Miséricorde [Solo]

Bien souvent, on associe une personne à un profil type. Seulement, pour comprendre quelqu’un, il faut avant tout fouiller dans son histoire, son passé afin de savoir d'où il vient et surtout vers où il va. Dissocié ces deux termes semble infaisable, irrationnel, et pour cause l’histoire de quelqu’un est définie par un vécu, une expérience passée. La question se pose alors ; sous quel angle prendre une personne qui ne possède pas ce bien fondamentale ?

Piégé entre 4 murs, dans cette boîte qu’est son inconscient, l’anomalie cherche désespérément à fuir les traces d’une existence antérieure, celle qui la définit tel qu’il est aujourd’hui. Seulement, dans cet état second provoqué par une brève reprise de ses esprits, la fissure créée par un certain Saiyan se propage, s’élargit. Par bribes, des images s’immiscent dans cette chambre censée le protéger, lui,  l’enfant à l’intérieur.

Des images, mais aussi des odeurs, des sons. Souhaitant s’émanciper de cette curiosité morbide qui l’habite, un retour à la réalité s’impose comme une évidence. Seulement, est-ce une bonne chose ?

Une fois sur place, énormément d’informations doivent être traitées en très peu de temps, mais seule la vision inhumaine qui lui est offerte à une réelle importance, une réelle valeur. Lui qui pendant quelques secondes, eu la chance de flotter dans un souvenir chaleureux, aveuglé par la famine qui le rongeait de l’intérieur, ne peut désormais que se confronter à cette affligeante réalité qui est la sienne. C’est une bien sombre œuvre qui se dessine devant lui, le tragique mais néanmoins inéluctable spectacle de la mort. L’état de conscience que lui offre sa  nature joue alors dans le camp opposé et provoque dégoût, rejet non pas à cause de cette vision repoussante qui lui est proposée mais car cette fameuse conscience lui fait comprendre que c’est n’est pas la vie d’un homme ou d’une femme qu’il s’est permis de prendre, sans réellement en avoir le droit, mais bien celle d’une oisillon, qui n’a même pas eu le temps de déployer ses ailes ; Une fillette.

Sa gorge se noue tout comme ses entrailles qui vibrent au rythme dégénéré de son cœur qui hurle pour sortir de sa cage thoracique. Pendant un instant, il s’est arrêté d’avancer et le passé le rattrape, car le plus horrifique est qu’une sensation de déjà-vu l’envahit…

Il aimerait hurler, appelez à l’aide, mais le seul  son qui s’échappe de sa bouche est un rire, un rire sincère comme s’il s’amusait de la situation. Il a le malheur de détourner le regard un instant, pour tomber nez à nez avec une personne bien moins traumatisée que lui. Un homme souriant, riant à gorge déployée tandis que son visage est couvert par du sang. En réalité il assiste, impuissant, à la vision de son propre reflet  dans un morceau de verre brisé, fracturé. Assis juste devant cette triste maquette de l’innocence sous sa forme la plus brute, son corps ne semble plus lui appartenir. “Est-ce réellement moi ?” serait la question la plus pertinente a cet instant précis. La seule qui lui vient à l’esprit est tout autre :


Il se relève, un équilibre hasardeux, s’avançant vers sa création pour en ramasser les gains ; un morceau de chiffon, nommé “Candy” qui se révèle être le substitut émotionnel du petit oisillon : Une poupée. Couverte de rouge, ses cheveux semblent être moins soyeux qu’auparavant. Marchant dans cette flaque mêlant sang et larmes, il plisse les yeux levant son regard vers l’aurore. Il rigole, il semble si heureux, si libre mais… Pourquoi ?  


Son effrayant rire résonne comme l’avènement de quelque chose d’inéluctable tandis que son corps et lui avec, chutent dans les si confortables bras de Morphée, lui laissant cependant la chance de voir brièvement une connaissance le féliciter par des claquements de mains périodiques tandis, qu’il s’approche de lui comme s’il avait toujours été là. Son visage, couvert par l’obscurité tel un voile noir, laisse passer ces quelques mots qui apaisent le jeune homme.

“Tu es malade Akaza. Mais ne t’inquiètes pas, nous sommes là pour te soigner.”

Ces mots annonçant sa délivrance, le pâle se laisse bercer par la fatigue, non pas physique mais bien morale, tandis que ses yeux se referment .

Divaguant à nouveau dans l’inconscience…














Et le soleil est enfin levé.


Laissons le encore un peu joué

Vous pensiez vraiment que c’était fini ?

Qu’il pourrait poursuivre son chemin comme si de rien n’était ?

Oh non. Non loin de là.

J’ai toujours été un homme patient, j’offre beaucoup sans demander en retour, mais j’ai horreur que les gens ne soient pas conscients, que leur don est unique est fait d’eux des créatures différentes de nous, les hommes. Il avait tellement de potentiel, fruit de nombreuses recherches, il devait être l’arme de dissuasion ultime. Mais la réalité est tout autre. C’est un raté, un pur échec, une incohérence de plus qui devrait s'estimer heureuse que je lui accorde une quelconque importance. Je suis son Père, comme tous les autres, le premier avec cette série de quatre chiffres, et il me doit le respect. Le larbin en charge de son dossier est incapable de produire quoi que ce soit d’intéressant alors qu’il avait de l’or, mon or, entre les mains. J’ai horreur de sortir en personne, mais je ne peux plus rester dans l’ombre face à tant d'incompétence. Cet énergumène qui devait normalement être le sommet de mon art, ‘L’Être Parfait’ n’est en fait qu’un échec de plus sur ma liste. Pourtant… Je ne peux m'empêcher de voir l’occasion qui s’offre à moi. Et si... Il était la clé de voûte pour étendre les racines de Gentech ?

Retrouvée, sa trace est aisée, baignant dans les eaux croupies de la même ruelle dont je l’ai tiré plus jeune. Dans ma tenue habituelle, je traverse cette ville écœurante avec une affreuse démangeaison dans le poing droit. Toujours inconscient, c’est ma chaussure valant plus que ce que j’aurais pu le vendre à l'armée terrienne qui va pénétrer son estomac avec violence.

Il n’aura pas le droit à ma Miséricorde.

Pour ne pas m'arrêter en si bonne lancée, c’est successivement son visage, son entre-jambe et son sternum qui subiront les assauts de cette chaussure qui perdait progressivement de sa valeur en se couvrant du sang de cette bête qui croît avoir un quelconque libre arbitre. J’ai le souffle court, mais je m’exprime malgré tout, avec un profond mépris.










Un ultime coup le laissant gentiment régurgiter une partie de son repas sur le sol, je fais l’effort de m'abaisser pour lui saisir les cheveux le forçant à m'observer dans les yeux. Comme attendu, ce chien galeux n'offrira aucune riposte, il est bien trop effrayé.

“Un malade comme toi n’apprends donc rien. Je t’offre la possibilité de sortir de ta cellule, et tu décides de me la faire à l’envers ? Je t’ai offert la liberté que tu convoitais tant et une place au conseil que te faut-il de plus ? Tu as bien vu avec ce Cavalier de l’Apocalypse, l’humanité est tout aussi pourrie que les tréfonds de ton confinement. Alors rejoins-moi, que je puisse enfin te libérer de tes chaînes.”

Dans son regard, je lis une haine profonde. Rien d’étonnant, je suis l’instigateur de ses souffrances, mais aussi son sauveur. Et une fois de plus, dans mon immense bonté, je reviens sur ma décision.

“Je t’accorde ma Miséricorde, Akaza.”

Je le relâche et je me relève. Je lui tends la main, comme ultime signe de mon sérieux et de mon engagement envers lui. Il ne refusera pas, cette fois-ci. Il ne s’échappera pas, je le sais. Il me trahira sûrement plus tard, mais c’est ce que je souhaite, car j’aurais réussi. Réussir à créer l’Être Parfait.

“Tu as été conçue pour répandre le chaos et la destruction comme beaucoup d’autres Akaza. Ne cherche pas à fuir ta nature. Accepte-la, joue avec comme un enfant avec son ballon. Tu rejettes ce qui est vivant et ce qui respire, car cela t’irrite au plus haut point. Cesse de te voiler la face, et construis enfin ta propre route à mes côtés, aux côtés de Gentech.”

Il lève la tête, et tend la main. J’ai gagné.

Je l’aide à se relever, un sourire sadique sur le visage. Peut-être que j’ai vu juste, et que cet échec mènera à une réussite. En attendant, un nouveau siège du conseil décisionnel de mon entreprise venait d’être rempli. Moi, Yukio Mishima, PDG de Gentech, a accordé ma miséricorde.

Spoiler :