Fluctuations spatiales de Jade

L'impression que la nuit ne finira jamais... Techniquement, il n'y a pas de jour ni de nuit dans l'espace, mais les lumières du cœur de fer étaient réglé pour vous donner un rythme de vie supportable dans les quartiers d'habitation. De toute façon, le réveil de Jade, réglé pour la réveiller dans quelques heures pour plancher à nouveau sur la prothèse d'Ajito, était formel : cela faisait presque deux heures qu'elle luttait contre ses poumons, ses nerfs, ses larmes.
Jade était en pleine crise d'angoisse, enroulée dans sa couverture, pressant le tissus contre son corps pour se contenir... Larve pleine de morve et de larme, déguisée en larve dans son rouleau de draps. S’étouffant elle-même le nez dans le tissus, elle entrait de façon répétée en apnée pour tenter de contrôler ses spasmes de panique. Ne plus respirer comme pour mettre en pause la crise... ça marchait le temps que ses poumons tenaient, et à force, elle était devenue endurance à ce petit jeu là. C'était assez étrange d'ailleurs, ce dédoublement d'esprit, entre son côté combatif qui tente de  reprendre le dessus et dormir, sachant que la crise passera... Et l'autre côté, celui qui alimentait la crise, qui enchainaient les visions de tous les démons qu'elle trainait. Le rejet de sa famille, la solitude, la peur de ne pas réussir le bras du prophète, ... et tout le reste. Le plus important. La peur d'être éternellement dans cette état, seule, et de ne jamais réussir à trouver un foyer... Ni même l'envie d'avoir un foyer. L'envie de disparaître était plus forte que l'envie de créer des liens. L'envie de s'isoler et l'envie de ne plus s'isoler. Deux mentalités qui luttait dans un tout petit corps. Petit paradoxe dans un petit corps, un corps en pleins cauchemar, pourtant bien éveillé. S'endormir pour sortir du cauchemar... encore une paradoxe.
L'alcool commença à faire effet. Elle avait fini par boire beaucoup... Le dernier remède à double tranchant : celui qui détend les muscles mais stimule la dépression : chimie du corps... Putain de saloperie de chimie du corps. Elle avait toujours été nulle en chimie et à voir comment elle gérait son auto-médication, ce n'était pas étonnant.

Plus que trois heures avant que le réveil ne sonne : Jade s'est endormi, les larmes séchées dans le coin de ses orbites, des mouchoirs trempés comme des grêlons autour de l'oreiller. Demain, comme tous les lendemains de crises, elle cacherait ses yeux gonflés et rougis, faisant d'elle un petit monstre dévisagé, contraint de s'isoler. ... Et elle aurait du mal à les garder ouverts, ses yeux congestionnés. Humiliation régulière auquel elle s'était habituée. Demain passerait vite, et son corps ayant exprimer un bon coup ses angoisses, elle dormirait mieux demain soir.

Jade sourit. Elle venait de finir ses plans. Plus qu'à passé à la fabrication... Elle avait encore certes des petites choses à régler mais ses détails elle les ajusterait sur le vrai modèle. Elle n'avait jamais été une designer du genre à faire trop de plan sur le papier : elle, elle prototypait. Et ça payait toujours. Du coup, elle n'avait plus qu'à descendre sur Kanasa. Le cœur de fer était déjà en orbite de la planète depuis une demi-journée... Il était l'heure d'accoster.
Kanasa...
Le berceau, et le tombeau.
Emmitouflée dans un gros manteau qu'on lui avait aimablement offert -une véritable cité-entreprise, demandez et l'équipage du coeur de fer vous comblera pour que votre productivité ne soit pas entravé par un manque de confort- elle monta dans une capsule et descendit à la base de lancement. Les métamols tolèrent très mal le froid, et elle en tremblait d'avance...
A tous les coups il pleuvrait. Il pleut toujours sur foutue Kanasa. Un sourire s'échappa malgré elle sur ses lèvres : Elle adorait cette foutue planète.

Dans une capsule était une métamole. Une petite et ridiculement seule petite métamole, dans une sphère métallique, dans l'espace.
Un petit cocon miniature, une poussière dans le cosmos... Un petit pois volant.
Et le petit pois avait beau être petit, ridicule et seul, il avait paradoxalement le monde à ses pieds : toutes les planètes étaient des possibles destinations. Toutes les civilisations étaient à rencontrer. Tous les paysages l'appelaient, ce petit pois, à venir rouler un peu, le temps d'une aventure à improviser.

Mais sa passagère n'était pas du genre aventurière. Plus trop en tout cas. Jade savait que malgré son caractère démerde et indépendant, elle n'aimait pas vraiment être seule, elle qui l'avait toujours été. Elle ne profitait que peu de sa liberté et passait son temps à chercher de la compagnie, sans pourtant vouloir s'y attacher. Était-ce si nouveau ? Peut-être qu'à force de perdre des amis, des amants, des enfants, de se perdre à ne plus savoir de quoi son passé était fait, elle avait de plus en plus besoin de points fixes. Ou peut-être que son errance de toujours avait été justement une quête de l'autre, depuis le début. Petit pois recherche gousse, désespérément.

Et bien que Jade boudait l'univers, l'univers lui, avait décidé de l'exaucer : alors qu'elle parcourait passive, les informations galactiques d'un œil distrait, elle vit qu'on avait tenté de la joindre. Depuis Kanasa.

Jade se réveilla alors et lu un message d'Aldenice : la femme-poisson, maladroite avec la technologie, avait envoyé une simple alerte, et en PJ un article de journal local. Des enlèvements, sur la planète, des disparitions. Très peu d'informations, une police locale attaquée et pas encore de solution. Une note de la kanasienne annoncé que parmi les disparus se trouvait Biscok, son fils, son dernier fils. La petite métamole, dans son petit pois de fer, sentit son coeur faire un bond : elle avait déjà perdu 2 familles, et Aldenice était tout ce qui restait qui se rapprochait le plus d'un foyer.
La destination de Kanasa fut prise par la capsule.


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Autrefois à la tête du coeur de fer, Jade était maintenant contrainte de voyager en simple capsule individuelle : elle posa la sienne sur Kanasa, d'où une message d'alerte lui avait été envoyé. Au premier regard Jade n'avait rien constaté : pas de Guerre, pas de sayen, de ganshous ou d'autres menaces. Sans doute donc un terrorisme local, d'où le manque de moyens mis en œuvre pour le contrer.

Alors, habituée des enquêtes et des histoires de vilains pas-beaux, elle alluma sa radio, ses ports de communications, et n'eut pas vraiment à chercher : le hasard avait mis sur son chemin un vaisseau inconnu, stationnaire en orbite. La mécano immobilisa sa capsule via une petite manipulation électronique qui serait mal vue des gestionnaires des bases de lancement. En effet les Capsule individuelles n'étaient pas sensées être pilotables : elles ne sont faites que pour aller d'un point A à un point B, programmées par les bases au sol. Jade n'avait plus de vaisseau et n'allait pas avoir les moyens d'en louer un pour aller vers l'envahisseur et sans doute le perdre... Il fallait réquisitionner, et ce qui prenait moins de temps, car qui savait si Biscok n'était pas déjà en péril.

Maintenant, elle devait tenter sa chance et se rapprocher du vaisseau : bon, ok, c'était un peu random car rien ne lui prouvait que CE vaisseau était justement le repère des kidnappeurs... Mais bon, ce n'est pas tous les jours qu'un cargo à bestiaux sans immatriculation, avec un énorme poignard rouge et noir peint sur la coque reste en orbite. Sans vouloir tomber dans les a prioris, il y avait fort à parier que Jade avait trouvé le vilain de l'histoire.. Hein. Mais bon, au pire elle débarquerait clandestinement au milieu d'un vaisseau remplis de cargaison agricole arrêté pour une raison X ou Y et elle s'en tirerait avec un sourire ou bien... Elle allait risquer sa vie seule au milieu d'un navire de malfrats.
Jade remonta ses lunettes sur son nez et regarda son reflet à travers la vitre rosée de son cockpit.
"Rosten, ferme-les yeux, tu ne veux pas voir ça." dit-elle en souriant, sachant qu'elle allait faire une grosse connerie : déjà elle avait réorienté les propulseurs et se rapprochait furtivement de la coque suspecte.

La silhouette petite d'une femme emmitouflé dans un gros manteau était entré dans le hangar. Elle parut gênée en expliquant au personnel que sa dernière capsule avait été "mystérieusement" sabotée et perdue dans l'espace.
"J'ai failli mourir vous savez !" Fit Jade en tentant de faire croire que cela n'était pas son œuvre alors qu'elle avait sciemment abandonné la capsule en orbite.
Le mec lui demanda de remplir un formulaire et lui proposa une nouvelle capsule individuelle pour quitter la planète.
"Sérieusement ? Vous me laissez repartir comme ça alors que j'ai perdu une de vos navettes ?" Fit Jade étonné que son bluff et son jeu d'acteur misérable ait éveillé la pitié de l'employé.
"Nous sommes assurés... Heureusement vu le nombre de capsules qui explosent dans les airs à cause de guerriers énervés... Remplissez juste ça et on sera tous couverts."
"Oh." fit Jade en signant Al Colik sur le document.

Elle partit ainsi vers d'autres missions... Mais la suite de son histoire, elle, sera narrée sur Héra.