« La tablette, ou les œufs. Je vous laisse choisir. »
Les étoiles étaient loin. Normal, ce sont des étoiles. Elle se voyaient légèrement au travers de l’écran de bord de la capsule. Sur cet écran défilaient de nombreuses informations sur les œufs et la tablette.
Assise dans le siège de la capsule, Minerva réfléchissait. Que faire ? Cet homme l’avait bien piégée. Elle se remémora la façon dont les événements ont tourné. Minerva cherchait des œufs de dragons de glace, et un homme avait répondu favorablement à sa requête. Il l’avait invitée dans son grand domaine. Un domaine énorme et majestueux, où de nombreuses pièces de collection intéressaient la chercheuse. Cet homme, oui, cet homme. C’était le gérant d’un parc zoologique d’animaux particuliers sur Terre. Le parc avait bonne réputation, mais une poignée savait que le mécène de ce parc l’avait pris sous son aile pour la collection.
Elle se rappela qu’elle était entrée dans son bureau, qu’il lui avait demandé de s’asseoir. Et qu’il l’avait piégée. Minerva n’était pas du genre à se laisser faire, mais pas non plus du genre à se battre pour rien. Le mécène savait que Minerva cherchait les œufs de dragon, et il avait bien l’intention de l’utiliser pour ça. Il se fichait de ses intentions, lui, voulait juste agrandir sa collection. Afin que le gain soit tout de même attrayant, il lui avait proposé un vieux morceau de relique, qu’il appelait la tablette de dissipation. Minerva avait le choix entre travailler pour lui, ou refuser et se faire tuer.
Bien évidemment qu’elle avait accepté.
Ah, ces œufs de dragon, ils l’intéressaient particulièrement car si les dragons étaient encore en vie, ils pourraient produire une glace éternelle. Cette glace éternelle est un type de glace spécial qui met tout une année avant de fondre. Elle avait été missionnée par un groupe terrien local pauvre vivant dans les pays chauds. Ils lui avaient demandé de retrouver ces dragons. Ils savaient à qui ils s’adressaient.
Mais voilà, le mécène lui avait forcé la main. Il savait qu’elle recherchait ces œufs et l’a attirée pour prendre possession de ces œufs. Le dragon vivrait en captivité. Mais elle aurait un bout de la tablette de dissipation. Il paraît que cette tablette aiderait à guérir une maladie incurable. Enfin, « il paraît »… Minerva avait déjà plusieurs morceaux.
Elle savait de quoi elle parlait.
Cependant, cette fois-ci, elle avait accepté plus par contrainte qu’autre chose. Elle verrait à la fin. Après tout, deux personnes comptaient sur elle, mais aucun des deux ne savaient si les dragons existaient encore.
Sa capsule se dirigeait tranquillement sur Freezer. Les étoiles continuaient de défiler devant ses yeux, et les informations aussi.
Minerva ne semblait pas très inquiète. Elle avait souvent été menacée. Elle avait souvent fait des choix cornéliens. Bien qu’elle aime aider les autres grâce à son échoppe « en toute Sélènité », qui regorgeaient de vieux artéfacts et talismans, elle ne pouvait s’empêcher de penser à la tablette. La tablette de dissipation… Sur trois vies, elle n’avait retrouvé que quatre morceaux. Quatre petits morceaux, et la tablette était toujours incomplète. C’était une chance incroyable.
Elle verra.
La planète était en approche. Rien qu’à la regarder, Minerva ressentait le froid parcourir sa nuque. Elle chercha sa gourde de café rapidement pour se réchauffer. Quelle plaie… Elle qui s’était réincarnée sur une planète très chaude, la voilà à aller crapahuter sur une planète totalement contraire. Elle n’aimait pas spécialement le froid.
Elle éteignit les informations de l’écran de bord. Elle savait où aller. Il paraîtrait qu’il y a des dragons sous le désert de glace. Logique, après tout. Elle avait, dans ses archives, une carte avec de vieux tracés relatant de ces animaux si imprévisibles.
Les dragons de glace n’étaient pas gros ni très grands, jusqu’à 5 mètres de longueur. Leurs œufs étaient rares et mettaient des années à éclore.
Minerva s’était bien préparée, toutes ses affaires pour lutter contre le froid étaient dans son sac d’exploration. Et pas que ! Il y avait aussi de quoi se nourrir, de quoi explorer, et surtout…
Ah, la base de lancement est proche !
Elle prit son sac avec entrain et dégaina avec ferveur le n°843 rouge glacé de chez Mix. Un rouge à lèvres hydratant avec une tenue impeccable. A l’aide d’un petit miroir de poche, elle se pomponna pour avoir la bouche la plus parfaite de l’univers.
« Parfait », se dit-elle.
Arrivée à la base de lancement, Minerva se mit en quête d’une motoneige et d’autres équipements. L’un des locateurs fut surpris de sa demande : « une motoneige pour une semaine, du café et des abricots secs. ». Elle lui avait dit qu’elle allait ouvrir un restaurant et qu’elle cherchait le meilleur endroit hors de la cité pour l’ériger.
Ce qu’elle adorait blaguer !
Mais au moins, elle avait sa motoneige en capsule dans son sac. Elle regardait les meilleurs trajets pour l’amener jusqu’au désert glacé sur une carte, le tout en dégustant des abricots secs et un bon thermos de café soluble. En voilà une bien étrange femme, dans la salle d’accueil de la base de lancement. Elle n’était ni militaire, ni militante, elle voulait explorer les environs. Quelle idée de vouloir ouvrir un restaurant ici, et pourquoi pas y faire une kermesse ?
Une heure plus tard, Minerva avait recoupé toutes les informations nécessaires. Direction le désert. Pour s’y rendre sans souci, elle avait fait du gringue à un soldat près de la base de lancement. Un de plus, un de moins, qu’est-ce que ça changerait. Contre un petit bisou, ce n’est pas si grave. Elle était plutôt heureuse de ne pas devoir s’y rendre par motoneige ou en devant éviter quelconque alliance ou autre militaire.
Le soldat l’avait déposée à l’entrée du désert. Il repartit rapidement avant de se faire reprendre par sa hiérarchie.
Bon vent !
Minerva sortit sa motoneige de la capsule. Un bien bel engin, très pratique. Elle regarda dans le rétroviseur : on distinguait à peine son visage dans sa tête encapuchonnée et son gros manteau de neige. Même l’écharpe autour de son cou ne laissait distinguer son rouge à lèvres tellement elle était grande et épaisse. Triste à cette idée qu’elle ne pourrait être glamour dans la neige et dans ce froid si glacial, elle mit ses lunettes de neige et commença à filer dans le désert. Elle avait, bien sûr, déposé une balise de repérage dans la neige, pour retrouver son chemin. Pas bête, la déesse de la mort. Elle n’avait aucune intention de se réincarner ici, et de devenir un dragon cube de glace.
La trentenaire, puisqu’elle avait 32 ans, avait installé sur le cadran de sa motoneige une carte holographique qu’elle avait refaite à partir de différents témoignages sur l’apparition de dragons depuis quelques centaines d’années. Ils étaient apparemment dans la partie glacière du désert, à l’intérieur des monticules de glaces qui s’étaient accumulés depuis des années.
Elle sentait sur son visage toute la froideur de l’environnement et grommelait. A quand ce bon café chaud dans sa piaule… Elle s’arrêta, descendit de la motoneige et regarda le paysage.
« Il fait moche », se dit-elle. « Il fait moche, il fait froid, je préfèrerais un café à la boutique avec un client sympa… La vie est tellement injuste, des fois. ». Elle soupira et hocha la tête. Serait-elle en train de se plaindre comme une enfant ? Cela la fit beaucoup rire. Elle a affronté bien plus dangereux qu’un désert et quelques pics de glace.
« Décidément, je me ramollis. Quelle vieille dondon ! »
Elle chercha une balise de repérage qu’elle modifia pour la brancher uniquement sur son canal de fréquence, la planta comme un piquet dans la neige. Elle prit le temps de regarder à son poignet gauche. Une grosse montre ornée d’un cadran rond avec plein de petits boutons autour trônait. Le cadran était rayé, mais on distinguait très clairement une carte zoomée de Freezer et un point en plein milieu qui clignotait. C’est bon, la balise fonctionnait. Elle l’avait réglée sur une semaine, au cas-où elle se perdrait plus longtemps que prévu.
La vieille dondon remonta sur son cheval mécanique et repartit en direction du nord, toujours plus au fond du désert.
Elle roula pendant quelques heures. Aventurière dans l’âme, elle n’avait pas fait attention à l’heure ; le soleil, ou ce qui peut en paraître vu le mauvais temps qui avait régné en cette journée, était couché depuis longtemps. C’est pour ça qu’elle avait mis ses phares sans s’en apercevoir. C’était son premier mauvais signe ; elle savait qu’elle devait s’arrêter. Elle était frigorifiée, mais par automatisme, elle continuait de conduire. Le vent fouettait son visage, son nez coulait et surtout, elle n’y voyait plus grand-chose. Enfin, pour couronner le tout, l’écran de ses lunettes afficha une alerte. Minerva s’arrêta sec, dans un grand bruit. Elle regarda un peu devant elle ; un ravin de plusieurs mètres ouvrait sa bouche béante, et elle avait presque failli sauter dedans !
C’était là le signe qu’il fallait se reposer.
La seule femme du coin se ravisa donc ; elle fit un léger demi-tour en bougonnant, éteignit sa motoneige et remarqua qu’elle l’avait légèrement abîmée à force de rouler comme une cinglée dans un désert dangereux. Son sac lourd sur ses épaules, elle le posa à terre et roula sa tête pour détendre son cou. Elle chercha dans son sac une petite capsule particulière.
« Rouge à lèvres… non. Serpillère… pourquoi je l’ai emmenée celle-là ? J’ai dû me tromper. Archive 579, non… Ah ! La voilà. »
Dans sa main, une petite capsule avec une inscription dessus. « Piaule ». Elle l’ouvrit dans un soupir. Ah, qu’il était loin le temps où elle avait sa « piaule de luxe », elle se l’était faite voler il y a une vie… Qu’elle était spacieuse, avec un jacuzzi, un bar et surtout, une salle de réparation.
Mais la piaule était beaucoup moins attrayante que la piaule de luxe. C’était une petite baraque d’un seul étage, avec un petit garage à côté. La baraque s’ouvrait de deux façons ; soit par la porte d’entrée, soit par le haut, qui lui était scellé. Minerva rentra la motoneige dans le petit garage, le ferma, et rentra dans sa piaule.
Une petite pièce, d’à peine une vingtaine de mètres carré, entassée de livres et d’objets insolites en réparation. Sur le lit, un livre et une gourde ouverte attendaient nonchalamment d’être rangés. Une table était juste devant le lit, avec une radio, une carte, un mètre, un rouge à lèvres, une fleur séchée, du piment et des cacahuètes. En face de la table et du lit, une kitchenette et un frigo, basiques pour pouvoir survivre. A côté de la cuisine, une salle de bain avec une petite douche et un WC. La salle de bain était irréprochablement propre. Pas loin du lit, il y avait aussi un énorme coffre, rempli de bric-à-brac. Minerva balaya la pièce de son regard et posa son sac à dos. Elle s’étira longuement. Ce qu’il faisait bon, ici. Mais avant de dormir, elle chercha de quoi réparer la motoneige.
Elle retourna dans le froid, dans la garage, et se mit à l’œuvre. En ressortant, elle vit au loin une tempête de neige arriver. Très bien. Ca lui laissera un petit temps pour réfléchir.
Après une bonne douche bien chaude, une soupe bien réchauffée avec de bons légumes du supermarché terrien, Minerva se posa sur son lit. Elle prit quelques cacahuètes et réfléchit. Son ordinateur holographique sur les genoux, elle parcourut de vieux récits sur les dragons de glace et mit à côté la carte de Freezer pour comparer.
« L’entrée se trouve après l’escalier au fond de la gorge. Trouvez la bouche, et descendez le long de celle-ci. » était indiqué sur un des récits qu’elle avait trouvé. Minerva se gratta la tête et se posa sur son lit.
« Je n’ai pas spécialement envie d’être mangée par un dragon… Hmmmph… Aie ! »
La fatigue était de mise ; elle venait de se mordre la main gauche au lieu des cacahuètes dans sa main droite. Elle rit. Et s’endormit d’un coup.
« … deux tiers de la population, rendez-vous compte !...
- Oui Jean-Michel, c’est une catastrophe ! Et nous ne savons toujours pas ce qui va se passer, ce que je le gouvernement a entrepris pour la reconstruction…
- J’espère bien qu’ils feront quelque chose, c’est… »
Les crépitements de la radio. Un bruit détestable, surtout quand on doit se réveiller le matin. Minerva grogna. Son réveil sur la radio venait de déclencher els informations terriennes. D’un coup de pied sur le poste, elle éteignit cette marmelade de paroles incessantes. Elle ouvrit les yeux. Elle s’étira. Elle bouda son réveil encore une fois. Elle regarda le plafond.
Puis d’un coup d’un seul, Minerva se leva. Elle mit en route la cafetière et prit son pantalon. Tout en s’étirant, elle se dirigea vers la porte d’entrée et l’ouvrit.
C’est à ce moment-là qu’elle se rappela : elle n’était pas en vacances sur la plaine de Namek, mais dans le désert glacé de Freezer. Le vent glacé s’engouffra dans la chambre et ses narines. De marbre, elle ferma la porte.
« …. Il…. Fait…. FROIIIIID ! » hurla-t-elle en se roulant sur le mur pour se réchauffer. La femme mature qu’elle était courut sous sa couette et s’enroula dedans. On aurait dit une saucisse avec des cheveux.
Minerva bouda jusqu’à entendre sa cafetière siffler. Elle prit son courage à deux mains et alla boire son café.
Bien réveillée par ce froid, elle relut ce qu’elle avait commencé à étudier hier dans ce qu’elle appelle son « mode automatique » lorsqu’elle est trop fatiguée. Elle commença à regarder sa montre avec la carte de Freezer zoomée, et la dézooma légèrement avec un des boutons du cadran. Prise d’un doute, elle rezooma sur la carte, puis dézooma à nouveau, lut les récits, rezooma à nouveau, dézooma… Tout en buvant son café, elle fit ce manège pendant 15 bonnes minutes avant d’être sûre. Elle prenait des mesures, changeait des mots d’une traduction approximative, buvait sa grande tasse de café et chercha ses céréales.
« Si je suis ici, hm… je pense que c’est ça. Je n’ai pas été très précautionneuse hier, j’aurais pu faire un peu attention où je conduisais… »
Elle avait une bien bonne idée où elle devait chercher à présent. La réponse était certainement sous son nez. Toute heureuse, elle fit sa vaisselle, se brossa les dents et prit des informations sur la tempête de neige qui s’abattait sur son campement. Elle compta les jours avec attention.
« Alors, j’ai roulé une journée, la tempête de neige va probablement se calmer dans deux jours, je me laisse trois jours d’exploration… si je calcule bien, je suis bel et bien rentrée dans sept jours. Ah, j’espère seulement que je ne tomberai pas sur un démon du froid, ça ne m’a pas toujours très bien réussi. »
La femme hocha la tête.
« Bon, très bien ! Pendant ces deux jours, je vais lire, ranger, faire du sport, manger, dresser un animal et… »
Elle regarda ses provisions. Elle en avait encore suffisamment pour tenir une semaine, mais pas plus. En voyant cela, elle se dit qu’elle a été un peu trop juste. Si quelque chose se passait mal, elle pourrait manquer de ressources. Ou bien mourir de froid…
Minerva se claqua les joues. Ce n’était pas le moment d’imaginer le pire, enfin ! Tout irait bien. Elle cherchera pendant deux jours les dragons, et si elle ne trouve rien, elle reviendra à son point de départ pour chercher des provisions et continuer.
« Ah, si seulement j’avais pu lui effacer la mémoire… Nos échanges par mail auraient quand même été encore présents. Et toutes les photos qu’il a pris de moi aussi pour me retrouver. Non, c’était une mauvaise idée de toute façon. Ou aurais-je dû l’attaquer… ? Non. Vu les gros bras qu’il avait avec lui, je n’aurai pas fait long feu. Je suis une déesse de la mort, pas une saiyan ou un cyborg. »
Minerva rit. Si pour bien des gens, la mort est une affaire sérieuse, pas pour elle. En temps que Shinigami, Minerva se réincarnait à volonté. Elle avait une affection particulière pour cette version d’elle, et c’est bien ce qui ne l’a pas poussé à combattre. Mais toute cette affaire la fâche quand même ; elle veut aider la populace locale, et elle aimerait la tablette.
Pendant deux jours elle fit donc ce qu’elle avait prévu ; faire des plans, se muscler le corps pour se préparer à explorer les caves les plus reculées, préparer de bonnes provisions et un équipement adapté ainsi que des plans d’évasion, prendre du temps pour de la lecture, et écouter la radio. Elle eut également le temps de faire son choix entre garder l’œuf de dragon, si elle le trouvait, et la tablette.
Un nouveau matin se leva, Minerva avec. Elle était décidée. La tempête s’était calmée, le moment était donc venu d’explorer. Elle revêtit sa tenue d’exploration s’il y a deux jours, rangea sa piaule dans la capsule et chevaucha la motoneige jusqu’au ravin.
Il ya deux jours elle avait été incapable de voir à cause de la nuit et de la fatigue, mais elle était tout simplement arrivée.
Devant elle se dressait un immense ravin de plusieurs mètres, avec deux colonnes de chaque côté, un peu plus grandes que les pics de glace formés par le froid. Il y avait de légers dessins cristallisés dessus, de démons du froid et de dragons de glace. Minerva s’approcha du ravin de très près. Elle analysa avec ses lunettes de neige le ravin. Il était très profond et laissait peu de place à l’escalade. Les deux faces du ravin semblaient lisses. Cependant, à quelques mètres d’elle, il y avait une sorte de balcon, comme un escalier brisé par les tempêtes régulières. Il semblait descendre très profondément dans le ravin. Elle avait remarqué les divers trous dans l’escalier qui demanderaient des sauts millimétrés. Fière d’elle, elle rangea la motoneige dans la capsule, se mit un coup de rouge à lèvres malgré la froid et chercha un piolet, son baudrier d’escalade, une corde et des mousquetons. Elle sautera volontiers les marches manquantes mais si l’escalier s’arrête, elle préfère bien s’équipe pour descendre.
Minerva avait raison ; l’escalier était serpentueux et beaucoup de marches manquaient. Une ou deux fois, elle manqua de tomber dans le ravin, mais plus de peur que de mal. Elle était douée pour l’effort physique et les sauts courts et longs n’avaient aucun secret pour elle. Elle descendit l’escalier pendant quelques heures. Si au départ elle voyait le ciel dans sa totalité, elle ne put que l’entrapercevoir au fur et à mesure entre les deux faces du précipice. Le ciel ressemblait à un serpent nuageux. Il faisait froid. Mais pas le même froid qu’en haut, qui vous arrache le visage. Ici, il faisait froid, mais un froid calme et plus doux. Il n’y avait pas beaucoup de vent. Etrange.
Minerva regarda les alentours avec sa lampe. La lumière se reflétait sur les faces lisses du ravin, qui apparaissaient comme d’énormes diamants cachés dans le centre de la planète.
Puis, le chemin s’arrêta. L’aventurière regarda en bas avec sa lampe torche : il y avait encore tellement de profondeur ! Elle n’éclairait pas le fond, comme si le ravin continuait à l’infini.
Intriguée, Minerva regarda d’un côté et de l’autre. Rien. La surface était éclairée, elle pouvait même se voir à l’intérieur. Heureusement la dernière marche était bien plus grande que les autres, ce qui lui permettait donc de faire de plus amples mouvements. Elle se demanda donc ce qu’elle allait faire : continuer en rappel, rebrousser chemin…
Elle s’arrêta, s’assit et prit son thermos dans son sac, encore vaguement chaud. Elle but un peu de café et jouait avec sa lampe torche sur le mur à sa portée.
Soudain, alors qu’elle s’amusait à allumer et éteindre sa lampe, quelque chose l’interloqua. Elle se rapprocha du mur à côté d’elle et regarda de plus près avec sa lampe. Il lui semblait distinguer quelque chose à travers un morceau du mur. En effet, autant, à quelques mètres, le mur semblait dur comme de la pierre et on ne voyait rien à travers, autant là où elle se tenait, la lumière semblait passer à travers la glace. Comme si elle était moins épaisse. Minerva attrapa son piolet. Elle tapa gentiment la surface du mur sur quelques mètres et revint à sa position d’origine. L’aventurière sourit. Elle dégaina à nouveau son piolet, mais cette fois pour y mettre un énorme coup dans la glace. Elle en était sûre. La glace était largement moins épaisse ici. Pour ne pas fendre la glace n’importe comment, elle construisit une entrée avec quelques coups de piolets par-ci, par-là. Son entrée était belle, bien soignée. Elle y mit encore plusieurs coups, espérant que son piolet tiendrait le coup.
A force de travail, la glace se brisa. Il ne restait plus qu’une légère couche que Minerva brisa avec un coup de pied musclé. Elle se reposa quelques secondes, attrapa son sac et chercha une capsule. Dessus était écrit « Petite Cocci ». Petite Cocci, c’était le nom de son appareil, qui sortit de son contenant. C’était une coccinelle en métal dotée de capteurs et de caméra, avec une manette et une vue holographique. Grâce à ça, Minerva allait explorer l’intérieur de la grotte avant d’y entrer. Elle appuya sur quelques boutons de Petite Cocci pour le réglage. Elle n’était pas plus grande que la paume de sa main. Puis elle démarra le drone coccinelle, qui s’alluma. Petite Cocci était capable de voir dans le noir, de percer des trous, de voler et de marcher. Bien que pour percer des trous, elle n’en était plus capable, elle avait été amochée un jour et devait subir des réparations que Minerva ne savait pas faire.
Petite Cocci s’enfonca dans le tunnel. C’était un tunnel sombre, sûrement glacial comme tout el reste. Il y avait des escaliers tout aussi délabrés que ceux avant, mais un passage pour deux personnes seulement. Le tunnel était cependant jonché de pics de glace. Une stalactite faillit tomber sur Petite Cocci alors que Minerva regardait les alentours ! Heureusement, elle m‘avait guidée rapidement pour que Petite Cocci puisse survivre. Le tunnel débouchait sur un autre ravin. C’était suffisant pour Minerva. Elle rappellera Petite Cocci. Le passage n’était pas très long. Elle remit son sac à dos en place, garda la manette accroché à son harnais et pénétra dans le tunnel.
C’était tout comme avait vu Petite Cocci. D’ailleurs, elle était revenue et s’était posée sur l’épaule de Minerva. La shinigami regardait attentivement chaque détail ; il lui semblait que, pris dans la glace, il y avait quelques dessins. Elle ne pourrait pas dire de quoi, il faudrait casser la glace qu’il y a dessus pour pouvoir mieux apprécier en détail chaque parcelle de mur. Elle n’avait pas le temps.
Effectivement, le tunnel était tout de même fragile. Un autre stalactite avait voulu rencontrer son crâne, mais elle l’avait vu de loin, et il ne fit seulement la rencontre du sol, froid et imperturbable.
A l’autre bout du tunnel, et ce comme prévu, un autre ravin. Minerva regarda avec sa lampe torche autour d’elle, et surtout la forme des murs. Celui-ci semblait beaucoup plus exploitable pour descendre. De plus, elle avait vu que le ravin était en fait un long chemin tout aussi serpentueux et peu sûr que l’escalier de dehors, sans les escaliers. Tout semblait plus brut, moins taillé. Elle regarda sous ses pieds, il lui semblait discerner un reste d’échelle. Elle décida donc de descendre à la corde ici. Pour être plus libre de ses mouvements, elle attacha la lampe à son harnais et envoya Petite Cocci en bas.
Une fois le bas atteint, elle reprit sa lampe et regarda aux alentours. Les chemins étaient différents, mais une sorte de stèle indicative était devant elle. Impossible de la lire, mais elle devait être relative aux dragons. Elle l’avait lu, plus tôt, qu’une stèle en honneur des dragons désignait l’entrée de leur habitat. Elle était sur le bon chemin.
Pour avancer rapidement, l’exploratrice envoyait Petite Cocci régulièrement en amont de son chemin pour descendre en sûreté. Elle avait remarqué qu’une cave était au bout d’un des chemins. Pour plus de sûreté, elle explora pendant quelques heures tous les environs et construit une carte du domaine à partir de ses résultats. Ca y est, elle avait à peu près compris comment le ravin fonctionnait. Il n’était là qu’une énorme porte d’entrée à plusieurs petites grottes bien plus hostiles et petites, qui, comme l’entrée, pouvait laisser le passage à deux personnes maximum. Elle avait aussi remarqué qu’ici, la glace n’était pas parfaite, elle était souvent éraflée. Comme des coups de griffe, ou des objets pointus qui auraient rayé la surface.
Bien aise d’avoir réussi à trouver cet endroit, Minerva regarda sa montre. Il était tard. Elle décida de dormir pendant quelques heures te rappela Petite Cocci pour recharger ses batteries. Puis, la femme choisit un coin abrité pour faire un campement sobre composé d’un duvet très chaud et d’un poêlon avec un petit réchaud. Après avoir mangé et fait sa toilette, elle enleva son rouge à lèvres et dormit.
Minerva se réveilla très tôt, bien avant les poules, de par le froid qui commençait à grignoter ses pieds. Mais cette fois-ci, pas le temps de lambiner ; elle continuerait ses recherches aujourd’hui. Après un bon café et un petit déjeuner lyophilisé, Minerva mit son sac sur son dos et relança Petite Cocci.
Elles partirent toutes les deux explorer quelques grottes. Certaines étaient totalement vides. Dans une des grottes, elle avait trouvé ce qui lui semblait être un démon du froid pris dans la glace. Elle qui n’aimait pas spécialement déranger le peuple local, elle le laissa tranquille. Ou alors était-ce un dessin ? Est-ce qu’elle a dérangé quelqu’un ? Elle s’enfuit vite de cet endroit de la grotte.
L’exploratrice reprit son enquête. Dans plusieurs des grottes, elle avait trouvé de la glace molle. Comme un mélange de glace et d’eau qui auraient été ramollis. Quand elle la touchait, la glace bougeait comme de la gelée et se transformait en liquide, pour fuir dans les rayures des parois. Cette chose bien étrange lui rappelait la fois où elle avait voulu créer un gâteau à base de gelée. Jamais plus elle n’en refera, ce n’était vraiment pas bon.
La recherche continua jusque dans l’après-midi. Pour se sustenter, elle n’avait pris qu’une barre céréalière énergétique.
Si elle avait pu se rassasier tranquillement, Petite Cocci, elle, était à plat. Elle avait besoin de se recharger, Minerva l’avait donc rangée et se passerait d’elle. Elle entra dans une grotte, qui ressemblait à toutes les autres : pleine de glace mal taillée, brut, comme des petits diamants qui brillent en surface. Elle éclairait l’allée de sa lampe torche et marchait en évitant les pics de glace. Près d’une intersection à multiples chemins, deux à gauche, un tout droit et trois à droite, quelque chose attira son attention. Il avait plus de glace à droite qu’en face ou à gauche. Et la glace semblait être en bloc, des petits blocs en monticules. Elle s’avança pour regarder.
D’un coup d’un seul, elle sentit un souffle d’air frais passer à travers ses vêtements et se diriger dans son dos. Un râlement suivit. Elle était retournée et ne pouvait voir la bête derrière elle. Une lame de glace perça son ventre. Une deuxième son épaule droite. Elle lâcha la lampe torche, sentit dans son dos des cristaux qui transperçaient toute sa peau. En tombant, elle se retourna et entraperçut une gueule…
Minerva reprit ses esprits. Elle venait d’utiliser, de façon automatique parce qu’elle était sur ses gardes, un de ses dons, la prescience. Alors avant que le souffle ne puisse jaillir dans son dos, elle sauta plus loin et pivota en même temps. Elle entendit le râle et vit une poussière diamanteuse s’abattre sur le monticule de glace qu’elle allait examiner quelques secondes avant. Elle l’avait trouvé.
Devant elle se dressait un animal tout de glace vêtu, de trois mètres de long à peu près. Ses écailles cristallines brillaient à la lumière de la torche, sa queue aux pics brisés tournoyait dans les airs, ses petites ailes recouvertes des mêmes écailles que son corps, ses griffes rayant le sol, sa gueule ouverte crachant toute la glace possible et ses yeux d’un rouge profond et fatigués indiquaient à Minerva qu’elle se trouvait en face d’un dragon des glaces, bête qui n’était plus supposée exister depuis de nombreux siècles. A la fin de son attaque, le dragon des glaces regarda Minerva. Entre les deux, un duel de regard était lancé. Minerva décida de ne pas éblouir de face l’animal avec sa lampe torche, qui criait dès qu’il voyait une quelconque lumière. Elle redirigeait la lumière sur les murs, qui éblouissaient la pièce. Elle regarda les dragons d’un regard affirmé et sûr, tandis que le dragon ne montrait que méfiance et fatigue. Le dragon grogna à nouveau et recula sa tête pour lancer à nouveau un souffle de glace sur Minerva. Celle-ci se prépara à esquiver de nouveau. Le dragon cracha de toutes ses forces mais tout ce qui en sortit fut un léger souffle et quelques flocons. Il toussa, se gratta le museau, s’effondra à terre et couina. Il apparut à Minerva que ce n’étaient pas des couinements de rage, mais le dragon semblait triste.
Doucement, elle s’approcha de la bête. Il vaut mieux faire attention. Le dragon gémit et se mit sur ses gardes, tentant à nouveau de cracher de la glace. Mais il ne put réussir et toussa encore plus.
Cette danse d’apprivoisement dura quelques minutes, le temps à la bête de s’accommoder de la présence de Minerva. Lorsqu’elle fut proche, le dragon tenta de la mordre mais en vain. Il n’avait plus aucune force. La déesse de la mort regarda la bête avec attention. Elle n’avait pas l’intention de l’abattre, de toute façon. C’est là qu’elle remarqua que le ventre du dragon suintait. Etrange, il fait assez froid pour ne pas suer, ici. Elle approcha délicatement la main du dragon. Celui-ci ne se laissa guère faire au début, mais finit par accepter la main d’une étrangère sur lui. Quelque chose ne semblait pas normal. Minerva enleva son gant.
« Oh, pauvre bête… » susurra-t-elle.
Le dragon de glace était tiède. Elle comprenait mieux pourquoi il était incapable de la geler, de glacer correctement son souffle glacial. L’animal mourrait. Les dragons de glace sont des êtres froids, et ne vivent que grâce à la glace et dans les endroits très frais. Quand la bête vient à mourir, son corps se réchauffe, l’animal est alors réduit à suer et à se liquéfier. Dans certaines médecines, les dragons de glace étaient bouillis pour récupérer ce liquide. D’après eux, c’était d’une grande vertu médicinale.
Ce n’était pas le but de Minerva. Elle peinait déjà assez à voir la bête lentement s’éteindre pour la consumer en milkshake ensuite. Elle caressa le dragon moite, qui avait déjà perdu une bonne partie de sa queue et une de ses pattes. Le dragon tourna la tête vers elle et semblait lui indiquer quelque chose. Elle inspecta mieux sous le ventre du dragon ; un objet non identifié et ovale s’y trouvait.
Lentement, elle alla prendre cet objet accroché au ventre suintant du dragon. Il était à peine plus grand que la paume de sa main, mais celui-ci était froid. Elle comprit que dans sa main droite, se tenait un œuf de dragon de glace.
Est-ce que le dragon voulait qu’elle le prenne pour le mettre de côté, car dans le liquide il pourrait se réchauffer ? Est-ce qu’elle devait le reposer à côté ?
Elle n’eût pas le temps de demander au dragon. En voyant son œuf dans la main de l’étrangère, le dragon leva la gueule. Il râla une mélodie, comme un dernier chant, un adieu à la vie. Et se liquéfia en quelques secondes. Les restes du dragon éclaboussèrent Minerva, qui se retrouvera dans de l’eau de dragon. Elle en avait plein les bottes. L’eau scintilla avec la lumière de la lampe torche, et s’enfuit dans les parois des murs. Il ne restait que quelques morceaux de glace.
Jamais elle n’avait vu un dragon de glace, et encore moins la mort d’un être de glace. Elle avait vu bien des gens mourir, elle s’était vue mourir, mais jamais d’une telle façon. Cela lui serra le cœur. Elle savait que les dragons de glace étaient fragiles, et ignorait s’il en restait encore. Ses pensées se divisèrent en regardant cet œuf : vaut-il mieux continuer à chercher des dragons ? Et que vais-je faire de cet œuf ?
« Je ne peux pas le donner au mécène, les œufs de dragons mettent des années avant d’éclore, il faut les conserver au frais, il leur faut de l’amour, il ne faut pas exploiter une telle race, il leur faut du respect. Pauvre bête… »
Ses pensées se mélangèrent. Elle était venue pour un simple travail, et elle s’est retrouvée prise d’affection pour une race disparue et recluse. Pour un œuf qui ne naîtra pas avant quelques temps, qui vivra très longtemps, mais seul. Elle l’arracherait à son lieu de naissance, à sa patrie. Elle, qui était expatriée volontaire, comprenait à quel point la bête pourrait lui en vouloir, s’ils se recroisaient.
Elle resta comme ça pendant de longs instants.
« Je vais trouver quelque chose. Oui… A la radio, j’ai entendu que la Terre avait subi une explosion de bombes. J’espère sincèrement que ce grigou de mécène est mort là-bas. Je ne saurai même pas le donner à quiconque d’autre, ils l’exploiteront également… »
Perdre des clients, même pour la bonne cause, lui importait peu. La vie de ‘animal était une priorité à ses yeux.
Une fois décidée, Minerva remonta dans le premier ravin. Elle y prit une photo pour la mettre dans ses archives personnelles. Puis elle quitta ce lieu.
L’œuf de dragon était dans son sac, dans une capsule réfrigérée. Elle le gardait précieusement. Son cerveau continuait de réfléchir sur quelle entourloupe réaliser pour qu’on laisse cet animal tranquille, si elle n’aurait pas dû le laisser dans la grotte plutôt que de le remonter. Elle l’avait pris avec elle parce qu’elle avait tout de même un couteau sous la gorge après tout.
Lorsqu’elle remonta tout en haut de l’entrée, il faisait nuit. La chercheuse ouvrit directement sa piaule et dormit à l’intérieur, rongée par ses pensées.
Des fois, elle regrette de ne pas avoir pris le chemin des armes. Si elle avait été plus forte et moins sur la défensive, elle aurait pu garder l’œuf pour elle et escroquer le mécène pour récupérer la tablette. Mais elle en était bien incapable.
Après, elle a toujours fait des choses qu’elle avait regrettées. C’est ça, de vivre longtemps. On regrette plein de choses, mais on n’est pas non plus maître d’autrui. On ne peut pas manipuler à tout va.
Ou peut-être, un peu…
Minerva s’endormit.
Le lendemain matin, elle plia bagage assez rapidement pour rentrer. Pour ne pas faire la folle fieffée, elle prit son temps pour le chemin du retour : plus de pause, plus de temps pour réfléchir. Elle essaya de se persuader sur plusieurs choses, mais elle se savait également trop têtue pour se convaincre. Elle verra bien.
Le chemin du retour se passa sans encombre. Elle arrive plutôt rapidement à l’entrée du désert glacé. Ses balises l’avaient largement aidé à bien se repérer. Par précaution, elle els avait toutes ramassées, sauf une, celle près de la cave des dragons. La balise était désactivée, mais Minerva pourrait la réactiver si besoin. Ce qu’elle ne voudrait évidemment pas faire.
Sur le chemin du retour entre l’entrée du désert et la base de lancement, Minerva fit extrêmement attention. Elle ne voulait froisser personne, ni ne croiser quelconque être vivant pouvant la ralentir. La femme fut triste car elle ne put retrouver le soldat qui l’avait amené, quelques jours plus tôt. Il lui aurait bien servi si elle avait été dans de beaux draps.
Mais bon !
Minerva arriva près de la base de lancement. Il faisait moins froid que dans le désert, elle put donc retirer sa capuche, laisser paraître sa chevelure grisonnante et sa bouche pulpeuse. D’ailleurs, avant de rentrer dans la base, elle tenait absolument à passer aux toilettes pour se refaire une beauté. Ses cheveux étaient en pagaille et elle n’appréciait pas cette dégaine. Elle chercha dans son sac également un beau rouge à lèvres pour sa conversation avec le mécène avant de décoller. Elle prit donc soin d’appliquer le n°210 Rouge de fraise de chez Zafira, une couleur qu’elle utilise souvent pour ses rendez-vous professionnels. Bien que là, elle n’avait pas cœur à faire ce « rendez-vous ».
Elle rendit la motoneige et l’équipement emprunté à l’accueil, et se posa dans un coin reculé pour passer son appel.
Sa montre avait pour effet de faire appareil téléphonique quand il captait. Elle n’avait qu’à mettre une oreillette pour plus de discrétion. Ce qu’elle fit, d’ailleurs. Dans sa main, la capsule de l’œuf, qu’elle serrait très fort au moment de passer l’appel. La sonnerie retentit. Une fois, deux fois… Minerva trouvait le temps long. Long et stressant. Elle faisait tournicoter la capsule dans sa main droite. Chaque nouvelle sonnerie lui donnait un peu plus d’espoir que cet escroc se soit fait liquider sur Terre. Chaque seconde lui semblait interminable. Une nouvelle sonnerie. Sa respiration était lente. Elle finissait par en trembler.
Clic.
« Allo ? C’est vous, madame Sélène ? » retentit à l’oreillette.
C’est pas vrai.
Il était vivant. Le mécène était vivant. Mais il semblait… perturbé. Minerva reprit son calme.
« Oui mécène, c’est moi.
- Ah enfin, c’est pas trop tôt ! J’ai bien cru que vous aviez disparu. Ceci dit, nous aurions pu aisément vous retrouver, vivante ou seulement votre dépouille.
- Charmant, souffla-t-elle.
- Oh, plaisantez un peu, ce n’était qu’une… boutade, dit le mécène, passablement agacé. En tout cas, venez vite, et maintenant ! reprit-il, énervé.
- Que me vaut l’honneur de votre énervement, mécène ? interrogea Minerva.
- Ce qui se passe ? Ca vous dépasse bien, madame Sélène. J’étais tranquillement sur Hera quand j’ai appris la nouvelle. Sachez qu’à cause de ses bombes, j’ai perdu une fortune ! Le parc zoologique ! Il a été réduit en poussière ! Toutes ces créatures, j’avais investi tellement pour qu’elles soient accessibles au public, et voyez-vous bien ce que ça vaut ! Ah ! Tous des imbéciles ! Je savais qu’investir dans le vivant était une mauvaise idée.
- Vous pleurez parce que vous avez perdu un peu d’argent ? dit ironiquement la chercheuse.
- Oh, madame Sélène, je vous conseille de ne pas rire. Je vous rappelle qu’il y a un contrat sur votre tête. J’espère que vous m’appelez pour ça, d’ailleurs ! râla le mécène.
- Et bien, si vous m’aviez laissé parler…
Minerva respira. Oui, un contrat était sur sa tête. Et elle aimait particulièrement cette vie. Et la tablette… bon sang, la tablette… Il lui fallait absolument. La tablette de la dissipation…
- Oui, j’ai ce qu’il vous faut, soupira Minerva.
- Ah, parfait, parfait. Je vais pouvoir le revendre sur Hera, se réjouit le mécène.
- Le revendre ?
- Vous ne pensiez pas que j’allais garder un œuf d’un animal complètement inutile ? C’est grotesque. Je suis à sec, il faut que je renfloue mes caisses ! Je feria l’impasse sur le vivant, mais hors de question que les morts et les pierres me passent sous le nez et que je les revende !
- Mais c’est peut-être le dernier de sa race !
- Peu importe. Il pourrait être le dernier poney au monde qu’il ne m’intéresserait pas. Le vivant, c’est trop fragile, madame Sélène. Les morts me parlent bien plus. Envoyez-moi la capsule comme convenu. La tablette vous attend sur Terre. Vous avez de la chance, votre échoppe n’a pas été touchée, grogna le mécène.
- Vous êtes plus sinistre qu’un shinigami.
- Est-ce vivant ? Si oui, cela ne m’intéresse pas.
- Je ne vous comprends pas, mécène, dit Minerva, agacée.
- Si vous voulez me comprendre, chère madame Sélène, nous pourrons toujours reprendre cette conversation autour d’un café ou à l’occasion d’une autre mission… Sur ce, j’ai des papiers à remplir. N’oubliez pas, vous n’avez que deux heures pour envoyer le… colis. »
Et il raccrocha.
Minerva se leva et trouva le premier objet dans lequel elle pourrait frapper. Une poubelle, en l’occurrence. Ce détachement de la vie dépassait Minerva. Elle trouvait ce mécène horrible. Le pauvre animal allait se faire balloter d’endroits en endroits, peut-être le dernier de son espèce.
Mais elle avait la tablette… Elle se consola avec. Mais l’œuf ne quitta pas ses pensés, pas même quand elle l’envoya par missive privée. Il ne quittera pas ses pensées. Elle ne fera pas une croix dessus, c’est sûr. Il ne manquerait plus que cela.
« Ne vous inquiétez pas mécène, on se recroisera, j’irai peut-être voir votre vente aux enchères sur Hera quand vous la ferez, qui sait » murmura Minerva.
Sûre d’elle, elle se dirigea vers les ventes de vaisseaux pour ne plus dépendre des capsules. Avec un vaisseau, elle sera bien plus intraçable qu’avant. Du moins l’espérait-elle. Il lui fallait un modèle standard, ni trop petit, ni trop grand. Après tout, si elle devait déménager subitement, il faudrait bien que tout ce barda puisse tenir dans un vaisseau !
Elle but un peu et remarqua que dans sa colère, elle avait déplacé un peu de son rouge à lèvres. Elle prit alors son miroir de poche, un mouchoir et son rouge à lèvres. Elle enleva le rouge à lèvres précédent avec le mouchoir, se regarda dans le miroir et retraça sa bouche à la perfection. Elle était prête à se plonger dans de nouvelles recherches.