Retour au point de départ ? [PV]

« Tu en as encore pour longtemps ? » s'enquit Vegeta, bras croisés, adossé à l'un des murs du hangar.
« J'irais plus vite si tu ne me déconcentrais pas toutes les cinq minutes ! » protesta Bulma, agitant la clef à mollette qu'elle tenait à la main comme pour lui montrer qu'elle ne bâillait pas aux corneilles. « Prends ton mal en patience. Ce sera bientôt terminé, je te le promets ! »

Le prince se prépara à répondre, mais ravala sa réplique. Sa femme n'avait rien fait pour mériter son irritation ; c'était toute cette histoire qui le tendait plus qu'il voulait bien l'avouer. Trois jours s'étaient écoulés depuis son affrontement avec Black ; grâce aux soins de Kibito, c'était plus qu'assez pour qu'il soit à nouveau en pleine forme.
Néanmoins, cela voulait aussi dire que cela faisait trois jours - et quelques heures - qu'il avait quitté précipitamment la discussion devant décider de l'avenir d'un monde et de ses congénères. Et il n'avait encore aucune idée des conséquences que cela pouvait avoir.
Certes, avoir été personnellement sollicité par un dieu jouait en sa faveur, mais les Saiyans n'étaient pas exactement un peuple religieux... Et qui pouvait affirmer que ce laps de temps - aussi court soit-il - ne serait pas suffisant pour que Broly refasse parler de lui ? Il n'avait pas le droit de trainer.

Rongeant son frein, il regarda autour de lui. Bulma avait préféré faire acheminer son vaisseau vers la base de lancement - celle-là même qu'Oishi et lui avaient employé pour quitter la planète - afin d'y faire ses derniers préparatifs. Une histoire de ne pas déranger les voisins lors du décollage... Vegeta n'en avait eu que faire, mais voir le personnel de l'endroit aller et venir lui tapait sur les nerfs.
Privilégié de par sa relation avec la personne la plus riche du monde, il ne tolérait guère de frayer avec le commun des mortels contre son gré ; s'être adouci avec les années ne l'avait pas rendu plus sociable. Reportant son attention sur son épouse et les bruits mécaniques qu'elle causait à intervalles réguliers, il s'enquit :

« Est-ce que tu peux me dire combien de temps ça va prendre pour s'y rendre ? »
« Et bien, je ne peux me fier qu'aux indications que tu m'as donné, mais d'après mes estimations, on devrait y être en une demi-journée. Bien sûr, à moins de rencontrer des problèmes en chemin, mais tu es là pour t'en occuper, pas vrai ? »
« ...Comment ?! » s'exclama Vegeta, estomaqué.
« Et bien oui, mon chéri. » fit-elle en lui adressant un clin d'œil, un sourire satisfait sur le visage. « Tu es marié à l'une des plus grandes scientifiques du monde, tu ne l'as pas oublié, j'espère ? »

Si ce n'est « la » ; elle ne prit pas la peine de le préciser, mais c'était sa conviction profonde. Bon, certes, son père l'avait aidée sur de petits détails - qu'est-ce que c'était que cette obsession avec l'installation sonore ? -, mais il n'en restait pas moins que ce projet était le sien.
C'était son vaisseau - à elle et à sa famille, créé spécifiquement en vue de cette excursion. Il n'y paraissait peut-être pas à l'oeil profane, son design étant terriblement proche des modèles précédents, mais la technologie était sans commune mesure avec celle employée à l'époque.
Après tout, cela faisait déjà plus de douze ans depuis leur voyage sur Namek ; les progrès réalisés depuis ne pouvaient être que difficilement quantifiés, surtout au sein de la plus grosse compagnie au monde.

Le prince fit de son mieux pour retrouver contenance.
S'il se doutait que le voyage ne serait pas très long - il avait assez occupé la précédente navette pour connaître en détail ses prouesses techniques -, il n'en était pas au point d'imaginer que cela puisse être aussi rapide. Même les véhicules fournis par l'empire de Freezer - pourtant alors largement en avance sur ceux de la Terre - étaient incapables d'une telle vitesse !
C'était tant mieux, cependant ; il avait suffisamment fait patienter Oishi et les autres. S'il ne regrettait pas de l'avoir fait pour des raisons évidentes, avoir dû se retirer au milieu d'une réunion pour une affaire personnelle ne jouait pas en sa faveur, et il ne pouvait qu'espérer que ce ne serait pas un frein à leurs futurs échanges.
S'il ne tenait pas particulièrement à être en bons termes avec eux - que leur restait-il en commun, après tout ce temps ? -, c'était nécessaire s'il voulait s'assurer qu'ils suivent une voie plus vertueuse que celle qui était la leur au moment de leur disparition.
Les Saiyans ne seraient jamais des « gens biens » an sens où on l'entendait sur Terre, mais ils n'avaient pas non plus à être les monstres sanguinaires que Freezer les avait forcés à devenir - ou du moins, pas tout le temps.

« Tout est prêt. On va pouvoir y aller ! » lança Bulma en refermant la trappe à carburant du vaisseau, le tirant de sa réflexion. « Je vais me changer pour être plus à l'aise. Tu peux vérifier si Trunks a pris sa brosse à dents ? Il ne doit pas être très loin... »

Il était l'heure de repartir en voyage.
De rentrer chez lui - si vraiment il avait encore une place là-bas.

Les préparatifs allaient bon train, Bulma se chargeant de ce qu'elle-même appelait « les finitions » avant qu'ils puissent embarquer, et il était à peu près sûr que ce n'était qu'une question de perfectionnisme et que l'engin était déjà paré au départ.
Ce n'était, selon toute vraisemblance, plus qu'une question de minutes avant qu'ils s'envolent vers l'espace, vers les démêlés politiques qui attendaient le prince son monde d'origine. Bien que sortant du combat le plus dur qu'il ait eu à livrer à ce jour, il n'était pas au bout de ses peines - et hélas, cette situation-ci ne se réglerait pas seulement avec les poings.
L'on ne pouvait pas dire qu'il ait vraiment hâte de s'y rendre, surtout alors qu'il ignorait si la Terre serait à même de se défendre en cas de nouvelle menace, mais au moins aurait-il ce qui comptait le plus pour lui à ses côtés - là où il pourrait veiller sur eux. C'était déjà un bon début.

Si Vegeta avait pour sa part pris l'habitude de voyager léger, pour ne pas dire uniquement avec ce qu'il avait sur le dos - les capsules dans lesquelles il avait passé une bonne partie de sa vie ne laissant guère de place pour d'éventuels bagages -, l'on ne pouvait en dire autant de sa famille.
Ne sachant combien de temps ils devraient rester sur place - lui-même n'en sachant rien, il n'avait pu la renseigner -, sa femme avait préféré voir les choses en grand, regrettant visiblement la garde-robe réduite qu'elle avait à sa disposition lorsqu'elle s'était rendue sur Namek à l'époque. C'était une chance qu'une parie de ses affaires ait pu être miniaturisée dans une capsule, où la place aurait rapidement manqué à l'intérieur de la navette.
Peu désireux d'avoir à transporter lui-même tout ce poids supplémentaire jusqu'à la soute, le prince des Saiyans avait délégué cette mission à son fils, d'autant qu'une partie de ce chargement lui appartenait également. Ainsi put-il quant à lui rester en retrait, attendant le moment où on lui signifierait de monter à bord - qu'enfin, il était temps de partir.

Mais avant cela, il eut la surprise de voir quelqu'un venir vers lui. Ses sourcils se froncèrent d'instinct en réalisant qu'il s'agissait d'un Saiyan. Comment aurait-il pu en être autrement ? Sa tenue, sa coupe et sa couleur de cheveux, son visage... Tout en lui respirait leur culture - du moins ce qu'elle était devenue sous le joug de Freezer -, avant même de voir la queue de singe enroulée autour de sa taille, « comme au bon vieux temps ». Décroisant les bras, le prince se tourna pour lui faire face, curieux d'obtenir une explication - même si, bien sûr, encore fallait-il qu'il soit disposé à la lui donner.

« C'est Motta qui t'envoie ? Je ne le pensais pas si pressé de me voir revenir. » rétorqua le prince.

Cela ne faisait que trois jours, après tout ; le simple fait qu'un envoyé ait pu parcourir la distance séparant leur planète et la Terre en ce court laps de temps était déjà déroutant, leur technologie ne semblant pas avoir progressé outre-mesure. Le chef des armées saiyannes redoutait-il qu'il ne le rejoigne finalement pas pour tenir ses engagements ?
En tous les cas, à la façon qu'il avait de lui parler, celui-ci n'avait pas l'air de le porter dans son cœur - ce qui était sans doute le cas d'une partie de la population ; si certains seraient heureux de voir revenir l'héritier du trône, ce ne serait probablement pas une bonne nouvelle pour tout le monde.
Oui, il aurait à faire - ou refaire - ses preuves, à prouver qu'il était à la mesure de son rang ; cela, Vegeta le savait... Mais il n'avait pas non plus l'intention de se laisser marcher sur les pieds. Il restait leur prince, et s'ils avaient eu le culot de l'oublier, il ne manquerait pas de le leur rappeler. Cet individu-ci en particulier aurait-il dû lui être familier ? Il aurait pourtant cru que tout ceux qu'il avait connu à l'époque étaient depuis morts et enterrés...

« Je ne sais pas comment tu as fait pour venir ici aussi vite, mais comme tu peux le voir, tu t'es déplacé pour rien. J'étais justement sur le point de me mettre en route. » reprit-il en le dévisageant, une main sur la hanche, décontracté en dépit de la tension naissante. « À moins que tu aies quelque chose à me demander ? »

Le zeste de provocation dans sa voix laissait supposer - qu'il ait ou non été missionné par Motta - qu'il avait envie d'en découdre, qu'il soit ou non prêt à l'assumer ; le prince entendait tirer cela au clair... Et y mettre bon ordre s'il le fallait.
Toujours plongée dans ses réglages, Bulma n'intervint qu'alors dans la conversation, s'épongeant le front du revers de la main tenant sa clef à mollette.

« Vegeta ? C'est un ami à toi ? »

Remarquant l'armure que portait cet inconnu, elle eut un discret mais bien réel mouvement de recul. Cela rappelait de mauvais souvenirs - quand bien même elle en avait elle-même conçu un autre modèle, il y a de cela quelques années.
Pour autant, elle ne perdit aucunement son sang-froid, sachant pertinemment qu'elle n'avait rien à craindre en présence de son conjoint - même si elle espérait bien entendu ne pas voir les choses dégénérer, surtout pas ici, au milieu d'un endroit fréquenté.

Les bruits de voix finirent immanquablement par attirer Trunks qui, tapi dans la navette, y entassait jusqu'alors autant de bonbons et de jouets que faire se peut pour être sûr de ne manquer de rien pendant le trajet. Même si on lui avait dit que celui-ci ne serait pas très long, rien ne sonnait plus faux aux oreilles d'un enfant de huit ans, surtout quand celui-ci avait été suffisamment nanti pour s'habituer à ne devoir patienter pour rien depuis sa plus tendre enfance. Faisant dépasser sa tête de l'encadrement de la porte, il interrogea à son tour :

« C'est qui ce monsieur, papa ? Tu le connais ? »

« Je m'en occupe. Ne vous inquiétez pas. » répondit calmement Vegeta à sa femme et son fils, sans pour autant se tourner vers eux - sans quitter l'intrus des yeux ; la moindre seconde d'inattention aurait pu avoir de graves conséquences, si les choses devaient dégénérer.

Malgré l'évidente différence de taille - une tête si ce n'est plus - qui les séparait, Vegeta refusa naturellement de baisser les yeux ; un détail aussi trivial n'était pas de nature à l'impressionner. Preuve en était que Kakarot le dominait lui aussi sur ce plan sans que cela ait jamais eu la moindre signification à ses yeux ; ce n'était pas pour qu'il en soit autrement face à un parfait inconnu - quand bien même celui-ci laissait entendre que ce n'était point le cas.
Arquant un sourcil sceptique, le prince interrogea sa mémoire lointaine, le peu de Saiyans qu'il avait côtoyé jusqu'à très récemment - quasi-extinction oblige - l'incitant à remonter jusqu'à la petite enfance. Jusqu'à l'époque où il n'était pas encore le dernier de sa lignée ; le prince d'un tas de cendres. C'était flou, mais... Oui, peut-être qu'à bien y réfléchir, cela lui disait quelque chose - ce qui n'était déjà pas rien compte tenu du temps écoulé, d'autant qu'il n'était alors âgé que de quelques années.

« Je crois que je me rappelle de toi, à présent... Tu es Sharotto, pas vrai ? » demanda-t-il - mais il s'agissait là d'une question rhétorique, car il n'en doutait plus à présent. « Je peux savoir ce que tu viens faire ici ? »

Si certes il arrivait que les Saiyans se ressemblent comme deux gouttes d'eau même sans qu'aucun lien du sang soit impliqué, l'association de son visage et de l'évocation d'une rancune passée était suffisante pour lui remettre les idées en place. La liste des personnes à qui il avait causé du tort n'était que trop longue, et s'il aurait pu deviner que celui-ci en faisait partie, les vagues détails qui lui revenaient à l'esprit lui permettaient d'en avoir une idée un rien plus précise.
Bien sûr, tout cela était loin désormais - pour lui, du moins ; l'on ne pouvait en dire autant de son interlocuteur, au vu de la manière dont il avait choisi de l'aborder... Laquelle était cependant caractéristique de leur peuple, il fallait bien l'avouer ; les Saiyans n'avaient jamais connu que l'agression, au point que ce soit leur principal moyen de s'exprimer - leur langue natale, d'une certaine manière.
En l'occurrence, son vis-à-vis parut cependant ne pas être dénué de raison, chose autrement plus rare pour l'un des leurs, mettant ses griefs de côté - au moins pour un temps - afin d'essayer de comprendre comment les choses avaient évolué. Ne sentant plus d'hostilité immédiate, le prince se permit également de baisser quelque peu sa garde, non sans rester circonspect quant à ces « retrouvailles » pour le moins insolite.
Pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Pourquoi après si longtemps ? Combien d'autres fantômes du passé devait-il encore s'attendre à voir ressurgir ? Et combien d'entre eux auraient des raisons de le haïr ?...

Voyant ce « revenant » s'approcher de lui - Shenron avait-il quelque chose à y voir ? -, Vegeta se tendit un rien plus de façon presque imperceptible, sans encore changer de posture, mais se préparant mentalement à le recevoir... Avant d'avoir la surprise de le voir tendre la main dans sa direction.
Brièvement décontenancé, il fixa ses doigts avec hésitation, avant de se résoudre à répondre à son geste de la même façon ; tout préparé qu'il ait été à en découdre, s'il pouvait résoudre ces vieilles querelles autrement que par la violence, il n'était pas fermé à l'idée, bien au contraire. Dans ce cas comme dans plus d'autres qu'il n'en saurait compter, il n'ignorait pas avoir beaucoup à se faire pardonner ; le tout était de savoir par où commencer.

« Pour moi, cela faisait plus de trente ans que notre planète avait été détruite... J'aurais cru ne jamais la revoir. » Et il débattait encore avec lui-même intérieurement pour savoir si c'était véritablement une bonne chose - même si ce qu'il avait vu sur place lui donnait des raisons de penser que oui. Puisse-t-il ne pas en être déçu à l'avenir. « De toute évidence, les choses ont changé. »

Changé en bien ? Oui, on pouvait dire cela. Il s'en était fallu de peu qu'il ne ruine ce « changement », ne réduise à néant tout son parcours lorsque le mal s'était emparé de lui sous l'influence de Babidi. Lorsqu'il l'avait volontairement laissé faire ressurgir ses ténèbres intérieures dans l'espoir d'en tirer une puissance sans égale...
Heureusement, c'était celui qu'il était aujourd'hui qui avait prévalu au terme de cette épreuve ; qui était revenu de l'autre monde grandi par cette ultime erreur. Que l'on ne s'y méprenne pas, ce n'était aucunement pour se dédouaner de ses torts passés qu'il prétendait être un homme nouveau ; c'était simplement là sa réalité.
Celle-là même que Sharotto devait découvrir à son tour - et apprendre à accepter.

« Je n'ai appris que récemment tout ce qu'il s'était passé là-bas. J'ai rencontré Motta pour m'assurer que la planète ne tombe pas à nouveau aux mains d'un tyran et ai discuté avec lui de la direction à donner à notre peuple. J'ai dû revenir sur Terre pour régler un problème personnel il y a quelques jours, mais je n'ai pas l'intention de les laisser tomber. » s'expliqua-t-il de façon lapidaire, ignorant à quel point l'autre guerrier était lui-même renseigné sur les derniers événements - et n'étant pas nécessairement disposé à s'ouvrir dans les moindres détails sur ses propres mésaventures ; cela ne regardait que lui. « Et toi ? Qu'est-ce qui nous vaut ta présence ici ? J'ai du mal à croire que tu sois arrivé sur Terre par hasard... »
« Dites, les garçons ! » intervint soudainement Bulma qui, le temps de ce dialogue, s'en était retournée à ses derniers réglages, quelques mètres plus loin. « Je ne comprends rien à ce que vous racontez depuis tout à l'heure, mais on est prêts à se mettre en route. Vegeta, si tu veux continuer de discuter avec ton ami, pourquoi est-ce que tu ne lui proposerais pas de venir avec nous ? J'ai cru entendre qu'on allait dans la même direction, et on a bien assez de place pour un passager supplémentaire ! »

Ceci étant dit, elle s'en retourna à ses affaires sans plus s'intéresser à eux.
Pris au dépourvu, Vegeta ne put qu'ouvrir et refermer la bouche sans émettre le moindre son, tâchant de masquer l'embarras de s'être ainsi fait couper l'herbe sous le pied. Maintenant que l'offre était faite malgré lui, avait-il encore vraiment le choix sans risquer de nuire à leur réconciliation tout juste entamée ?

« Tu l'as entendue. » marmonna-t-il à l'adresse de Sharotto, sans avoir la moindre idée de ce qu'en penserait ce dernier.

« Dites, m'sieur ! » lança Trunks qui, s'il s'était fait discret, ne prêtant pas réellement attention à l'échange, en avait profité pour l'observer sous toutes les coutures, à défaut d'avoir mieux à faire en attendant le départ. « Vous aussi, vous venez de la même planète que mon père ? Vous êtes fort comment ? »

« Comme ma femme le disait, il y a de la place. » répondit Vegeta en haussant les épaules, feignant l'indifférence à l'idée que son vis-à-vis les accompagne. « Tu es le bienvenu si tu n'as rien de mieux à faire. »

Quand bien même il gardait le souvenir d'une relation tendue - tout cela remontait à fort longtemps ; une autre vie, à vrai dire, littéralement -, de l'eau avait coulé sous les ponts depuis. Et malgré les tensions initiales, Sharotto semblait finalement aussi disposé que lui à passer à autre chose.
Ce serait donc l'occasion pour eux de rattraper le temps perdu, à défaut de ressasser le passé ; peut-être était-il préférable d'éviter jusqu'à nouvel ordre, pour ne pas risquer de rouvrir de vieilles plaies un peu trop vite.
Et puis, mieux valait qu'il se réhabitue à côtoyer ses semblables s'il avait la prétention de décider d'un avenir pour eux, quand bien même il ne serait pas le seul à le faire. Si son interlocuteur semblait, au vu de ses questions, n'être pas très au fait des dernières nouveautés, il ne pouvait qu'être mieux informé que lui quant au devenir d'un monde qu'il croyait encore il y a peu perdu à jamais.

En outre, pour avoir lui-même voyagé récemment dans l'une de ces capsules standardisées à destination du grand public, il était bien placé pour savoir que leur confort laissait à désirer. Certes, ces engins avaient - dès les premiers modèles conçus par les ingénieurs à la botte de Freezer - été conçus pour être pratiques avant tout, et cette version « civile » n'était pas différente à cet égard, mais il aurait été dommage de s'en contenter alors que l'on avait des conditions de voyage plus agréables à sa portée.
Qui plus est, le faible espace disponible ne laissait pas d'autre choix que l'inertie, souvent passée dans un sommeil artificiel pour tuer l'ennui ; un plus grand vaisseau impliquait une plus large liberté de mouvements, et donc la capacité de s'entraîner.
Or, le prince n'avait aucune intention de passer le voyage à se tourner les pouces, encore moins alors que de nouveaux ennemis pouvaient surgir à tout moment. S'il avait retenu une chose des derniers événements, c'était bien qu'ils ne pouvaient pas se permettre de se reposer sur leurs lauriers - ni lui ni les autres. Puissent-ils faire preuve de la même rigueur que lui - même si, hélas, il se doutait déjà que ce ne serait pas le cas de tout.

« Ça, je veux bien le croire... » ne put-il s'empêcher de dire, un sourire narquois sur les lèvres, après que Sharotto eut déclaré ne pas être à son niveau.

Ce n'était qu'une raillerie tout ce qu'il y a de plus ordinaire par chez eux, où la testostérone prenait souvent le pas sur le bon sens - et de ce côté, il aurait été prêt à parier que rien n'avait changé -, au point que cela relève  pratiquement de leurs us et coutume, mais il n'en était pas moins intimement persuadé de dire vrai.
S'il aurait peut-être pu être une « menace » dans leur jeunesse, comment pourrait-il l'être encore après tout ce temps passé dans l'autre monde ? D'autant que leur peuple n'ayant pas exactement brillé par sa bienveillance, rares devaient être ceux à avoir eu le droit d'y garder leur corps - à supposer qu'il y en ait, ce qui était déjà tout sauf sûr.
Selon toute vraisemblance, le Super Saiyan n'était encore pour lui qu'une légende ; Vegeta était curieux de voir sa tête lorsqu'il lui révélerait que cela n'avait désormais plus rien d'extraordinaire, ni pour lui ni pour les autres Saiyans de son entourage. Ça risquait de lui faire un choc !

« Ben ouais ! Mon papa, c'est le plus fort ! » s'exclama fièrement Trunks, torse bombé et poings sur les hanches, imperméable à ces batailles d'egos - toutes innocentes qu'elles soient. Cela ne l'empêcha cependant pas de se suspendre au bras de l'intéressé pour jauger par lui-même de sa capacité à le soulever. Un critère essentiel, de son point de vue ; à quoi bon être fort, si ce n'était pas pour le porter lorsqu'il en faisait la demande ?

Avant que le prince ait pu surenchérir, ils furent interrompus par l'irruption d'un membre du personnel du spatioport - celui en charge de la navette que Sharotto avait demandé qu'on lui fasse apprêter, manifestement. Sans changer de posture, Vegeta leva un sourcil, ne voyant pas ce qui pouvait justifier un tel investissement de sa part - à quoi bon se presser de la sorte ? -, d'autant qu'il s'avérait qu'il avait travaillé pour rien en définitive. Bien sûr, il ne pouvait pas encore le savoir...

« Je vous attends à l'intérieur. » fit sobrement le père de famille, impatient de vider les lieux et de prendre la route - et pour tout dire, il estimait n'avoir rien à gagner à écouter Sharotto se justifier auprès d'un banal employé. Ainsi tourna-t-il les talons pour franchir le seuil du vaisseau, comptant sur son fils pour le suivre de près une fois que leur « invité » cesserait de le fasciner.

« On ne le changera plus ! » dit Bulma avec une pointe d'amusement, ayant allumé non loin de là une dernière cigarette avant de devoir se résoudre à embarquer. Malgré ses efforts sincères pour arrêter de fumer - ce qu'elle n'avait de toute façon toujours fait que de manière sporadique -, elle appréciait encore un peu trop de le faire une fois de temps en temps, surtout alors qu'elle s'apprêtait à passer de longues heures dans un espace confiné... Avisant Sharotto, elle reprit avec placidité : « Je ne sais pas quel genre de relation vous avez, tous les deux, mais je vous demanderai juste de ne pas abimer mon vaisseau. J'ai beau l'avoir fait solide, je sais qu'on n'est jamais à l'abri avec des brutes dans votre genre... Sans offense ! »

Et il n'y avait effectivement aucune animosité dans sa voix. Après tout, côtoyant des Saiyans depuis sa prime jeunesse - avant même d'avoir connaissance de ce terme -, elle connaissait mieux que quiconque leur propension à tout casser autour d'eux. Or, s'il suffisait habituellement de remplacer le matériel, ce dont elle avait largement les moyens, il en serait autrement s'ils venaient à perforer la carlingue de leur carrosse au beau milieu du vide spatial...
Sur le point d'éteindre son bâton de cancer, elle eut la surprise de voir l'étranger - sur les bons conseils de son fils - activer la capsule qui venait de lui être donnée... Et en sortir une Dragon Ball. Ignorant encore les dernières nouvelles à leur égard, elle ne s'en ébahit pas plus que cela, mais afficha tout de même une pointe de surprise.

« Oh ? Ça alors... Comment est-ce qu'elle est arrivée là ? »

Certes, les Boules de Cristal étaient programmées - était-ce le bon terme ? - pour s'éparpiller après avoir réalisé un vœu, et il leur était déjà arrivé de les retrouver dans des endroits insolites, mais de là à ce que l'une d'entre elles ait été encapsulée de la sorte... ! Qui plus est, celle-ci semblait déjà être active malgré le fait qu'un souhait ait été exaucé à peine quelques jours auparavant. Étrange. Dendé les aurait-il encore améliorées sans les prévenir... ? Oh, ce n'était pas si important, au fond.
Si elle fut, l'espace d'un instant tentée de lui dire de la laisser sur Terre, elle n'en fit finalement rien : d'une part parce qu'elle ne le connaissait pas assez pour se permettre de présumer de ses réactions à ce point, et d'autre part parce que garder les boules séparées n'était peut-être pas une mauvaise idée, finalement.
Au vu des forces à l'œuvre récemment, s'assurer qu'elles ne soient pas à la portée de n'importe qui semblait être une précaution légitime... Et si les autres en avaient vraiment besoin, ils - comprendre : Son Goku - viendraient probablement lui réclamer le radar ; ce serait l'occasion de leur indiquer que l'une d'elles se trouvait déjà à sa portée.

« Gardez-la précieusement. Toute seule, elle ne vous servira pas à grand chose, mais on pourrait en avoir besoin. » finit-elle par dire avec le sourire, n'ayant aucune raison de penser qu'il pouvait déjà être familier avec ces artefacts et leur fonction. Écrasant son mégot, elle s'adressa tant à son fils qu'à celui qui, malgré lui, semblait bien parti pour devenir son nouveau baby-sitter : « Allez, on y va ? »

L'heure du départ avait sonné ; en route pour la planète Vegeta !