Reviens ici, saleté !À nouveau, l'insectoïde bondit avant qu'il ait pu s'en saisir, se servant du relief accidenté pour se camoufler. 17 abattit son poing sur la plate-forme minérale où il venait de se poser, une seconde trop tard pour mettre la main dessus. Sentant monter l'énervement, il s'obligea à prendre une courte pause, en profitant pour se recoiffer sommairement alors qu'il se redressait. Patient, il ne l'était pas, et ce jeu du chat et de la souris commençait à lui porter sur les nerfs.
Mais abandonner la partie n'était pas une option - car ce qu'il pourchassait, c'était un de ces satanés Cell Junior ; le premier qu'il avait pu trouver.
Il savait qu'ils étaient ainsi nommés, mais aussi combien ils étaient - et le danger qu'ils représentaient. Même assimilé par Cell, il n'avait jamais tout à fait cessé d'exister. Et à travers lui, il avait été témoin de toute la scène, jusqu'aux derniers instants. Une expérience qu'il ne tenait pas vraiment à se remémorer, pour des raisons évidentes, mais qui lui permettait d'avoir un meilleur aperçu de ce qu'il avait manqué.
Depuis qu'il avait été ramené à la vie par les Boules de Cristal, 17 avait fait profil bas. Ayant disparu dans la nature après ses méfaits d'après les autorités, il avait l'opportunité de prendre un nouveau départ, et comptait bien en profiter.
Et il avait essayé de le faire ; vraiment. De laisser son passé derrière lui et de tout oublier -ce qui n'aurait pas dû être bien compliqué : après tout, on lui avait déjà effacé la mémoire une première fois, il n'y a pas si longtemps de cela.
Mais quelque chose continuait de le préoccuper, sans savoir quoi exactement ; une sorte de pressentiment. Incapable de l'expliquer et de lui trouver un sens, il s'était borné à croire qu'il imaginait des choses et n'avait pas cherché plus loin.
Cela ne l'avait pas empêché de partir sur les routes. Empruntant le premier bolide à son goût qu'il avait pu trouver, il s'était mis en tête de voir du pays. Il ne prévoyait aucune destination, se laissait guider par ses envies. Rien d'autre que lui, la vitesse et le vent dans ses cheveux.
Mais s'il n'avait pas besoin de se nourrir, son véhicule, lui, réclamait qu'on le recharge en carburant de temps à autre. En entrant dans la station-service pour y prélever quelques provisions, il eut l'occasion de poser les yeux sur un poste de télévision pour la première fois depuis des semaines - et c'est là qu'il comprit ce qui le travaillait depuis tout ce temps.
UNE ÉTRANGE CRÉATURE APERÇUE AUX ABORDS DE WEST CITY
CELL SERAIT-IL DE RETOUR ?
Les images étaient floues, manifestement prises par un caméraman partagé entre son devoir journalistique et une peur viscérale, mais 17 avait vu ces choses d'assez près - fut-ce à travers des yeux qui n'étaient pas les siens - pour les reconnaître au premier regard.
On ne pouvait reprocher leur confusion aux médias : ils étaient le portrait craché de leur père.
C'était d'une logique aussi irritante qu'imparable : puisqu'il les avait créés à son image, pourquoi les aurait-il privé d'un des plus beaux cadeaux qu'il puisse leur faire - de pouvoir se régénérer ?
17 le réalisait à présent : une partie de lui le savait déjà, sans pouvoir dire si c'était le fruit de sa propre réflexion ou le fait d'avoir communié avec Cell contre son gré.
Voilà donc qu'il était fixé... Et qu'était-il censé faire de cette information ? Ces gros titres lui rappelaient de mauvais souvenirs, mais ça ne voulait pas dire qu'il doive y faire quelque chose.
Il aurait très bien pu considérer que ce n'était plus son problème. Laisser le soin à ces pénibles Saiyans - ceux encore en vie, du moins - ou à l'un de leurs amis de s'en occuper. S'ils avaient pu vaincre Cell, ils devraient pouvoir se débrouiller avec sa progéniture... Même si celle-ci avait bien failli tuer plusieurs d'entre eux quelques minutes à peine après être venue au monde. Peut-être serait-ce à nouveau le cas ; peut-être qu'il s'agirait de Krilin... Qui, sans qu'il lui ait rien demandé, l'avait soulagé de la bombe plantée dans son corps.
Et puis non.Alors, il était remonté à bord de son coupé sport et avait fait demi-tour. S'était mis en route pour West City et sa banlieue, renonçant à la musique de son auto-radio pour écouter les bulletins d'information faisant état d'apparitions du « fantôme de Cell », entre autres hypothèses fantaisistes.
Ignorant tant les feux rouges que les limites de vitesse et semant sans mal les quelques policiers y trouvant à redire, il ne lui avait pas fallu longtemps pour arriver sur place et se mettre en chasse. Ce n'était pas bien difficile : les quelques passages de l'affreux rejeton en ville avaient fait sensation.
Pourtant, aucune victime n'était encore à déplorer : cherchait-il un type de « gibier » spécifique au sein de la population ? Mieux valait ne pas attendre de le vérifier.
En quelques dizaines de minutes, il l'avait repéré dans les terres désolées à quelques kilomètres de là, sa couleur bleue le rendant excessivement voyant au milieu de cet environnement.
Le trouver était facile. L'attraper, par contre...
Peut-être avait-il manqué de subtilité dans son approche : en le voyant, le Cell Junior s'était instantanément douté qu'il ne lui voulait pas du bien. Malgré quelques coups échangés, il avait fui l'affrontement dès qu'il l'avait pu - et, depuis, mettait tout en œuvre pour se soustraire à sa vue.
Il fallait bien l'admettre : le cyborg n'avait pas prévu que ça se passerait de cette manière.
Attends un peu que je t'attrape... Tu vas voir !L'ayant aperçu du coin de l’œil, il se jeta sur lui une fois encore, les mains chargées d'une énergie crépitante, déchirant la pierre au milieu de laquelle s'était engagée cette course-poursuite. Malgré cette vélocité et la pluie de gravats provoquée par son attaque, l'engeance fut en mesure d'en sortir indemne, creusant encore la distance entre eux.
C-17 n'avait aucun moyen de percevoir la puissance, mais de ce qu'il avait pu en voir, ces demi-portions n'avaient - aussi humiliant que ce soit - rien à lui envier. Lui le savait, mais à en juger par ses réactions paniquées, ça n'avait pas l'air d'être le cas de sa cible. Il aurait presque été tenté de le lui divulguer pour qu'il vienne l'affronter de face, mais mieux valait s'abstenir - et l'abattre avant qu'il ait pu le constater par lui-même.
Servir de repas à Cell, puis vivre avec lui sa défaite -
ses défaites - avait été une leçon de modestie particulièrement cuisante, et une pilule que le cyborg avait encore du mal à avaler. Son arrogance lui avait coûté trop cher pour qu'il la laisse encore lui jouer des tours. Fini de plaisanter.
Avant, sans doute aurait-il fini par perdre son sang-froid ; faire exploser la moitié de la région pour débusquer cette vermine. Mais il n'était plus le même. Et quand il prenait la peine d'utiliser sa tête, il le faisait bien. Aussi, lorsqu'il entrevit une ombre tapie parmi les rochers à la périphérie de sa vision, tentant de se faufiler à son insu, il sut qu'il avait gagné.
Je te tiens !Le Cell Junior glapit : 17 venait de former un globe d'énergie autour de lui, enveloppant parfaitement sa modeste silhouette - et de s'assurer, non sans satisfaction, qu'il en avait rendu les parois assez solides pour qu'il ne puisse en sortir si facilement. Eux, cyborgs, comptaient dans leur répertoire une robuste barrière capable de tout repousser ; ce n'était qu'une question de temps avant que l'un d'entre eux ait l'idée de s'en servir comme cage.
Encore fallait-il y penser.
Tu m'auras bien fait courir...Ce n'était pas un compliment. Ne pas ressentir la fatigue ne voulait pas dire que cette altercation ne l'avait pas usé. Alors que le Cell Junior tâtonnait chaque recoin de sa geôle - cherchant une issue, un point faible, sans en trouver aucun : son concepteur y avait veillé -, il prit le temps de l'observer.
Il ne payait pas de mine. Si Cell ne les avait pas faits à son effigie, on ne les aurait sans doute pas trouvés si effrayants. Et d'ailleurs, jusqu'à quel point lui ressemblaient-ils ? Partageaient-ils sa cruauté, son complexe de supériorité ? Si on les laissait grandir, à supposer qu'ils le puissent, deviendraient-ils en tout point identiques ?...
Il n'avait pas le temps pour ce genre de question. Il devait en finir.
Sa proie se mit à gesticuler de plus belle lorsque l'orbe dont elle ne pouvait s'échapper se mit à rétrécir, lentement mais sûrement - lui promettant une mort tout sauf douce lorsqu'il deviendrait trop petit pour le contenir. De cette manière, le cyborg pouvait être sûr de le broyer jusqu'au noyau sans qu'aucune miette ne lui échappe - mais ça n'allait pas être beau à voir.
Une dernière parole ? Une demande futile - il avait bien constaté que ces choses ne parlaient pas -, mais... On ne sait jamais. Soudain, alors qu'il s'apprêtait à en finir, il se surprit à lire ce qu'il n'aurait jamais cru voir dans l'expression du condamné.
De la peur.
Doutant de ce qu'il venait de voir, il suspendit son geste sous l'effet de la surprise. Jamais il n'aurait cru qu'ils puissent la ressentir - qu'ils puissent être autre chose qu'un concentré de malveillance à l'état pur.
Pourtant, ce n'était pas dénué de sens. Lorsqu'il s'était rendu compte qu'il allait mourir - que sa « perfection » ne le sauverait pas -, Cell aussi avait été terrifié jusqu'au plus profond de son être. Alors partie intégrante de lui, l'ayant subi par procuration, il était bien placé pour savoir que ce sentiment était authentique. Dès lors, qu'y avait-il de surprenant à ce que ses « enfants » en soient eux aussi capables ?
Éberlué de ne pas avoir déjà été mis en pièces - et pour de bon, cette fois -, son captif releva vers lui des yeux interrogateurs depuis sa cellule énergétique. Tout infantile qu'il soit, il eut la présence d'esprit de s'abstenir de tout mouvement brusque - à moins que ce soit l'instinct de survie. Même immobile, le cyborg le tenait toujours à sa merci, lui consacrant toute son attention ; peut-être même plus encore qu'un instant auparavant.
Il réfléchissait.
Si ces petits monstres étaient capables d'émotions... Ça changeait beaucoup de choses.
Le docteur Gero s'était évertué à effacer les leurs, à C-18 et à lui, pour faire d'eux de parfaites machines à tuer., pour les soumettre à sa volonté. Par chance, toutes ses tentatives avaient échoué : s'il était arrivé à ses fins, jamais ils n'auraient pu reprendre le contrôle de leurs vies.
Probablement serait-il encore à ses ordres en ce moment, ou aurait été détruit en combattant en son nom. Un frisson d'indignation et de dégoût le parcourut à cette idée.
En somme, leur capacité à ressentir et à penser par eux-mêmes était ce qui leur avait permis de retrouver leur liberté. Si ces qualités pouvaient se retrouver chez eux, s'ils étaient plus qu'une simple extension de leur figure paternelle, ne méritaient-ils pas aussi qu'on leur laisse une chance ? Si les rôles avaient été inversés, n'aurait-il pas voulu qu'on lui en laisse une ?
S'il avait grandi autrement que dans la violence, si on lui avait montré de la gentillesse quand il en avait eu besoin... Sa vie serait peut-être bien différente.
Il fit la grimace.
Cette conscience qu'il se découvrait depuis sa renaissance ne lui rendait décidément pas la vie facile.
Après une dernière seconde d'hésitation, il se relâcha. La bulle qui gardait le Cell Junior enfermé clignota avant de disparaître. Incrédule, ce dernier ne se remit à bouger que très timidement, n'osant croire qu'il avait été épargné et redoutant sans doute qu'il s'agisse d'un jeu cruel.
Va-t-en ! Et que je ne te revoie pas, ou je reviendrai m'occuper de toi.Quoiqu'encore méfiant et ébranlé par ce qu'il venait de vivre, l'insectoïde s'en fut sans demander son reste, disparaissant rapidement entre les aplombs rocheux. Quant à savoir s'il avait bien fait, 17 n'en avait aucune idée : il ne pouvait que l'espérer. Après un dernier coup d’œil aux environs, il entreprit de quitter les lieux - à pieds, dans un premier temps. La marche lui ferait du bien.
Contrairement à ce que Cell avait pu prétendre, ils n'étaient pas frères ; ils n'étaient rien l'un pour l'autre. La seule chose qu'ils aient en commun était d'avoir été « fabriqués » par le même génie du mal, et il refusait toute forme de parenté qui passerait par lui.
Pourtant, il éprouvait une forme de responsabilité envers ces choses - ne serait-ce que parce que s'il ne s'en occupait pas, personne ne le ferait ; ceux qui les avaient affrontés ne savaient sans doute même pas qu'ils étaient encore en vie. Et il ne pouvait pas les laisser sans surveillance.
Les abandonner à leur sort, ce serait courir le risque qu'ils sèment le chaos tôt ou tard, volontairement ou non. L'on ne pouvait pas dire qu'ils passent inaperçus, et leur apparence leur vaudrait d'être traités comme des monstres par la population - ce qui cause rarement les meilleures réactions ; il en savait quelque chose.
Le docteur avait fait suffisamment de mal ; ça s'arrêtait ici. De sa main, s'il le fallait.
Alors qu'il était sur le point de prendre son envol, il perçut un bruit derrière lui et se retourna immédiatement, un orbe d'énergie à la main - prêt à tirer. À sa grande surprise, il se retrouva nez à nez avec le même Cell Junior, n'ayant aucun mal à l'identifier à l'aide de la poussière dont il était couvert.
Pensant qu'il se préparait à l'attaquer en traître, il s'étonna de ne sentir chez lui aucune trace d'agressivité. Non, d'après son comportement, il avait plutôt l'air... Perdu.
Comme un enfant qui cherche ses parents, se surprit à penser 17 - une réflexion d'autant plus déconcertante qu'il ne gardait des siens aucun souvenir.
Qu'est-ce que tu veux ? Tu es si pressé de mourir ? fit-il, méfiant. Il baissa lentement son bras armé, ayant remarqué que la créature s'était figée, comme prise dans les phares d'une voiture, lorsqu'il l'avait pointé vers elle.
Cela fait, et bien que la sphère d'énergie continue de rayonner au bout de ses doigts par précaution, le Cell Junior trottina prudemment dans sa direction. Sur ses gardes, 17 le laissa venir jusqu'à lui - mais rien n'aurait pu le préparer à le voir tendre le bras vers lui, non pas pour l'attaquer mais comme s'il s'attendait à ce qu'il... Lui prenne la main ? De stupeur, le cyborg laissa son projectile se dissiper.
Tu... Veux venir avec moi ?Malgré l'évidence de ses propres doutes, le Cell Junior hocha timidement la tête. 17 ne sut qu'en penser. Comment était-il censé réagir ? De prime abord, il fut bien sûr tenté d'y voir un piège grossier ; une piètre tentative de l'amadouer pour mieux le trahir à la première occasion.
Mais... Là encore, sans qu'il se l'explique, il eut l'envie de lui laisser le bénéfice du doute.
Car même s'il ne voyait pas les choses de cette manière, il pouvait comprendre que, dans l'esprit infantile de ces étranges bambins, ils soient - 18 et lui - ce qu'ils avaient de plus proche d'une « famille » désormais.
Ce qui faisait d'eux les seuls « adultes » - en quelque sorte - sur lesquels ils puissent compter, et par conséquent les plus à même d'avoir une influence sur leur développement, dans un sens ou dans l'autre. S'il refusait de leur donner cette chance et qu'ils finissaient par mal tourner, ne serait-ce pas sa faute ? Ce n'était pas qu'il fasse grand cas des potentielles victimes, mais l'humanité qu'il s'efforçait de retrouver lui faisait dire que ce serait un triste gâchis.
Alors soit.
Peut-être était-ce une erreur, mais c'est aussi de celles-ci que l'on apprend.
Et puis, ce serait un bon entraînement. Entre autres déplaisantes conclusions, la façon dont il s'était fait avoir par Cell lui avait clairement montré qu'il manquait de vigilance ; rester en compagnie de cette menace miniature l'obligerait à rester vif à chaque instant.
Pff. Il ne faudra pas venir te plaindre... Abandonnant pour de bon la perspective d'un dénouement violent, il lui tourna le dos et, fourrant les mains dans ses poches, commença à s'élever dans les airs, lui laissant le temps de l'y rejoindre si c'était vraiment ce qu'il voulait. Mais qu'il ne tarde pas trop : la route jusqu'à la ville serait longue, et il n'était pas sûr de se rappeler où il s'était garé. Derrière lui, l'hybride ne tarda pas à suivre.
Je te préviens, tu as intérêt à te tenir tranquille en voiture !Et dire qu'il en restait encore six autres en liberté...