[EVENT] Cabane de Kyabe

S'éloignant des chemins pavés du Hameau du Désespoir, l'intuition du sadalien l'avait lentement mais sûrement amené aux environs d'un étang à l'eau claire, situé non loin de la lisière d'une forêt dont les épais feuillages n'auguraient pourtant rien de rassurant. Sur son rivage se trouvait une cabane de pêcheur ; une bicoque qui avait subi les désastres du temps et des embruns, faite d'un bois cendré, dont la structure bien que convenable semblait ne plus en avoir pour longtemps.

Bien que charmant à première vue, l'endroit n'inspirait pas confiance au justicier : qu'est-ce qui lui disait que tout cela n'était pas un moyen de tromper sa vigilance et ainsi lui faire connaitre une mort aussi injuste que cruelle ? Tout son corps se figea à cette simple pensée. Perdu au cœur d'un monde dont il ne savait rien, tout ce qui lui restait à faire était de surveiller ses arrières et se fier au peu d'indications qu'il pouvait récolter sur où il se trouvait, quels dangers l'attendaient, quels outils étaient à sa disposition pour lui permettre de se défendre et d'avoir ses chances dans ce jeu, orchestré par le Diable lui-même, auquel il ne se souvient pas avoir été inscrit. Était-ce sa sentence pour avoir réchappé des profondeurs du Néant ? Non... Non ! Il refusait d'y croire. S'il avait réussi à survivre, à se battre envers et contre tout, à trouver des alliés et même retrouver des camarades de son univers d'origine, pourquoi faudrait-il que tout cela n'ait été qu'un rêve injustement chargé d'espoir ? Kale, Caulifla... Le Prince Turion... Le Caporal Scalio... Et son mentor, Vegeta... Où pouvaient-ils bien être, en ce moment, alors qu'il affrontait seul des épreuves qui le dépassaient ? Il avait tant de choses à leur dire...

Ce fut avec une certaine hésitation qu'il finit par franchir les quelques mètres qui le séparaient du refuge qui, de toute évidence, lui avait été assigné. La porte en bois, surmontée d'un trophée de pêche à l'effigie d'une créature des mers, était recouverte d'un filet de pêche qui s'était probablement envolé lors d'une intempérie et qui l'empêchait d'accéder convenablement à la serrure. Après l'avoir longuement démêlé, il put enfin insérer la clé qui lui avait été confiée dans l'emplacement prévu à cet effet, entrant d'un pas prudent.

"... est-ce qu'il y a quelqu'un ?" demanda-t-il tout haut, sa politesse naturelle passant décidément avant tout.

L’intérieur n'était guère plus accueillant, et seul un tas de paille bien ordonné lui inspirait confiance — il avait connu des conditions bien moins engageantes durant certaines de ses missions sur Sadala, forcé de dormir à même le sol brûlant ou à plusieurs mètres de hauteur dans des branchages pas plus épais que lui, luttant du mieux qu'il pouvait contre la fatigue tout en montant la garde. En faisant un bref état des lieux, il nota la présence d'une canne à pêche qui ne semblait pas avoir beaucoup servi, ainsi qu'une vieille épée rouillée posée entre les brindilles de la paillasse qui lui servait de lit. Il n'avait jamais manié une telle arme, se servant davantage de ses jambes et de ses poings, mais malgré son apparence usée, le tranchant de la lame semblait encore aiguisé. Allait-il pouvoir se défendre avec un tel outil ? Allait-il le devoir, de toute façon ? Quelles menaces l'attendaient ? Il scruta le paysage par la seule ouverture à hauteur de vue qui avait été faite, au-dessus de là où un seau en bois vide avait été négligemment posé. Aucune présence ne se profilait à l'horizon ; seul le vent traçait quelques remous sur la surface de l'étang, apportant un peu de vie à ce paysage paisible, mais figé.

Assis sur le banc de bois, il s'accorda un peu de repos avant de se mettre à réfléchir à la suite des évènements. Obligé de se débrouiller par ses propres moyens, dépourvu sa faculté à donner forme à son énergie vitale, il lui fallait compter sur le peu de ressources à sa disposition pour s'en sortir, et il ne perdit pas une minute de plus à laisser son esprit envahi par le désespoir, procédant méthodiquement à l'aide de ses compétences en survie.

Tout d'abord, il s'empressa de vérifier la solidité de la cabane, et fit de son mieux pour consolider les jointures les plus endommagées. Il dégagea le passage au niveau de la fenêtre et de la porte, afin d'être certain de pouvoir fuir s'il le fallait ; dans le même temps, il s'assura que le verrou sur la porte était bel et bien fiable afin de pouvoir se protéger s'il le devait. Ensuite, le reste des planches qui n'avaient pas servi à combler les murs furent rangées à la verticale, ou utilisées afin de creuser un renfoncement dans le sol pour accueillir un éventuel feu de camp. Le banc fut placé contre la paillasse, la lame rouillée et la canne à pêche non loin, et enfin l'un des filets fut tendu de façon à concevoir une embuscade rudimentaire dans le cas où il se faisait attaquer. Tous ses efforts finirent par porter leurs fruits et Cabba lui-même fut agréablement étonné de voir que malgré son nouveau corps de terrien, son endurance était restée sensiblement la même.

Il se laissa tomber entre les brins de paille pour préserver ses forces ; les minutes passèrent calmement alors qu'il perdait son regard dans la brume nuageuse par-delà la lucarne à l'aplomb de sa tête. Il envisagea d'explorer les sous-bois en quête d'un peu de bois sec et de quelques baies, puis il se souvint que toute cette mise en scène trompeuse — bien que crédible — pouvait l’amener à se mettre en danger s'il relâchait sa vigilance ne serait-ce qu'un instant. Ainsi, il se redressa et resta attentif au moindre son, faute de pouvoir ressentir la moindre présence, ayant juré avoir entendu de l'agitation de l'autre côté de l'étang.

L'intuition de Cabba s'était avérée juste alors qu'elle avait poussé ce dernier a observer ce qui se passait à l’extérieur : quelques secondes plus tard, il aperçut une silhouette se détacher de l'horizon et se diriger vers la cabane qui lui servait de refuge. Sur ses gardes, le sadalien laissa le nouvel arrivant faire son chemin jusqu'à la bicoque, à la fois curieux mais surtout méfiant, prêt à bondir vers la nasse qu'il avait tendu un peu plus tôt et qui servirait à tendre une embuscade s'il s'agissait d'une personne mal intentionnée. Au bout de quelques secondes, les pas sur le ponton cessèrent, et une exclamation fit battre son cœur : une voix devenue familière l'appelait , et ce n'était pas n'importe laquelle...

"Capitaine !"

Celle d'un camarade, d'un subordonné, d'un allié, d'un natif de l'univers 6 tout comme lui, un homme qu'il n'avait pas encore eu le temps d'apprendre à connaitre personnellement mais avec qui il était unis par un même combat, par de mêmes péripéties, et par un même but — revenir sains et saufs sur leur planète natale.

"C'est vraiment soulageant de vous voir ici, mon ami !!"

"Mon ami" ? De l'autre côté de la porte, les joues du saiyan se mirent à rougir, a la fois déconcerté par cette marque de bienveillance et soulagé de savoir que Scalio avait également survécu à l'explosion sur Terre dans laquelle ils avaient été emportés tous les deux. Il était rassuré de savoir qu'il s'en était sorti. Est-ce que lui aussi avait été entrainé en ces lieux par la malice de ce dieu-démon qui l'avait ainsi privé de sa liberté et de ce qui faisait de lui ce qu'il était ? Avait-il également subi le même sort fâcheux, rendu incapable de disposer convenablement de sa précieuse énergie vitale ?

Et avant toute chose : étaient-ils tous les deux vivants, ou tout ceci n'était encore qu'un mauvais rêve ?

Ses doigts se précipitèrent sur la poignée, puis son corps tout en entier fut pris d'un sursaut, se figeant sur place. Alors qu'il s'apprêtait à retrouver son partenaire, l'esprit plus tranquille, il se trouva incapable de débloquer le verrou et d'abaisser le levier. Tout au fond de lui, de nombreux doutes s'étaient infiltrés, bloquant ses muscles et dirigeant ses pensées vers une seule éventualité : celle que le Caporal Scalio de l'autre côté du battant en bois, membre de l'Unité de Reconnaissance des Forces de Défense de Sadala, ne soit qu'une illusion très convaincante destinée à tromper sa vigilance.

Après tout, lorsqu'il avait passé les épreuves de l'Eau Sacrée dans le labyrinthe de glace, il avait été confronté aux projections de ses doutes, de ses désirs, de ses rêves, lesquelles avaient pris la forme de la personne la plus chère à ses yeux et à son cœur. Le Diable en Personne essayait de lui jouer un de ses mauvais tours de la même façon, c'était certain, mais d'autre part il voulait en être sûr — douter de ses camarades ne lui ressemblait pas, lui qui plaçait une confiance toute particulière en les soldats sous son commandement. Mais sans possibilité de sentir les énergies, distinguer le vrai du faux sera bien plus compliqué que prévu... C'était un risque à prendre et il allait le prendre volontiers ; ça faisait partie intégrante de son travail de défenseur, après tout. Quand bien même il s'agirait du véritable Scalio, il ne devait pas faire preuve d'imprudence avant d'en avoir le cœur net.

Le pacifiste prit une profonde inspiration, une main placée contre le battant en bois, l'autre sur le point d'activer l'embûche élaborée quelques minutes plus tôt.

"... Caporal, est-ce bien vous ?"

"La Terre n'était pas déjà DÉTRUITE normalement ?! Pourquoi nos "camarades" saiyans ne viennent pas de la planète Sadala et portent des uniformes étrange ?!"

Tout cela tomba comme un poids incommensurable sur ses épaules — un poids qu'il n'était lui-même pas parvenu à ôter complètement depuis son présumé retour dans le monde des vivants. Lors de leur premier contact à la Capitale Centrale, le discours que lui avait tenu Scalio lui avait réaliser ce qu'il redoutait au plus profond de lui : ils étaient tous les deux dans un monde qui n'était pas le leur, dans une temporalité qui ne leur appartenait pas, à la croisée d'évènements fâcheux qui allaient très probablement les ramener là d'où ils venaient aussi vite qu'ils étaient apparus. Bien qu'il ne soit toujours pas au fait des raisons de sa résurrection inespérée ni de celles derrière sa récente rencontre avec son camarade de Sadala, il savait en revanche que son maitre n'était pas étranger à tout cela. Il était parti à sa recherche des semaines durant, sans succès cependant, mais jamais il n'avait voulu abandonner cette mission qu'il s'était confié et qui le guidait par-delà des obstacles de plus en plus incroyables. L'un d'entre eux était cette incertitude quant à l'univers au cœur duquel il était réapparu... et l'amère vérité qui avait accompagné ce phénomène.

"Caporal..."

Les mots quittèrent ses lèvres, formant timidement un début de réponse, mais il rétablit aussitôt le silence. Tant qu'il n'était pas sûr de lui, sûr de ce qu'il allait pouvoir lui dire, sortir ce qu'il avait sur le cœur et l'esprit ne ferait qu'empirer la situation. Il devait ordonner ses pensées et réfléchir calmement à la façon la plus appropriée de répondre à ses questions — même s'il n'était pas davantage plus avancé, à ce point.

"Je suis soulagé de vous savoir en vie..."

Par quoi commencer ? S'il reprenait depuis le début, peut-être que ça laisserait un peu de temps a son cerveau pour trouver les mots justes ; ainsi il espérait retarder le moment fatidique où il aurait à lui avouer les tenants et aboutissants de cette situation aussi absurde que désespérée.

"Il semblerait que nous ayons été transportés en ces lieux après l'explosion sur Terre, j'ignore encore si nous sommes vraiment vivants... mais nous sommes au moins conscients."

C'était la seule explication qu'il avait trouvé, sinon, il ne serait pas entrain de ressentir aussi fort le battement de son propre cœur, l'humidité ambiante sur son épiderme ou la fraicheur de la fin de journée qui faisait remonter quelques frissons désagréables le long de sa colonne vertébrale. Bien que consolidée, la cabane demeurait très mal isolée. Un feu de camp lui permettrait, à l'avenir, de profiter d'une chaleur réconfortante.

"Cela va vous sembler fou, mais je crains que les Dieux nous aient choisi pour participer à un de leurs divertissements, et que nous soyons obligés de nous plier à leurs exigences."

Il se rapprocha un peu plus de l'entrouverture de la porte, sans l'ouvrir complètement toutefois. Il était encore bien trop suspicieux que l'on puisse l'écouter, ou même que cette conversation ne soit qu'une distraction. Il secoua la tête : tout ceci le mettait bien trop sur ses gardes. Il avait une grande confiance en son caporal, après tout... Son poing se serra.

"J'ignore s'il s'agit d'une punition pour nos actes passés ou une de leurs lubies incompréhensibles pour nous autres mortels, mais je dois vous avouer quelque chose : j'ai eu l'immense honneur de rencontrer les Dieux de la Destruction de notre univers... Caporal, je peux vous assurer que leur malice n'égale en rien la perfidie de ce Dieu-Démon qui nous retient contre notre gré."

Côtoyer les dieux n'avait plus rien de surprenant pour lui depuis que le seigneur Champa lui-même était venu à sa rencontre en vue du Tournoi de la Destruction, même s'il fut le premier choqué de savoir à quel point son potentiel avait attiré leur attention. Bien qu'il s'agisse d'entités supérieures aux préoccupations étranges, ils n'en demeuraient pas moins des êtres rationnels et raisonnables... ce qui ne semblait pas être le cas de cette manifestation démoniaque qui semblait s’être octroyé le droit de s'emparer de leurs existences, les déposséder de leurs identités, les démunir de leurs biens, tout ça pour son bon plaisir... ou pour une quelconque raison qui échappait au raisonnement du pacifiste. Mais laquelle ?

Et voulait-il vraiment le savoir, pour commencer ?
Non... Il y avait des choses qui ne pouvaient tout simplement pas être expliquées.

"Je suis rassuré que vous ayez échappé à la bombe... même si pour être honnête avec vous, je pensais que nous ne nous en tirerions pas à si bon compte."

"A si bon compte"... Ils étaient encore en état de se mouvoir, respirer, se parler et réfléchir, mais à quel prix, au bout du compte ? Il ne pouvait pas sentir l’énergie de Scalio, mais il entendait le rythme alourdi de sa respiration. Tout comme lui, il devait être blessé, fourbu, épuisé par toutes ces péripéties. Tout ce à quoi ils pouvaient prétendre après de tels rebondissements était un bon repas, un sommeil réparateur, la sécurité d'un foyer... Il n'y avait rien de tout ça ici, perdu dans un microcosme aussi déroutant que funeste. Allaient-ils s'en sortir vivants ? Demigra n'avait promis la liberté qu'à un seul d'entre eux... Ses jambes se mirent à trembler sous le coup d'une émotion qu'il n'aurait su attribuer à la colère, à la rage ou au désespoir. Il se ressaisit cependant, chassant loin de lui toutes les pensées pessimistes qui n'avaient de cesse de se bousculer sans trêve ni repos.

"Scalio, écoutez-moi."

S'il devait mourir... alors autant qu'il lui dise la vérité, avant de devoir l'emporter définitivement avec lui. Sa respiration s'emballait alors qu'il essayait de garder son calme, tant bien que mal.

"A propos de ce que vous m'aviez demandé lors de notre rencontre à la Capitale Centrale... Je sais que cela va être dur à entendre, mais je vous promets qu'il s'agit pourtant de la vérit—"

Mais immédiatement, des peurs irrationnelles envahirent de son for intérieur. S'il s'avérait qu'il ne s'agisse réellement pas de son partenaire et lui avouait ce qu'il savait maintenant, qu'est-ce qui empêcherait Demigra de faire usage de ce qu'il s'apprêtait à lui révéler ? Il en ferait certainement un usage tout particulier, lui promettant sans nulle doute un retour vers sa non-existence initiale dans la plus grande des douleurs. Puis une sensation, qu'il pensait avoir surmonté mais qu'il avaient en réalité réprimé au fond de sa conscience, s'empara à nouveau de son cœur : celle d'un vide oppressant et indicible qui déclencha une angoisse irrépressible dans toutes les fibres les plus intimes de son être. Devant ses yeux défilèrent alors des images bien trop précises et traumatiques, où il se voyait tour a tour disparaitre dans le néant, voir son mentor l'abandonner derrière lui, perdre sa mémoire et ses sens, devoir répandre le sang de démons de ses propres mains pour sauver sa peau, se réveiller en sursaut en ayant l'impression d'être dissocié de son corps, incapable de rester en contact avec le monde des vivants tel une âme errant à tout jamais entre le crépuscule de l'existence et l'aube de l'au-delà, encore, et encore, et encore—

Un râle s'échappa de sa gorge, contenu par le peu de lucidité qu'il restait encore a son esprit pour ne pas exprimer tout haut la manifestation la plus brutale du tourment qu'il subissait : incapable de faire le moindre geste, en proie à des souvenirs aussi crus que déformés par ses propres peurs, il dû se faire violence pour ne pas hurler de tout son être et laisser aller à l'expression la plus pure de sa nature de saiyan : celle d'un désespoir insupportable qui lui ferait perdre tout discernement — sa nouvelle condition de simple terrien, pour une fois, sera ce qui le sauvera d'une erreur préjudiciable.

"L'univers 6... Notre univers n'existe plus ! Nous ne pourrons plus jamais retourner sur Sadala !"

Voilà qui était enfin dit... Le coeur de Cabba qui n'avait de cesse de battre à toute allure venait de modifier sa cadence, comme s'il venait de subir une chute vertigineuse. S'ensuivit un silence glaçant durant lequel le temps parut comme figé dans son cours, laissant le sadalien affreusement seul derrière la porte de bois épais qui le coupait de ce monde factice bien trop inquiétant, mais aussi de son seul allié. La vérité venait d'être énoncée et la sentence amère qui leur était réservée en amont de ce jeu diabolique était plus que jamais présente au-dessus de leurs consciences.

Aucune réponse. Aucun bruit. Aucun signe. De l'autre côté, son caporal devait essayer de trouver les mots, ou peut-être se moquait-il de lui pour avoir prononcé de telles inepties. En réalité, le désespoir qui avait frappé le jeune capitaine l'avait temporairement coupé de toute interaction extérieure, et il ne put prendre connaissance que trop tard de ce qui était entrain de se passer hors de son refuge de fortune : le soleil venait de prendre des proportions grotesques et une seconde voix, tout aussi dégoulinante de malice que celle du démon nommé Demigra, résonna dans tout son esprit sans qu'il puisse y échapper, couvrant même le flot de pensées négatives qui étaient revenues à la charge.

"Mortels. Vous êtes en présence de Shemesh Perditio. Ne cherchez pas à me détrôner, ou à me détruire."

Il se précipita vers l'unique ouverture qui donnait sur le paysage, et ses yeux s'écarquillèrent devant le spectacle terrifiant qui se déroulait alors : tout était inondé par une lumière aveuglante, le sol semblait être calciné, tout commençait a se distordre, pourtant la température restait la même... Qu'est-ce qui se passait, encore ?!

"Je transcende votre misérable compréhension, je vous suis votre infinie supérieure" reprit l'entité. "Vous ne pourrez échapper à votre mort, mais vos affrontements ont mon attention pour l’instant. À l’aide de ma miséricorde, vous pourrez avoir une chance de vous en sortir."

Il entendit son acolyte s'exclamer dehors, avec la spontanéité qui faisait de lui ce qu'il était. Cette réalisation fut suffisante pour que Cabba reprenne ses esprits et comprenne enfin qu'il était aux côtés du véritable Scalio. Mais cela n'allait pas régler la question de leur présence en ces lieux...

"Abreuvez la terre de sang, transformez-la en boue. Et votre vie reprendra son cours normal, vers les quelques décennies vous séparant de votre mort destinée. Offrez-moi les têtes de vos pairs à mon nom, et priez pour ma pitié." ordonna la voix, ponctuant chacune de ses conditions d'une pointe de sadisme. "Ne confondez pas ma générosité avec de la générosité."

Aussitôt dit, un rayon d'une intensité incroyable s'abattit au centre du hameau, sous le regard plein d'incompréhension du pacifiste. Bien qu'il ne puisse en vérifier la véracité sur l'instant, une hypothèse naquit dans son esprit : l'un des douze "joueurs" venait d'être purement et simplement annihilé, perdant tout espoir de sortir en un seul morceau de l'épreuve cauchemardesque qui les attendaient. Son cri, déchirant, se dispersa jusqu'aux frontières de la forêt sombre avant de disparaitre pour toujours dans un silence assourdissant.

"Capitaine... Je crois qu'on a notre première victime. Le grand balourd avec des cheveux trop longs... qui étaient trop longs..." souffla Scalio après quelques secondes qui parurent durer une éternité.

Cabba n'avait croisé personne d'autre lorsqu'il s'était réveillé au milieu de la place, aussi, il s'en voulut de ne pouvoir ressentir aucune empathie envers cette personne qu'il n'avait même pas eu le temps de connaitre. Tout être méritait de vivre, pourtant, même les personnes ayant choisi la voie du mal pouvaient connaitre la rédemption... Ses poings se cognèrent contre la vitre en un geste exaspéré. Des gens perdaient la vie injustement... et tout ce qu'il faisait, c'était de se replier sur lui-même. Où était passée sa confiance en ce dont il était capable ? Où étaient passées son abnégation, son courage, sa volonté, sa bravoure ? Il n'avait beau être qu'un simple terrien dans cet univers impitoyable... Que penserait son partenaire en le voyant ainsi abandonner tout espoir ? Que dirait son maitre Renso, en le voyant déshonorer ces principes qui lui ont été appris ? Que dirait son roi, en le voyant dépossédé de toute témérité, celle qui lui avait permis de protéger son peuple et sa planète natale ? Et que dirait son mentor Vegeta, en le voyant ainsi subir sans se donner la peine d'y résister, tel un lâche ?

Il se redressa d'un seul coup, puis il franchit les quelques mètres qui le séparaient de la porte, pour l'ouvrir en grand. La respiration saccadée, son visage rougi par la détresse et ses yeux humides trahissaient une certaine panique, mais dans son regard, la flamme de la détermination avait été ravivée.

"Caporal Scalio..."

Démêler le vrai du surnaturel était une perspective irrésolue, mais une chose était certaine, c'est qu'il se devait d'agir, peu importe a quel point la situation était perdue d'avance. Tant qu'il aura un souffle de vie, il continuerait à se battre de toutes ses forces.

"Désolé de vous avoir fait attendre. Peu importe ce qui nous est réservé... Il faut continuer à faire notre devoir malgré tout."

Il était temps de se ressaisir, et d'avancer.

"Ne perdons pas plus de temps."