce petit instant, ce petit moment avant que cela n'arrive. Un petit instant de quatre heures. Mais les heures passent si vite durant le sommeil. Elles peuvent passer si lentement. Je ne sais combien d'années j'ai passé durant un seul rêve. Je ne sais combien d'heures réelles j'ai vu passer en une seule seconde. Est-ce le temps qui régit ce monde ? Est-ce le temps qui régit cet univers ? Ou bien est-ce notre cerveau qui régit le temps ? Quand ce dernier peut changer sa perception du déroulement des secondes, des minutes, des heures, n'est-ce pas lui qui maîtrise le temps ? Si le temps passe à des vitesses différentes à travers les yeux d'un homme, l'homme maîtrise le temps, ou c'est le temps qui maitrise l'homme ? L'homme a une durée de vie limitée, mais le temps est immortel. Pourtant, si l'homme s'ennuie durant toute sa vie, ou si il s'amuse durant toute sa vie, alors elle aura duré plus ou moins longtemps, non ? Au moins à ses yeux. Faut-il user de ses yeux pour déterminer le monde ? Le monde parait faux quand on entend la science, quand on parle des découvertes. On dirait un rêve. Quelle est la différence entre le rêve et la réalité ? La réalité est bien plus ennuyeuse. La réalité ne vous permet pas de récupérer de votre fatigue. La réalité est triste, et les rêves peuvent être beaucoup plus. Pour s'échapper de la réalité, sans avoir à dormir, que faut-il faire ? La fiction aide bien à s'en enfuir. Les amis aussi. Sommes-nous amis ? Cette histoire que je vous conte n'est pas révélée à tout le monde, vous le savez. En même temps, qui, à part moi, s'occupe de ce genre de chose. L'histoire de Légion, l'homme qui a mis la Terre en feu. Une histoire que l'on pourrait trouver en rêve.
Même mort, on peut rêver. Il n'y a pas que les dieux pour rêver dans leur mausolée. Le spectre au casque pointu, qui avait perdu connaissance il y a peu, était visité par les songes. Il entendait un son répétitif, semblant à l'aiguille d'une pendule qui faisait le tour, se déplaçant toutes les demi-secondes. Il semblait perturbé. Des mauvais rêves. Malgré son attirail qui ne laissait même pas ressortir un centimètre de peau, et qui cachait entièrement son visage, on pouvait le voir en proie à des cauchemars. À quoi rêvait-il donc ? À sa mort ? Peut-être songeait-il à celui qui l’avait tué ? Qui donc avait pu faire cela ? Qui donc avait été capable de surmonter sa puissance. Qui donc avait été capable de le vaincre en combat singulier ? Surtout, comment avait-il été vaincu ? Un poignard dans le dos bien placé pouvait avoir fait la différence. Se souvenait-il même de comment la mort l’avait attrapé ? Se souvenait-il déjà d’être mort ? Les souvenirs de Légion ne sont pas capables de rester dans sa tête. Sa caboche ne les retient plus. Si seulement il existait un moyen de les garder. Si seulement… Toujours des agitations. Toujours des mouvements. Le sommeil de celui qui avait mordu la poussière était difficile. Et dans un cri rauque, long, et rempli de peur, il se réveilla. Il aurait bien préféré rester dans son sommeil.
Il n’y avait autour de lui que quatre mur. Un plafond. Un sol. Il avait dormi par terre. Enfin, “dormi”. Nous pouvons plutôt assumer qu’après avoir perdu connaissance, il avait été traîné jusqu’ici, les jambes en avant. Rien de bien gracieux. Une douleur faible sur son épaule droite le laissa penser qu’on l’avait projeté ici. Il n’y avait pas de lit. Il n’y avait pas d’évier. Les morts n’ont pas de besoins vitaux. Tant mieux ? Pourtant il avait soif. Il était assis en tailleur, dos courbé, regardant faiblement ses jambes pliées devant lui. Il n’entendait que peu de bruits. Sa respiration lente, et lourde, qui voulait aspirer le maximum d’air. Le sang qui résonnait contre ses tempes. Les battements de coeur, son coeur, qui avait pendant si longtemps battu deux cent vingt fois par minute, et qui désormais ne battait que cent vingt. Les tapotements sur le sol qu’il faisait avec le côté de son pied droit, afin de donner un semblant de rythme à ce lieu vide, afin de donner ne serait-ce qu’un peu plus de bruit à ce silence qui perdurait. Mais bientôt, un autre bruit se fit entendre. “Ploc”. “Ploc”. Légion regarda le sol. C’était ses larmes. Il n’avait pas pleuré pendant si longtemps. Pourquoi pleurait-il ? Seul lui le savait.
Il était dans une chambre. Mais cette chambre était vide. Cette chambre n’avait que lui comme objet d’intérieur. Mais la particularité de cette chambre était qu’elle n’était faite que de miroirs. Sous ses larmes était son reflet. Le reflet de Légion. Le reflet d’un mauvais homme. Le spectre prit une inspiration plus grande que les autres. Il se recula, mais sans se lever. Il se posa dans un coin, dos au mur. Il n’y avait pas de fenêtres. Il n’y avait pas de porte. Il n’y avait que Légion. Légion, Légion, Légion. Légion partout. Autour de lui n’était que lui. Partout n’était que lui. Il n’y avait pas de robinet pour apaiser sa soif. Il n’y avait pas de lit pour lui permettre de se reposer. Il n’y avait rien qui puisse l’aider à se calmer. Il n’y avait que Légion. Il aurait bien voulu continuer à dormir. Il aurait bien voulu penser à autre chose. Mais cette salle n’était faite que pour une seule chose. Pour refléter Légion, et le faire réfléchir.
Le temps n’avait plus cours ici. Le temps n’était même plus. Légion ne savait pas combien de temps il passait ici. Le silence se mit à lui trouer les tympans. Pas même sa respiration, ses battements de coeur, et ses larmes ne pouvaient empêcher à ses oreilles de se mettre à siffler. L’air était pur, et il était intoxiqué. Il était mort et il avait soif, et il n’y avait pas d’eau pour le satisfaire. Il avait faim et il désirait se nourrir, mais il n’y avait rien pour le sustenter. Anxieux, il voulut enlever un de ses gants, se nourrir sur les muscles de sa main. Il ne put y arriver. Il ne put enlever l’armure de la Légion.
Il entendit alors des cris. Des cris de femmes. Des cris d’hommes. Des cris d’enfants. Des cris de bébés. Des cris d’animaux. Des cris de toutes sortes. Il entendit alors d’autres bruits. Il entendit des flèches se planter dans des orbites, provoquant ce son si prononcé du globe oculaire qui se fait percer. Il entendit le craquement de flammes, et il se souvint de la vitesse précise à laquelle les flammes se propagent sur un corps. Il entendit des viscères se faire presser contre le seul, et le son d’un nourrisson qui s’accrochait désespérément à la vie, alors que ses côtes perçaient ses poumons, et que ses intestins étaient écrasés sur sa vessie. Il regarda ses mains, et elles étaient tachées de sang. Il entendit des rires. Il entendit des voix rire alors qu’elles n’avaient plus de gorge. Les morts riaient à ses dépends. Il était là où il le méritait.
Légion se leva. Il fit un pas. Il en fit un deuxième. Devant lui se dessinait quelque chose en particulier. Devant lui se dessinait un homme. Il était sale. Il était triste. Il était habillé d’une simple chemise, et d’un pantalon noir. Blanc et bleu sombre était son haut, et des souliers étaient sur ses chaussures. Il s’approcha de ce personnage présent sur le mur. Mais il n’y était pas. Il n’y avait jamais été. Des pointes du gant de sa main, il tenta de reproduire ce personnage. Des grincements se firent entendre pendant… pendant on ne sait combien de temps. Le temps ne passait pas ici. Pourquoi le chronométrer ?
Spoiler:
Légion termina son dessin sur la vitre. Ses doigts tremblaient. Son corps tremblait. Il n’y avait rien qui ne tremblait pas en son intérieur. Le bonheur l’avait quitté. Le bonheur n’était plus avec lui. D’un hurlement de rage, le spectre frappa son œuvre. Son coup de poing fut suivi d’un autre. Puis d’un autre, puis de deux autres. Encore, et encore, et encore. Bientôt, il ne resta plus rien du dessin. Il y avait encore le miroir. Derrière un miroir en était un autre, qui se repositionnait pour remplacer le premier. Les mains décorées de bouts de verre, profondément enfoncés en son intérieur, et recouvrant le sang rouge du remord par le sang noir du mort, il recula. Il remarqua que ses reflets n’avaient pas bougés. Ce n’était pas vraiment Légion. C’était ses camarades. Autour de lui étaient les autres membres de la Légion. Chacun était Légion mais ils ne l’étaient pas.
Le spectre tomba à genoux, et se remit à pleurer.
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Ven 14 Juil 2017 - 16:09
Un couloir, long, très long. Les enfers de chacun sont reliés par un long couloir. Les ogres les patrouillent. Il est dit que ces couloirs sont sans fin. Il est également dit que celui qui se fait récupérer par les ogres rencontrera un destin plus terrible que son propre enfer. Plus terrible que l'enfer. Qu'il y a-t-il de plus terrorisant que la pire chose qui soit ? Essayer de deviner un monde encore plus terrible que la pire chose qui puisse exister pour un individu. Celui dont l'enfer est de se faire dévorer par les rats, celui dont l'enfer est de se faire empaler, celui dont l'enfer est d'être observé par des mannequins, que verraient-ils ? S'ils venaient à être capturés, de quoi souffriraient-ils ?
Dans ce couloir sans fin était un ogre face à une porte. Les portes de chaque enfers sont transparentes, pour un coté. L'enfermé ne peut pas observer le monde en dehors de son univers de douleur. Mais les gardiens ont tout le loisir de profiter des souffrances des captifs. Pourquoi ces derniers auraient été créés sans plaisir, tiens ? Les émotions, nieraient certains, aident à la productivité. Si ces gardiens des mauvais n'appréciaient pas leur travail, alors qu'est-ce qui les empêcherait, en dehors d'un objectif d'auto-préservation, d'éviter d'accomplir leur travail ? Certes, connaître simplement la peur de ce qui attendait l'échec pouvait être une solution. Mais le plaisir n'est jamais ennuyeux. Quand on est content, on ne s'ennuie pas. Au bout d'un moment, on veut arrêter d'avoir peur, d'avoir mal, d'être en état de stress permanent. On ne veut jamais arrêter de s'amuser. Similairement, la peur et la colère permettent aux gardiens de vraiment savoir quand le danger est présent. Ainsi, ils seront capables, dans ses circonstances, d'être plus efficaces, et de faire des choix bien plus décisifs. Mais ce jour, ou bien cette nuit-ci, un ogre semblait en état de stress. Il fixait une porte. Non, il fixait ce qu'il y avait derrière la porte. Un autre gardien, passant par là, et dans un élan d'inquiétude pour autrui, permettant d'éviter le gaspillage de troupe, face au danger, il alla dans sa direction.
"Eh bien, qu'est-ce qui ne va pas ?"
Une main tremblante, appartenant à celui qui n'avait pas bougé, ce leva, pointant vers l'occupant de cette cellule, d'un enfer comme un autre, d'une pire chose qui soit.
"Il... il me voit..."
Le second fit un aller retour avec ses yeux sur l'occupant, puis son ami, puis l'occupant, puis l'ami.
"C'est impossible. Ils sont incapables de voir à travers la porte. C'est fait exprès. Ainsi, tu peux les regarder, mais eux non. Ça permet de savoir s'ils font des trucs louches. Tu dois être nouveau, non ?"
Un mouvement de tête de gauche à droite et droite à gauche. Le premier n'était pas nouveau, non. Il existait depuis belle lurette. Mais jamais n'avait-il été terrifié à ce point. Jamais même n’avait-il senti le regard d’un autre à travers ces portes dont il entendait souvent mille compliments.
"Je suis ici depuis, depuis des dizaines d'années, oui, des dizaines d'années. J'ai toujours écrasé les esprits mauvais de ma botte. J'ai toujours usé de mon gourdin comme un instrument de contrôle. J'ai toujours accompli ma tâche. Jamais je n'ai eu véritablement peur. Jamais."
"Ne t'inquiètes pas. Jamais il ne pourra sortir d'ici. Jamais il ne réussira à t'atteindre. Si tu veux, je te remplace."
"Non... C'est, c'est mon poste. Je me dois d'accomplir mon... poste."
"Oh, allez, c'est pas comme s'il allait sortir et te démembrer."
Des mots qui tuent.
Les ogres qui parcourent les couloirs sont nombreux, et si ces couloirs n'avaient pas de fin, alors ils devaient prendre grand plaisir à faire souffrir leurs captifs, car sinon, ils sombreraient dans la folie. Dès que l'âme est présente, alors elle peut être corrompue par l'insanité. Dès que les émotions régissent un cerveau, à fin de constituer un être vivant fonctionnel, alors ce dernier peut-être proie à la psychose. Les ogres sont les gardiens de l'enfer, des abîmes, et des ténèbres. Là où est le mal, ils sont là pour le contenir. Et ils le contiennent avec grand plaisir, et le mal lui-même devient leur victime. Il n'y aurait qu'un fou pour se mettre en travers de leur chemin. Mais Légion avait souffert de pires insultes.
Les ogres pouvaient communiquer télépathiquement. Bien qu’ils ne pouvaient parler à l’aide de fortes ondes cérébrales, ils pouvaient sentir quand certains de leur camarades étaient neutralisés de façon… brutale. Ainsi cinq gardes venaient d’admirer deux de leur congénères morts, à leurs pieds, devant une porte de cellule fermée, et pourtant vide. Un plan fut vite écris : deux allaient entrer dans la pièce. Deux allaient observer les deux côtés du couloir, et un allait rester devant la porte. Ainsi, aucun personnage ne pourrait les prendre en embuscade.
Une entrée se fit à l’intérieur de cette pire chose qui soit. Une salle sans murs, ni plafond, ni sol. Il n’y avait que des miroirs. Il n’y avait que des réflexions. Et il y avait moult bouts de verre sur le sol. Partout étaient des gribouillis. Ce n'étaient que des portraits. Il y avait autour des deux ogres des dizaines de visages. Des visages meurtris. Des visages sur lesquels étaient portés des cicatrices, des brûlures. Des visages parfois mal rasés, parfois manquant d’yeux, de nez, de lèvres, d’oreilles, et de langues.
L E Q U E L S U I S - J E ?
Des tâches de sang étaient sur le sol. Du sang noir, du sang d'esprit. Le rouge est témoin de vie, mais le noir est témoin de mort. On pourrait se dire que c'était de l'encre. Oui. De l'encre. On laisse sa trace avec ses écrits, et ce noir persiste bien après notre mort.
A U C U N R E T O U R
Est-ce ainsi que quelqu'un perd son esprit ? Légion avait perdu son humanité bien avant. Avait-il perdu la raison ?
S E U L
Les ogres parurent malaisés. Ils ne voyaient pas souvent leurs captifs de cet œil là. Ce n'était pas de la compassion, non. Plus du dégoût. Oui. Du dégoût. Ils essayèrent de voir plus. Peut-être y avait-il des indices à la disparition de celui qui était à l'intérieur de la pièce à présent, et qui se rapprochait d'eux sans être même reflété par les miroirs ? Il y avait à présent sept gardes, par terre. Ils ne bougeaient plus. Des regards de gauche à droite et de droite à gauche. Le couloir semblait sans fin. La lumière n'en montrait pas. En sortant de la cellule, devrait-il aller à droite ? À gauche peut-être ?
"Il faut aller à travers le mur."
Le spectre se retourna. Un des Ogres, adossé à côté de la porte d'une pire chose qui soit, était en train de lui parler. Malgré les côtes dans ses poumons, il parvenait encore à dialoguer.
"Étonnant, hein ? Oui, tous les ogres n'ont pas reniés leur immortalité..."
"Pourquoi ?"
Un maigre rire sorti de celui à terre.
"J'en ai vu des comme toi. Des qui s'échappent de l'enfer. Je suis certainement l'un des plus vieux ici. Il vaudrait mieux éviter de mourir de tels risques."
"Je voulais dire... "pourquoi m'aider" ?"
"Ah, ça. Vois-tu, les êtres comme toi massacrent beaucoup de mes pairs avant d'enfin trouver la sortie. Je te le dis avant que tu n'ai à en tuer d'autres. Malgré leur arrogance, je me dois d'éviter la mort de mes pairs. Je ne connais que quatre personnage s'étant échappé de cet endroit. Et tous... tous, tous, tous... ils laissaient derrière eux une marre de sang. Si je pouvais empêcher cela... Oui, cela me ferait grand bien."
"À travers le mur" ? Légion prit une masse d'arme appartenant à l'un de ceux qui étaient venu voir la mort de deux ogres. Il frappa les briques face à lui. Des bruits sourds se mirent à résonner. Aucun ogre ne venait. Celui qui semblait expérimenté les avertissait-il ? De la télépathie ? Après une trentaine de secondes, toutes les briques tombèrent. C'était vrai. Il y avait un chemin derrière.
"Avant que tu ne t'en ailles, j'aimerais savoir. Comment ?"
Légion enjamba les quelques briques par terre, et tourna la tête.
"Un simple jeu d'ombres."
Il entra et, lâchant la masse d'arme devant le trou, commença sa marche, laissant derrière lui l'immortel blessé.
"Humpf. Ordure."
Un passage tout de blanc. C'était un endroit qui n'avait même pas de couleurs. Seuls le rouge de la cape, le gris de l'armure, le marron du cuir, et l'orange des flammes se distinguaient du blanc. C'était un endroit certainement emprunté que par les dieux.
Vous ne devriez pas être ici.
Cependant Légion remarqua sur le sol des traces. D'autres étaient venus.
Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici.
Parmi elles étaient des traces des géants, qui avait dû se baisser pour passer ce couloir.
Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici.
Une sorte de bave d'escargot, où d'une chose semblable à un amas gluant.
Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici.
Et enfin, des traces de mains, et des griffures d'une chose se traînant, de quelqu'un qui semblait ramper.
Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici. Vous ne devriez pas être ici.
Légion sembla plus passionné par les traces de ceux qui avaient empruntés son chemin avant lui que par les prospectus qui décoraient les murs autour de lui.
"Croyais-tu être le seul à avoir tenté ?"
Le "Seigneur" Riesling était derrière lui. Son alcool fétiche à sa ceinture.
"Après ce que tu as fait, tu penses ne souffrir aucune conséquence à tes actions ?"
Un silence fut la seule réponse qui lui fut donné.
"Misérable fils du mal, le dernier grain du sablier de ton existence maudite vient de tomber."
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Dim 16 Juil 2017 - 2:19
Un fracas sans nom accompagne une destruction d’un mur. Un boulet de canon traverse un rempart, une séparation, entre le couloir sans fin des enfers, et l’autre endroit. Cela s’approchait véritablement d’une attaque d'artillerie. Sauf que le projectile avait un chapeau pointu, une cape rouge, de profondes insécurités, et désormais quelques os dans un état que personne n’aimerait avoir, tandis que la bombarde était connaisseur en alcool, et possédait un attirail n’offrant que peu de protection. Dans cet endroit bien plus éclairé, et ne portant pas attention à plusieurs personnes en même temps, Légion put le voir. Son visage était celui d’un homme. Un homme qui semblait mal nourri. Un menton pointu, des yeux tristes, des joues et des lèvres presque inexistantes, et des yeux contents. C’était un personnage qui semblait heureux de son sort, se dit un spectre tentant de se relever après un impact de son dos sur une surface résistante. Dans son air désabusé se cachait un bonheur sans nom. Il était torse nu, habillé d’un simple pantalon bouffant, de souliers fermés à l’aide d’une ficelle passé la cheville, et d’une fraise noire et plate, ondulant sur ses épaules. Quelle fonction avait-il ici ?
Une douleur sur la mâchoire interrompit cette première question. Des phalanges se posant de force à plusieurs kilomètres heures sur la joue d’un fantôme, propulsant un crâne, et tout ce qui s’y attache, plusieurs mètres en arrière. Des oreilles qui bourdonnent alors que s’accumulent les douleurs physiques sur un corps qui devrait normalement ne plus en avoir, qui ne devrait plus rien sentir. Un mal à la tête, un mal au dos, un mal au ventre. Des côtes toujours en place. Des dents qui ne tombent pas. Un nez pas brisé. Des yeux qui ne font qu’aller dans tous les sens, pris par un vertige. Les oreilles vont bien, elles ne font que bourdonner. Une chance. Il n’y en aura peut-être pas d’autres. Des difficultés à se relever alors qu’approche un pâle ennemi. Des jambes qui tremblent. Des bras qui supportent difficilement un tronc dont les entrailles fonctionnent difficilement. Le bruit du vrillement des oreilles est remplacé par celui d’un souffle fort, d’inspirations et expirations suivies, rapides. Une inconscience qui ne doit pas être.
"Nous fatiguons-nous déjà ?"
Une voix qui résonne en écho, qui accompagne la douleur qui ne devrait pas être. Des pas lents, peu réfléchis, qui cherchent à faire durer le moment. Une vision qui devient claire. Un homme à la peau pâle se rapproche de la victime de cette vision. Une vision qui n’inspire que peu de crainte, mais beaucoup de stress. Il avait déjà vaincu assez de peur pour le moment, pour accumuler assez de courage pour commettre un homicide qui lui ferait tellement, tellement de bien. Mais rien qu’à y penser, déjà le dégoût infâme lui remonte au ventre. Plus jamais ça. Des tentatives de redressement. Debout, mais courbé, le chevalier s’oppose au seigneur. Les bras pendouillent, mais se retrouvent devant les genoux. Une position de faiblesse, de fatigue, de douleur. Cependant Légion n’était troublé que par une chose : Comment son ennemi le voyait-il ?
"La plus grande blessure que tu m’ais porté est la dureté de ton visage contre mon poing. Allons, pour être parvenu jusque là, tu dois pouvoir faire un peu plus."
Débouchage d’un flacon. L’ennemi décide de s’offrir un plaisir avant un autre. Avant de faire plaisir à ses poings, et à céder à l’adrénaline, il décide de faire cadeau à ses papilles, et de chauffer sa gorge. Le bouchon se replace. Légion s’appuie le front à l’aide de ses poignets. Il tâche de rester dans la réalité. Un léger grognement accompagne la pression qu’il espère lui permettra de garder conscience. Tandis qu’une boisson coule dans une gorge, de l’air est rapidement inspiré et expiré d’une autre. Un craquement de cou se fait entendre. Celui qui souffrait espérait pouvoir lui aussi goûter aux joies du combat dans toutes leurs splendeurs. Aucun ne pouvait mourir, lors de cette bataille, mais des tressaillis se firent sentir dans les doigts du spectre quand celui-ci regarda les yeux et le cou de celui qui venait de lui faire tant de mal. Suivant ces tressaillis vinrent de nouveaux malaises. Une petite tape sur la tempe fut immédiatement appliquée. Il ne devait pas perdre la raison. Il n’avait rien tenté sur Riesling depuis tout à l’heure. Ce dernier termina enfin sa gorgée.
"Aaaah. Eh bien ? Tu n’as rien tenté ? Que cherches-tu à te dire ? Attaquer quelqu’un en position de faiblesse te trouble-t-il ? Avec une seule main je peux déloger ta cage thoracique. Ce n’était pas une position de faiblesse, non. J’essayais juste de te laisser une attaque gratuite. Un seul coup de poing sur mon visage. Un seul coup de pied vers mon entrejambe. Des griffures dans mes yeux. Ce que tu voulais. Mais pourtant tu ne l’as pas fait. Tu appeles peut-être cela de l’honneur ? Pourtant, je trouve que c’est plus de la trouillardise qu’autre chose. De la trouillardise, ou de la stupidité. Pour avoir voulu arriver ici, je pencherais sur le second cas."
L’endroit où nos deux combattants se trouvait était une salle blanche, large. Cela ressemblait davantage à une morgue qu’autre chose. Oui, une morgue. Une morgue vide, et sentant la richesse à plein nez. Éclairée par des bougies et des lustres. Un homme l’aurait trouvée froide comme un frigo. Légion regarda un instant ses mêmes lumières, pendant que son adversaire se moquait ouvertement de lui. Il restait silencieux quant à ses preuves d’orgueil. Souvent, ne rien dire énerve beaucoup, et souvent les egos démesurés doivent prouver leur présence. Et ce, avec beaucoup de bruit. Le spectre cherchait une faille. Il cherchait une sorte de point faible au physique de son ennemi, comme il y en avait tout le temps. Pourtant le corps de celui qui avait manqué plusieurs fois de lui briser la tête était maigre. Comment était-ce possible ? Aucun muscle ? Serait-ce de la magie, alors ? Oui, certainement de la magie. Quelle autre explication y aurait-il à une force aussi grande pour un physique aussi ridicule ? Les lumières placées un peu partout ne laissaient aucune faille. Aucune cachette. Aucune embuscade possible. Il n’allait pas pouvoir jouer au jeu du chasseur, aujourd’hui. Il allait devoir se débrouiller du mieux qu’il pouvait, contre un personnage qui était plus fort que lui, plus résistant que lui, et bien, bien plus bavard que lui. Il n’avait toujours pas d’armes. Aucune lame. Il n’avait que ses poings, son armure, et un mal de tête infâme.
Une tension se fit sentir. Deux regards qui se croisent. Ce n’était pas pour faire joli. Chacun se demandait qui allait attaquer le premier. Chacun mettait en place une stratégie. Le guerrier à la cape fut le premier à s’élancer. Pourquoi donc ? Attaquer le premier ne donne-t-il pas un inconvénient, car on risque de se faire contrer ? Oui. Mais voyez vous, celui qui attaque le premier est celui qui possède l’avantage. Imaginez : Vous voilà à une table ronde, afin de manger avec vos amis. De chaque côté de vos couvert est une serviette de table. Si vous prenez celui de droite, alors votre voisin ne pourra prendre que celui de droite, et son voisin également. Si vous prenez celui de gauche, alors le même scénario se répète. Les choix de vos voisins ne sont plus des choix, car il n’y a à présent qu’une seule branche à leur dilemme. Ils ne peuvent à présent que prendre celui de droite, ou celui de gauche. Par votre action, les leurs sont scellées. En piquant un sprint, afin de décorer les côtes de Riesling de son poing serré et recouvert du métal de son gant, Légion venait de prendre la première serviette.
La cape du premier virevoltait au vent alors que les bras du second se déplaçaient pour former une position défensive. Le poing de Légion changea de trajet, pour se loger entre les avant-bras et le torse de sa cible, afin de déstabiliser son opposant, et surtout de le rapprocher un petit instant. Coup de tête contre le nez. Dans un rapide cri de douleur, la victime est déstabilisée. Les mains du frappeur se joigne, et l’équivalent d’une masse entre en collision avec la partie gauche de la mâchoire de Riesling. S’en suit un crochet du droit, puis du gauche, visant le visage. Le “seigneur” revient à lui, et anticipe une troisième attaque, vers la droite, car pourquoi stopperait-on dans son élan ? Mais Légion était capable de s’arrêter dans ses lancées. Un coup de genou gauche brise une côte. S’ensuit un coup de poing dans le genou. Profitant d’une nouvelle douleur de la part de son ennemi, il attrape la tête de son ennemi, pour retenter un autre coup de tête. Il s’est attaqué au dessert trop vite, car une pression rapide s’exerce sur son estomac. Un coup de poing dans le ventre. Il est accompagné d’un revers de la main monumental, et le guerrier tombe à la renverse.
De nouveau, viennent vrillement des oreilles, migraine, et mal au ventre. Le foulard qui lui ouvre la bouche est baissé, et un crachat de sang s’échappe de sa bouche. Une quinte de toux le prend soudainement. Mais malgré les bruits sourds de sa gorge, Légion entend quelqu’un courir. Riesling s’apprêtait à lui briser les côtes d’un coup de pied magistral. Il n’y arriva pas. Un objet en métal vient d’entrer en collision avec sa tête. De ses bras tremblant, Légion avait ôté son casque, signe de très mauvais augures, et avec une vision troublée, et une ouïe meurtrie, il asséna un coup au visage de son ennemi avec. Rapidement, il le lance sur son visage, et le torse-nu tombe sur le dos. Le spectre fonce, titubant à moitié, et arrache à la ceinture de son adversaire son flacon d’alcool si précieux. Il le frappe avec. Le récipient explose, et le verre s’enfonce dans le visage du personnage pâle comme dans le poing de celui aux yeux de braise. Un coup de poing est asséné. Un autre, suivi d’un autre, et d’un autre. Les morceaux pointus enfoncés dans les phalanges ne sont qu’une amélioration. Ignorant la douleur, Légion s’acharne, jusqu’à ce que le visage face au sien ne soit plus reconnaissable. Encore après, il s’acharne. Lorsque le corps ne bouge plus, Légion continue encore. L’alcool dégouline sur le visage, et se mélange au sang.
Après quarante secondes de pilonnage, il s’arrête enfin. Le sang cogne contre ses tempes. Vient la réalisation. Avec la réalisation, le dégoût. Les oreilles vrillent à nouveau. Les yeux ne restent plus en place. Mais ce ne sont pas des sifflements, dans les oreilles. Ce sont des cris. Ce sont des entrailles qui sont écrasés, des os qui sont brisés. Il tente de reculer, mais il n’y arrive pas. Il sent ses pieds attrapés par ses remords. Le sang sur son poing est rouge. Ce n’est pas le sien. Alors que la lumière commence à perdre de sa puissance, l’effroi lui cesse ses mouvements. La respiration s’accélère. Les cris s’intensifient. Un corps qui ne bouge pas, et les doigts de Légion tremblent. Le casque de métal est à côté de l’ennemi toujours à terre. Et les remords arrivent…
"Le moment n’est pas convenu… j’imagine..."
Légion tourne lentement la tête, et une figure bien familière est là.
Légion
Age : 40 Date d'inscription : 04/03/2017 Nombre de messages : 740Bon ou mauvais ? : "Bon" Zénies : 1570 Rang : -
Sujet: Re: Un monde sans héros. Dim 10 Sep 2017 - 14:21
L'adrénaline se détache de l'enveloppe spectrale désormais tristement endommagée. Des gouttes noires tâchent le sol par petits intervalles. Est-ce à quoi ressemble le sang des morts ? Le sang des âmes ? Sa chair n'était plus chair. Son armure n'était peut-être pas véritable non plus. Son corps était-il le même que lorsqu’il était vivant ? Comment pouvait-il encore respirer s’il n’était pas vivant ? Comment pouvait-il souffrir s’il n’était pas vivant ? Quelles sont les règles que doivent suivre les morts ? Sont-elles les mêmes ? Doit-il manger ? Boire ? Une âme peut-elle saigner comme un corps ? Est-ce là dont vient le deuil ? La douleur des vivants face à la mort est-elle la souffrance des défunts ? Non. Qui pleurerait celui qui a fait de la Terre sa chienne ?
Nous voilà au moment où, après le combat, après les poings qui se brisent sur les os, qui transpercent les organes, qui arrachent la peau et les yeux, qui se faufilent dans les orbites pour tripoter des ongles les globes oculaires, après les dents qui résistent tant bien que mal à une expulsion brutale après un choc trop brutal, après les pieds qui foncent dans les estomacs, les entrejambes, et les mollets, après les fronts qui écrasent les nez et les lèvres, après la brutalité primitive de l’être vivant désirant provoquer la douleur chez un autre, après la souffrance dans deux camps opposés, après cette libération de la rage, de la colère, et désir de mal envers autrui… Il n’y avait que le remord. Un profond sentiment de remord. Et puis plus rien. Hormis cette tristesse. Le regret d’avoir causé cette douleur envers un autre. Était-ce cela qui accaparait Légion à l’instant ? Non… Il y avait autre chose.
Légion n’était pas seul, avec à ses pied le résultat de son dernier combat. Les tempes ne battent plus. La respiration ralentit. Les battements de coeurs sont inaudibles à présent. Des poids s’attachent aux membres, se pendant. Tout s’alourdit. La fatigue se met à conquérir le corps, une nouvelle fois. Pourtant, le regard de Légion ne se focalise pas sur ces mauvaises émotions. Une figure imposante se tenait face à lui : un énorme siège. Un trône de pierre, qui pourrait supporter un géant. Pourtant, ce qui se tenait sur cet immense meuble de roche n’était en rien un colosse. C’était… un petit homme. Un petit homme triste, au visage maigre, aux joues peu enflées, au teint et aux lèvres dépourvues d’autres couleurs qu’un gris rougeâtre. C’était un petit homme. Un petit homme habillé comme un petit roi. Une couronne sans joyaux est posée sur sa tête. Une petit cape de velour pourpre couvrant son torse maigre et nu est accompagnée d’une petite robe de noble bleue et décorée de lignes de tissus dorés. Il n’avait pas de jambe, et pourtant… et pourtant, comment s’était-il déplacé jusqu’ici ?
"Veuillez m’excuser… Vous ai-je fait peur ?"
Légion avait peur. Non pas de ce frêle personnage qu’il avait déjà aperçu. Il avait peur de sa conscience. Il sortait de la salle maudite où il fut confronté à une chose qu’il ne pouvait décrire. Il avait perdu, et pourtant, nul ne sut comment il s’en était sorti. L’enfer. Ce qu’il y a en enfer, vous le savez. Tout le monde le sait. En enfer se trouve la pire chose qui soit dans le monde. Cela va plus loin que la peur. Que la douleur. Que la mort. C’est insupportable, et cela varie d’un individu à un autre individu. Cela peut être d’être enterré vivant, d’être émasculé, d’être empalé vif, ou bien le silence pur, les rats, les corbeaux. Elle peut être un effet, une douleur, un animal, un objet, une situation, une émotion, ou bien une seule et unique personne. Pour Légion, c’était bien simple. Dans le miroir se trouvait ce qui le touchait au plus profond de son coeur, ce qui prenait son esprit à deux mains et le déchirait en de multiples morceaux. Dans le miroir se trouvait la pire chose qui soit dans ce monde.
Les remords étaient là. Ils n’avaient pas l’intention de s’en aller. Des cris. Des hurlements. Il subissait chaque douleur comme il en avait fait subir. Le seul sang qui coulait provenait de ses plaies, et ce sang noir, ce sang de fantôme semblable à l’encre d’un livre ouvert sous la pluie, qui dégouline pour se joindre au ruisseau, ce sang était le sien. Son adversaire à terre n’était qu’un autre pour le rejoindre tous. On pouvait se dire qu’il le méritait. On pouvait se dire qu’il valait mieux mettre un terme à sa vie qu’attendre que les dégâts causés par son existence et ses actions exécrables s’accumulent. On pouvait se dire tant de chose. Mais le fait est là. Il souffrait. Il venait de rajouter un autre nom parmi ses meurtres. Ainsi pensait-il…
"Ces remords vous importunent-ils ?.. Laissez-moi les chasser..."
Cette voix était apaisante. Cette voix réchauffait le coeur. Le Juge était un personnage doux. Il semblait avoir des difficultés pour former des phrases. Ou bien avait-il des difficultés à respirer ? Une faible pression sanguine ? Il regardait de ses yeux creux le Spectre, avec une expression triste sur son visage. Leurs regards ne se croisaient pas, car celui du petit personnage semblait traverser son interlocuteur. C’était comme s’il n’y avait rien entre lui et le mur. Comme si le plan physique ne lui importait pas. Ses mots touchaient l’esprit. Mais n’étaient-ils pas tous des esprits en ce lieu de douleurs et de punitions ? Des questions traversaient les têtes de tous ceux qui jugeaient important de se questionner sur ce monde après la mort. Quelles sont les règles ici-haut ? Nul vivant ne le sait.
"Le Seigneur Ryesling n’est pas mort... Vous n’avez commis aucun crime depuis votre sortie... Bien entendu... il reste les ogres… mais nous pouvons les ramener à… n’importe quel moment..."
Les mains qui entravaient Légion disparurent. Les chaînes du regrets ne devinrent que du nylon. La tristesse s’en alla. Ainsi n’avait-il tué personne ?
”Mais… comment ?!”
"Le flacon… Il est capable de grande propriétés.... médicinales et apaisantes pour l’esprit… Il permet à un dieu d’être… cruel et malveillant quand il le souhaite sans avoir à… souffrir mentalement… Cependant, son ego fait la majeure… partie du travail… Son corps se reconstitue… petit à petit..."
Légion regarda ses mains : Les coupures engendrées par les bouts de verre disparaissaient à vue d’oeil. Cependant, parmi les mots du juge, un groupe raisonna dans le mental du fantôme : “Apaisantes pour l’esprit” ?
"Cependant… vous… vous ne pourriez pas en bénéficier pleinement… Votre mental est bien trop affecté..."
Pouvait-il lire dans les esprits, ou bien était-ce si prévisible qu’il allait poser cette question ? Le petit homme sans jambe, sans muscle, et possesseur d’un trône massif de roche, était étrange pour le moins dire. Ses coudes posés sur ses genoux, ou bien là où ils devraient être, ses mains croisées, et sa tête posée dessus, il continuait à regarder le fantôme à la cape rouge de ses mêmes yeux tristes, traversant son corps comme une lance. Peut-être était-il aveugle ?
"Mais… vous venez de donner… une leçon mémorable à notre… bon camarade Ryesling… Enfin se taira-t-il… Ces dieux méritaient un exemple sur… la puissance des vivants… Et je vous en remercie..."
Son discours était aussi étrange que son apparence. Était-il heureux du sort de ce qui semblait être son employeur ? Ou bien avait-il eu une rancune particulière avec l’alcoolique divin ?
"Et pour cela... vous méritez une petite récompense..."
Quelque chose était dans la main du spectre silencieux depuis quelques minutes. Il regarda dans sa paume. Un petit flacon était présent. Dans le récipient était un liquide orange et rouge, une flamme cristallisée puis liquéfiée. La première réaction de l’épéiste fut tout à fait logique, car il dégoupilla et but le contenu de la bouteille dont on venait de lui chanter les louanges, sans réfléchir au pourquoi ni au comment. Peut-être était-ce un piège ? Il n’y avait pas pensé. Il voulait juste que son anxiété le laisse tranquille pendant une seconde ou deux. Et effectivement, il se sentit soulagé.
"Derrière vous se trouve un… passage vers le monde des vivants… Vous n’aurez qu’à pousser ce portail..."
Légion se retourna. Il y avait effectivement une énorme porte de bois, semblable à celles qui permettait d’entrer dans une salle du trône. Elle n’était pas là il y avait cinq secondes. La tête du personnage au chapeau pointu de métal se tourna à nouveau vers celui qui n’avait pas de jambe.
”Vous me laissez partir aussi simplement que cela ? ”
Un sourire se dessina sur le visage sans cheveux du personnage assis.
"Croyez moi… vous ne pourrez plus faire de mal à personne, dans votre état… Et puis… vous vous êtes donné tant de mal à venir ici… Cependant… je tiens à le préciser : La mort ne vous accueillera plus..."
Légion tourna à nouveau la tête vers la porte, puis le Juge, puis la porte, puis le Juge, interrogatif. Mais lorsqu’il voulut observer le Juge une dernière fois, il n’était plus là. Il ne restait plus que le spectre, le dieu à terre, une salle vide, et une grande porte. Il allait sortir de cet enfer. Enfin. Mais pourtant quelque chose le retenait. Une peur commune à tous. Comment sa vie allait-elle être à présent ? Serait-il encore vivant ? Après une grande respiration, et un coup de pied dans les côtes du “Seigneur” Ryesling pour bonne mesure, ses mains poussèrent le bois. La lumière du jour manqua de l’aveugler. Il esquissa un pas, avant de tomber dans le vide. Car l’au-delà se trouvait au dessus de la Terre, et nul ne sait combien de temps il. Mais une chose est sûre : Il brûla de mille feux dans sa chute.
Le dieu qui venait de se prendre la raclée de son éternelle vie commençait à reprendre conscience alors que le plafond s’écroulait. Une voix nasillarde résonna dans la pièce, une voix puissante qui devenait insupportable après deux secondes. Une entrée en scène bien trop dramatique pour le pauvre monde divin.
”Ton évasion se retrouve coupée court, Spectre ! Prépare-toi à… Oh, on dirait que j’arrive en retard… Mince… Je vais avoir des ennuis...
Au milieu d’une clairière, deux loups se disputaient un cadavre. Leur surprise fut grande quand le cadavre leur frappa le museau pour les faire déguerpir. Le corps se levaient. Les flammes étaient toujours sur son corps. Les lames là où il les avait laissé. Il ne restait qu’une douleur au cou, comme un mauvais torticoli. Rangeant sa dague à sa ceinture et son épée dans son dos, il se demanda quel serait son premier geste. Il opta pour aller boire un coup.