Malgré leurs lésions respectives, les deux Saiyans prirent leur envol, direction nord-ouest.
Si c'était tout de même plus de distance qu'il ne serait bon d'en parcourir à pieds dans leur état, la Tour Karin n'était heureusement pas très loin ; quelques dizaines de kilomètres, tout au plus - encore qu'il n'ait jamais pleinement assimilé les unités de mesures terriennes. Quand on est capable de faire le tour du monde en l'espace d'une poignée de secondes, les distances cessent de paraître importantes, à moins qu'elles se comptent en années-lumières. Même si, pour l'heure, force était d'admettre que ce n'était pas un exploit qu'il se sentait prêt à réitérer.
Si les sévices qu'ils s'étaient mutuellement infligé n'allaient pas disparaître de sitôt - pas sans un peu d'aide -, ils s'y habituèrent après quelques minutes de vol, leur permettant de forcer l'allure et d'adopter une vitesse de croisière un peu plus respectable. Non contents d'être excessivement difficiles à tuer, les Guerriers de l'Espace - comme d'aucuns les appelaient ; l'appellation n'avait jamais été du goût du prince, tant elle était vaste et imprécise - jouissaient pour la plupart d'une résilience à faire peur.
Élevés une violence de chaque instant, il n'était que bien normal qu'ils finissent par en avoir le cuir épais, mais c'était à un point tel que c'en devenait presque injuste - surtout considérant qu'ils revenaient plus forts de toute agonie, de toute mort frôlée de trop près sans encore accepter d'y toucher. On aurait voulu les tailler sur mesure pour la guerre qu'on n'aurait pas pu s'y prendre autrement.
« Tu es de classe inférieure, n'est-ce pas ? » demanda-t-il sans crier gare, n'ayant pas décroché le moindre mot depuis leur départ, pendant qu'elle fendait les nuages à quelques mètres derrière lui. Il ne prit pas même la peine de tourner la tête dans sa direction. La question devait se vouloir rhétorique, puisqu'il reprit aussitôt :
« Ça ne sert à rien d'essayer de me le cacher. J'ai vu la façon dont tu te bats. Tu ne montres aucune trace des techniques employées par l'Élite, pas même résiduelle, et tes méthodes sont trop -
lâches, faillit-il dire, mais il se reprit instantanément -
sournoises pour un guerrier de moyenne classe. »Ce qui ne laissait effectivement que peu de place au doute. Le prince n'avait peut-être plus foulé sa terre natale depuis quarante ans, mais c'aurait été une erreur de croire qu'il en avait tout oublié, ce qui avait trait au combat en particulier. À l'époque, il n'aurait pas même cherché à faire la distinction, rien de ce qui n'était pas
au moins de classe supérieure ne méritant son attention. Un silence inconfortable s'installa ; les discussions portant sur la classe sociale de chacun avaient une fâcheuse tendance à dégénérer parmi leurs congénères.
« Ça n'a pas d'importance. » fit-il donc pour la rassurer.
Plus maintenant. Encore moins alors que ce tas de muscles de Broly devait être en train de démolir leurs institutions les plus sacrées au gré de ses caprices d'enfant colérique. S'il avait pu par le passé être fasciné par le Saiyan Légendaire, Vegeta n'avait désormais plus pour lui que rancœur et mépris... Même s'il se pouvait que ce soit sa façon d'oublier l'humiliation ressentie face à lui. Mais aussi anodins que ces mots puissent sembler, ainsi lâchés à la dérobée, il n'y avait aucun moyen qu'ils le soient dans la bouche du prince héritier ; littéralement le plus haut échelon de leur échelle sociale. Les yeux toujours rivés droit devant lui, fixant un point encore invisible, il reprit :
« Broly n'appartient à aucune classe. Il était censé mourir avant de pouvoir en recevoir une. » Même si tout portait à croire que l'Élite l'aurait accueilli à bras ouverts, compte tenu des chiffres indécents qui servaient à mesurer sa force depuis le jour de sa naissance - mais ce n'était pas là le point important. Une certaine hargne décora ses traits.
« Et pourtant, vois où il en est aujourd'hui. Ça ne l'a pas empêché de devenir ce qu'il est. »Si seulement feu Paragus avait su utiliser un poignard correctement, peut-être qu'ils n'en seraient pas là. Voilà bien pourquoi mieux valait faire les choses par soi-même - et eut-il été plus tôt prévenu de son retour, Vegeta s'en serait déjà chargé ; qu'il occupe désormais le trône -
son trône, qu'il croyait à jamais perdu - rendait les choses infiniment plus compliquées.
Mais pas inextricables, cependant - dut-il leur réserver le sort d'un nœud gordien.
Le reste du trajet se poursuivit en silence ; ce n'était, de toute façon, plus l'affaire que d'une poignée de secondes. Les dernières encablures furent l'occasion pour eux de gagner encore en altitude, jusqu'à ce qu'un bâtiment dont
surélevé ne suffisait pas à définir la hauteur leur apparaisse au loin.
Si l'architecture terrestre pouvait déjà paraître bien étrange à qui en faisait encore la découverte, trouver un sanctuaire au sommet d'une tour transperçant le ciel aurait surpris même les natifs, s'ils avaient été en mesure de monter jusqu'ici - mais rares étaient ceux à s'en montrer capables. Le soleil commençait à décliner lorsqu'ils pénétrèrent l'un après l'autre dans l'enceinte de ce lieu de pèlerinage.
« Hé ! Il y a quelqu'un ? »« Ah, Vegeta ! Tu tombes bien ! » s'exclama avec un soulagement certain le maître des lieux tout en s'avançant vers eux, laissant à Oishi le loisir de découvrir son apparence peu commune pour la première fois.
Dans tous ses voyages aux confins des étoiles, jamais auparavant le prince n'avait rencontré de chat parlant. Bien que fébrile, ce dernier tempéra son affolement en les découvrant déjà tant abîmés.
« Oh ? Qu'est-ce qu'il vous est arrivé ? »« Qu'est-ce que tu me voulais ? » demanda-t-il, sans que ni la vénérabilité du félin, ni les services qu'il n'avait de cesse de leur rendre ne semble lui inspirer de respect particulier. Son interlocuteur aurait à vrai dire préféré que ce soit quelqu'un d'autre qui lui rende visite ; même assagi, le prince continuait de le rendre nerveux à chacun de ses passages, et il aurait amplement préféré avoir affaire à Goku.
Hélas, il ne pouvait pas raisonnablement lui demander de rameuter ses amis - l'étaient-ils vraiment ? - pour ce qui pourrait bien n'être qu'une fausse alerte - ni attendre que l'un d'eux s'aventure ici par hasard. Qu'il n'ait fallu que quelques heures pour que l'un d'entre eux vienne à sa rencontre, là où ils pouvaient parfois rester des mois sans nouvelles, était déjà une chance inespérée ; il ne pouvait pas la laisser passer.
Du haut de son perchoir, ce n'était pas comme s'il avait le téléphone.
« Et bien, hum... » hésita-t-il dans un premier temps, jusqu'à ce que le regard impatient du prince - et la quasi-certitude qu'il repartirait s'il n'était pas rapidement fixé - le poussent à se lancer.
« Ce n'est peut-être rien, mais... Il y a quelques heures de cela, j'ai vu quelque chose dégringoler du palais du Tout-Puissant. »« Et alors ? » interrogea Vegeta, ne voyant pas la pertinence de la remarque. Certes, il impliquait que quelque chose - et non
quelqu'un - était tombé plutôt que d'en descendre en volant, mais il ne voyait pas en quoi c'était digne d'attention, de la sienne encore moins.
« Dendé ne peut pas aller tout seul récupérer ses affaires ? »« Non, ce n'est pas ça. » Il se lécha les babines avec nervosité, la queue fouettant l'air.
« Je n'ai pas eu le temps de voir ce que c'était, mais... Ce n'était pas l'un d'entre vous. En fait, ce n'était même pas humain, et... Aucun animal n'est censé monter aussi haut. »« Où veux-tu en venir ? »« Je suis presque sûr d'avoir senti des puissances se déchaîner là-haut. » se décida-t-il finalement, espérant que la gravité dans sa voix - son visage ne la reflétant que difficilement - convaincrait le prince de le prendre au sérieux. Vegeta l'inquiétait peut-être encore assez pour qu'il appréhende de lui faire perdre son temps, mais mieux valait cela que de taire des doutes qui pourraient bien cacher une sale histoire. Il pencha la tête de côté pour observer l'autre guerrière, qui, pour lui, était cachée derrière les jambes du prince exilé.
« Est-ce que vous pourriez aller y jeter un oeil ? »S'il ne voulait pas nécessairement l'inclure dans cette demande, il eut été inconvenant de faire comme si elle n'était pas là alors qu'ils discutaient de sujets potentiellement graves. Certes, il ne la connaissait pas, mais doutait que son interlocuteur s'encombre de sa présence si elle n'était pas un tant soit peu apte au combat, comme sa cicatrice tendait à le confirmer. De surcroît, il ne sentait pas le mal en elle ; il n'avait donc pas à s'inquiéter qu'elle ait été témoin de l'échange, quoi qu'elle décide de faire de son côté.
Pour sa part, Vegeta plissa les yeux. S'il était vrai qu'il avait longtemps eu du mal à accorder un quelconque crédit au gardien - un vieux chat sur deux pattes, même vieux de plusieurs siècles, peinant à l'impressionner -, il en était venu à apprécier sa sagesse à sa juste valeur. S'il disait avoir ressenti quelque chose d'anormal, il y avait de bonnes chances que ce soit fondé ; assez pour faire l'effort d'aller vérifier.
Se doutant de ce pourquoi le Saiyan venait à l'origine - à son grand désarroi, on venait rarement le voir pour autre chose, ces jours-ci ; était-ce Yajirobe qui les faisait fuir ? -, Karin s'approcha de la jarre où il entreposait ses fameux haricots, jetant ceux qu'il était parvenu à cultiver récemment dans l'un des sachets prévus à cet effet.
Lorsqu'il revint vers lui, le prince fit mine de s'en emparer - et le matou replia vivement la patte, lui lançant un regard éloquent. Sa réticence à tenir tête au prince n'en était pas - encore - au point de lui faire oublier tout sens des affaires.
« Tsk. » pesta Vegeta, qui, à défaut de poches, se mit à fouiller l'intérieur de l'un de ses gants, jusqu'à en sortir une paire de billets froissés. La transaction avait de quoi interloquer - qu'est-ce qu'un
chat vivant à l'écart de toute civilisation pouvait bien faire d'un tel paiement ? -, mais après tout, au rythme où ils avaient recours à ses services et dévalisaient ainsi ses récoltes, ils pouvaient bien contribuer aux frais. Pots, engrais et autres denrées ne tombaient pas des arbres - ni des nuages. Ouvrant aussitôt le paquet, le prince y préleva un haricot qu'il ingéra immédiatement, avant d'en lancer un second à Oishi.
Le temps que celle-ci tende la main pour l'attraper, elle pourrait déjà voir les plaies de son sire se refermer, jusqu'à ce qu'elles paraissent n'avoir jamais existé - seules les guenilles qu'il portait attestant de la violence de leur affrontement. Il fit craquer sa nuque d'un mouvement sec ; même diminué, il était bon de se sentir à nouveau paré au combat.
« Je vais aller voir ce qu'il se passe là-haut. » prévint-il, rangeant les précieux légumes en sûreté.
« Libre à toi de rester ici le temps que je revienne. » Il désigna Karin d'un coup de menton, lequel était trop anxieux pour s'offenser que l'on parle de lui comme s'il était absent.
« Je te conseille d'en acheter, s'il lui en reste... Et si tu as de quoi payer. Ça en vaut la peine, comme tu peux le voir. » Il plia et déplia les doigts, confirmant leur parfaite mobilité.
« Nous allons en avoir besoin. »- Achats:
Achat de six senzus pour 150*6 = 900 zénis, dont un consommé immédiatement et un donné à Oishi (restent 4).