Le jour où Dieu s'en est allé [PV]

Fort de sa vigueur retrouvée, Vegeta se propulsa dans les airs à destination du Palais Céleste. Qu'importe de quoi il pouvait être question, il devait en avoir le cœur net. Ce n'était probablement rien, mais les mauvaises nouvelles tendant à se multiplier depuis qu'il était revenu sur Terre, faire pour une fois preuve de prudence ne semblait pas être la plus mauvaise des idées.
À croire qu'en dépit de l'issue heureuse de toute cette affaire, Auros avait lancé une malédiction sur ceux qui s'étaient dressés face à lui ; qu'un Dieu de la Destruction en soit capable ne l'étonnerait pas outre-mesure. À moins que ce soit le fait d'avoir accepté une fois encore de prêter sa force à Kakarot en dépit de ses réserves qui se retourne contre lui...

Quoi qu'il en soit, la Terre ne semblait plus pouvoir rester en paix plus de quelques jours. Et s'il aurait d'ordinaire accueilli chaleureusement ces nouvelles épreuves, force était d'admettre que ce n'était put-être pas le meilleur moment pour se lancer dans des batailles dont l'enjeu était encore une fois le sort de la Terre.
Sachant à quel point cette planète était jadis considérée comme arriérée - non que cela ait beaucoup changé depuis, du point de vue des civilisations les plus avancées -, qu'elle ait fini par concentrer autant d'attention était tout bonnement ahurissant. De toute évidence, plus ça allait et plus il devenait difficile de donner tort à son rival lorsqu'il affirmait qu'ils étaient, malgré eux, à l'origine de tous les maux - tout du moins ceux impliquant des dictateurs stellaires et autres sorciers désaxés.
Qu'importe. Ils feraient ce qu'ils avaient toujours fait - et détruiraient quiconque oserait menacer leur foyer. Après tout, cela leur avait plutôt réussi jusqu'alors.

Durant la poignée de secondes que dura son ascension, il se fit la réflexion qu'il devrait peut-être accorder plus de crédit à Karin. En dépit de sa ridicule apparence, celui-ci était un vénérable maître en arts martiaux ; s'il aurait ri au nez de quiconque le lui aurait affirmé il y a de cela encore quelques années, c'était désormais quelque chose qu'il pouvait plus facilement envisager, la sagesse venant avec l'âge. Le niveau du félin était peut-être bien inférieur au sien, mais cela ne voulait pas dire qu'il ne cachait pas quelques leçons de valeur derrière son museau moustachu.
Loin de lui l'idée de lui demander quoi que ce soit - et puis quoi, encore ? -, mais il avait été l'un des mentors de Kakarot en son temps ; l'un de ceux qui avaient fait de lui le combattant, mais aussi et peut-être même surtout l'homme qu'il était, aussi absurde que ce soit. Pour cela au moins, il méritait son respect, si difficile soit-il pour lui de le donner à quelqu'un que l'on s'attend plus à trouver dans un panier que sur un ring d'arts martiaux.

S'il voulait réellement combler ses lacunes, dépasser les quelques limites qui ne l'avaient pas encore été, peut-être lui fallait-il se défaire de ses derniers préjugés et apprendre à chercher l'enrichissement là où il n'aurait jamais cru le trouver.
Sans doute pensait-il encore trop... Et bien, comme lui, refusant inconsciemment de croire que l'on puisse avoir quelque chose à lui apporter sans en avoir démontré un tant soit peu l'aura, le physique de l'emploi. Son estime n'était pas facile à gagner ; preuve en était qu'il avait fallu une dizaine d'années à son meilleur ennemi pour l'acquérir pleinement.
Les précepteurs de Son Goku avaient été un vieillard lubrique, un chat maraîcher et un insecte à lunettes ; aucun de ceux-là n'aurait eu droit à plus que des moqueries de sa part s'il n'avait pu constater - subir - le résultat de leurs enseignements. L'habit ne fait pas le moine ; leurs plus grands ennemis le lui avaient inculqué, gravé dans le corps à la force de leurs poings. Peut-être était-il tant qu'il commence à appliquer cette logique à de potentiels alliés.

Néanmoins, cette réflexion, aussi importante soit-elle, se retrouva balayée lorsqu'il arriva à hauteur de là où aurait dû se trouver le Palais de Dieu - et ne rencontra que le vide. Il s'y était assez rendu au cours des années pour n'avoir aucun doute quant à son emplacement, mais releva néanmoins la tête pour s'assurer que le sanctuaire ne s'était pas élevé par un quelconque miracle, sans plus de succès. Là où s'était jadis tenu la demeure du Dieu de la Terre ne restait que son absence... Et, lui semblait-il, quelques débris, encore maintenu dans les airs par le sortilège de flottaison qui l'avait placé là en premier lieu.

« Impossible ! Qu... Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?! » s'alarma un Vegeta incrédule.

Pour lui qui n'avait jamais cru en rien et avait fini par pouvoir s'assurer personnellement que les dieux - au pluriel - étaient bel et bien réels, c'était comme finalement s'apercevoir qu'il n'avait fait que les imaginer ; n'avait trouvé la foi par la force des choses que pour mieux pouvoir la perdre. Après toutes, rares étaient ceux à pouvoir constater de leurs propres yeux que Dieu n'était plus là, où qu'il ait pu disparaître. Lui, et jusqu'au dernier symbole de Son autorité. Désemparé, c'est à peine s'il prit conscience qu'Oishi l'avait finalement rejoint après ses propres emplettes - ce qui eut toutefois le mérite de l'obliger à reprendre contenance, pour ne rien montrer de son malaise.

À son grand désarroi, Karin ne s'était pas trompé : quoi qu'il ait pu se passer ici, c'était mauvais signe. Avant de se volatiliser, le Palais avait apparemment subi de lourds dégâts - assez pour laisser un faisceau d'éclats dans son sillage, semblables à autant d'astéroïdes qui auraient égaré la planète autour de laquelle ils étaient censés graviter.

« C'est ici que le Palais de Dieu était censé se trouver. » expliqua-t-il à l'adresse de sa nouvelle acolyte, qui ne devait rien comprendre de ce qu'elle regardait. « Je ne sais pas comment, mais quelqu'un l'a apparemment arraché du ciel. »

Ce qui n'était pas un mince exploit. Lui-même aurait facilement pu le détruire, le réduire en miettes - mais ces miettes auraient alors lévité paresseusement dans les airs, comme la poignée de décombres qu'il leur restait pour seul indice.
À moins que le domaine divin ait tout bonnement été vaporisé, il ne voyait pas d'explication rationnelle à sa soudaine disparition. Et si Karin avait pu se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond, il doutait qu'il puisse lui fournir davantage d'explications ; tout sage qu'il soit, il était avant tout un maître en arts martiaux, plus adepte à mesurer la force que quoi que ce soit d'autre.
Or, Dendé ne dégageait pas de puissance au sens où ils l'entendaient, en dépit de ses pouvoirs magiques ; quant à son intendant, Vegeta n'avait, de façon assez étonnante, jamais pu sentir quoi que ce soit venant de lui. Quelle que soit sa nature véritable, il excellait à la garder secrète. Tout cela pour dire qu'une lecture précise du déroulé des événements aurait été impossible sans en avoir été témoin ; hélas, il ne semblait y en avoir aucun.

« Redescendons. » finit-il par dire, après quelques secondes de plus à contempler le néant. « Ça ne sert à rien de rester ici. »

Sinon à rendre douloureusement flagrant qu'ils avaient un problème sur les bras ; un de plus.
Dieu était-il mort ? Il allait leur falloir le vérifier...

« Le Palais a disparu. » déclara le prince, avant même d'avoir fini d'enjamber la rambarde le ramenant à l'intérieur de la tour. Il ne gagnait rien à ménager le suspens.
« Qu-quoi ?! » s'étrangla Karin.

S'il ne s'attendait évidemment pas à ce que les nouvelles soient bonnes au vu de ce qu'il avait pu percevoir, rien n'aurait pu le préparer à une telle révélation. C'était une catastrophe. Sans même avoir besoin de s'en approcher, l'on pouvait presque voir les gouttes de sueur - froide -, ruisseler sur sa tempe en dépit de son pelage. Qu'était-il censé faire, dans cette situation ? Il n'y avait aucun protocole pour cela. Il se mit à faire les cent pas, profondément troublé par la nouvelle.

Comme s'il éprouvait le besoin d'en apporter la preuve, le prince jeta à ses pieds - ou plutôt à ses pattes - le bâton magique qui faisait habituellement la jonction entre les deux palais, qu'il n'aurait pu retirer de son socle - ou du moins pas facilement - s'il avait encore tenu son rôle.
Après avoir sursauté, trop occupé à paniquer pour prêter attention à son environnement, Karin le ramassa précautionneusement ; il n'avait aucune raison de douter de la parole du Saiyan - sérieux comme il l'était, il l'imaginait mal lui jouer un tour -, mais la présence de cet objet mythique ne faisait que rendre plus concret le drame qu'ils vivaient. Poser ses pelotes dessus lui permit néanmoins de retrouver contenance et de reprendre une conversation digne de ce nom.

« Je ne sais pas ce que nous sommes censés faire... » confessa-t-il, les yeux rivés sur l'artefact privé de son usage premier. « Vous êtes sûrs qu'il n'a pas été détruit ? »

Cette conclusion lui aurait presque été plus facile à digérer. Après tout, ce ne serait pas la première fois - même si les circonstances dans lesquelles cela s'était déjà produit étaient tout aussi inquiétantes, intimement liées à la terreur qu'inspira Majin Buu.

« Il y avait des débris, mais pas assez pour que ce soit le Palais entier. »

Ni de corps, s'abstint-il de préciser.
Karin opina légèrement, tâchant de mettre de l'ordre dans ses pensées et d'en appeler à sa sagesse séculaire. S'il devait y avoir une figure d'autorité ici, c'était lui, autant qu'il déteste l'idée de devoir gérer cette pagaille.

« À vrai dire, j'ai déjà envoyé quelqu'un jeter un œil il y a quelques heures, mais... Je ne m'attendais pas à ce que la situation dégénère à ce point. »

L'idée qu'il ait pu l'envoyer à sa mort lui nouait les tripes, même s'il tâcha de ne pas se montrer plus faible qu'il ne l'avait déjà été devant ses visiteurs.

« Et pourquoi ne nous avoir rien dit ? » questionna le prince, n'appréciant guère de recevoir les informations au compte-goutte. Si le vieux matou espérait recevoir leur aide, il avait intérêt à cracher le morceau - et il n'était pas ici question de boule de poils.

« Je l'ai sentie s'éloigner, je pensais que les choses étaient en train de se régler... »

Vegeta émit un grognement. Quoique naïve, cette logique ne l'étonnait qu'à moitié... Et qui que le gardien des lieux ait pu envoyer, il n'allait pas leur courir après pour s'assurer que les ennemis aient été vaincus jusqu'au dernier, à défaut de savoir voler. Néanmoins, sa rétention d'informations - même involontaire - leur faisait perdre un temps précieux alors que la Terre courait apparemment un nouveau danger ; cela commençait à devenir un peu trop régulier.

« Assez joué. » trancha Vegeta, s'efforçant de ne pas laisser poindre son irritation. « Par où sont-ils partis ? »
« V... Vers la Mer Écarlate. » Visiblement peu à l'aise, leur hôte modifia légèrement sa position, comme si le simple fait d'en parler le perturbait.
« La Mer Écarlate ? »
« C'est par là. » répondit Karin après un instant d'hésitation, pointant le bout de son bâton dans la bonne direction. « Quelques dizaines de kilomètres au sud de l'île de Tortue Géniale. Mais je ne sais pas si... »
« Bien. Allons-y. » Sans tenir compte de cet avertissement, le prince tourna les talons. « Nous reviendrons te voir quand tout sera terminé. Oishi, avec moi ! »

Manifestement confiant dans sa capacité à régler cette sinistre affaire - ils ne pouvaient décemment pas laisser les problèmes se multiplier sans réagir -, Vegeta se jeta dans le vide et prit son envol, fusant déjà vers la ligne d'horizon. Au plus tôt il se rendrait sur place, au plus vite Dieu regagnerait sa place parmi les nuages mais il ne se doutait pas encore de quel Mal il allait lui falloir le délivrer...